contact rubrique Agenda Culturel :Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Laure Albin Guillot (1879–1962)” l’enjeu classique
au Musée de l'Elysée, Lausanne

au 5 juin au 1er septembre 2013



www.elysee.ch

968_Laure-Albin-Guillot_1968_Laure-Albin-Guillot_2968_Laure-Albin-Guillot_3

Légendes de gauche à droite :
1/  Laure Albin Guillot, Lucienne Boyer, vers 1935. Collections Roger-Viollet / Parisienne de Photographie. © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet.
2/  Laure Albin Guillot, Jean Cocteau, 1939. Collection particulière, Paris. © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet.
3/  Laure Albin Guillot, Étude de nu, vers 1938. Collections Roger-Viollet / Parisienne de Photographie. © Laure Albin Guillot / Roger-Viollet.

 

 


968 Laure-Albin-Guillot video
Interview de Delphine Desveaux et Michaël Houlette, commissaires de l'expositions
,
par Pierre Normann Granier, au Jeu de Paume, Paris, le 25 février 2013, © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse

 

Commissaires de l’exposition :
Delphine Desveaux, Directrice des collections Roger-Viollet à la Parisienne de Photographie
Michaël Houlette, Commissaire et coordinateur d’expositions, Jeu de Paume

Commissaire coordinateur à Lausanne
Daniel Girardin, Conservateur en chef, Musée de l’Elysée

 

Laure Albin Guillot, un « nom sonore qui devait devenir fameux », peut-on lire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le paysage photographique français de ce milieu de siècle est en effet singulièrement marqué par la signature et par l’aura de cette artiste qui, de son vivant, fut certainement la plus exposée et reconnue.

L’exposition présentée au Musée de l’Elysée en collaboration avec le Jeu de Paume réunit un ensemble conséquent de 200 épreuves et livres originaux de Laure Albin Guillot, ainsi que des magazines et documents d’époque issus de collections privées et publiques. Une grande partie des tirages originaux et documents exposés proviennent des collections de l’Agence Roger-Viollet (en collaboration avec la Parisienne de Photographie) qui fit l’acquisition du fonds d’atelier Laure Albin Guillot en 1964. Composée de 52’000 négatifs et de 20’000 épreuves, cette source a permis de questionner l’oeuvre et la place que la photographe occupe réellement dans l’histoire. Dans le paysage artistique français des années 1920-1940, où la modernité et la production d’avant-garde connaissent les faveurs de notre regard et de notre goût contemporains, la photographie de l’artiste pourrait sembler relever d’une tradition à contre-courant. C’est pourtant cette photographie, incarnant le classicisme et un certain « style français », qui fut largement célébrée à l’époque.
Si la photographie de Laure Albin Guillot est incontestablement l’une des plus en vogue dans l’entre-deux-guerres, sa personnalité reste aujourd’hui une énigme. Car, paradoxalement, peu d’études ont été consacrées à l’oeuvre et à la carrière de cette artiste. Ses premières oeuvres apparaissent dans les salons et les publications au début des années 1920, mais c’est essentiellement au cours des années 1930 et 1940 que Laure Albin Guillot, artiste et figure institutionnelle, occupe et domine la scène photographique. Photographe indépendante, elle se consacre à des genres variés comme le portrait, le nu, le paysage, la nature morte et, dans une moindre mesure, le reportage. Technicienne hors pair, elle élève la pratique jusqu’à un certain élitisme. Photographe de son temps, elle utilise les nouveaux modes de diffusion de l’image et fournit à la presse et à l’édition des illustrations et des créations publicitaires. Elle est notamment l’une des premières en France à envisager l’application décorative de la photographie par ses recherches formelles avec l’infiniment petit. Avec la photomicrographie, qu’elle renomme « micrographie », Laure Albin Guillot offre de nouvelles perspectives créatrices combinant science et arts plastiques.  Enfin, à la fois membre de la Société des artistes décorateurs, de la Société française de Photographie, directrice des archives photographiques de la direction générale des Beaux-Arts (futur ministère de la Culture) et directrice du premier projet de Cinématèque nationale, présidente de l’Union féminine des carrières libérales, elle apparaît comme l’une des personnalités les plus actives et les plus conscientes des enjeux photographiques et culturels de son époque.

 

 

Organisée en quatre sections, l’exposition explore les différentes facettes de l’oeuvre  de Laure Albin Guillot.

L’atelier
Laure Albin Guillot fait ses débuts dans la première moitié des années 1920 avec des portraits et des photographies de mode. Son code est dès lors celui de l’élégance, sa manière est assez systématique et elle use d’artifices divers : décor dépouillé, plan rapproché, profondeur de champ réduite, éclairages simples. L’effet voulu d’intériorité et d’intimité est accentué par des poses inspirées qui traduisent le caractère du modèle comme le font les peintres. Elle accepte d’être comparée aux pictorialistes. Elle en est assez proche au début par la forme et par la technique, étant adepte d’une esthétique dont l’expression est facilitée par ses optiques qui floutent (Opale et Eïdoscope). Ses séances sont courtes (jamais plus de vingt minutes), les lampes sont positionnées pour se compléter et aucun détail n’est perdu dans l’ombre grâce à un éclairage plus faible, opposé au premier ; si elle feint de ne pas dépasser un certain naturalisme, elle améliore le naturel, les contours sont adoucis, la lumière diffuse est flatteuse. Dans l’exercice du nu, la photographe privilégie la maîtrise de la forme sur l’inspiration, elle quête une pureté poétique, une dématérialisation du corps par la puissance de l’esprit ; ses nus sont construits par la lumière, ils tendent vers l’idéal. En opposition complète à l’importance du caractère dans le portrait, sa réduction à une forme plastique fait du modèle un ensemble de lignes, le visage est repoussé dans les angles, presque effacé. Laure Albin Guillot ne pratique pas l’écriture fragmentaire, elle propose des formes fluides, a priori simples mais en réalité très travaillées. La référence à la statuaire est assumée et offre une grande variété d’utilisation des photographies, chacune en contenant plusieurs.

Un art décoratif
Après 1918, Paris renoue avec sa vocation artistique et le « style français » triomphe à l’Exposition internationale des arts industriels et modernes de 1925. Proche des artistes et des artisans, Laure Albin Guillot y montre une exceptionnelle série de portraits de décorateurs. Elle réalise elle-même des kakemonos à partir de photographies stylisées et, inspirée par le japonisme, elle fait enchâsser certaines de ses photographies dans du bois laqué pour en faire des pare-feu ou des paravents. En 1931, son livre Micrographie décorative lui vaut une reconnaissance immédiate et internationale ; l’ouvrage est une curiosité visuelle jouant sur l’ambiguïté de l’origine du sujet photographié et de la nature de l’image reproduite. Les vingt planches de diatomées, minéraux et autres végétaux saisis au microscope sont autant de propositions esthétiques et sont l’aboutissement magistral d’une réflexion partagée avec son défunt mari, lui-même collectionneur de préparations microscopiques. Très médiatisée, cette parution déclenche des articles élogieux qui s’enthousiasment de la fusion entre science et art. Les micrographies se déclinent en papier peint, soieries, reliures et objets divers. Dans le débat qui anime les partisans et les détracteurs de la photographie en tant que médium artistique, elle apporte sa réponse : selon elle, la photographie est un art décoratif. Micrographie décorative sera publié avec une préface de Paul Léon, directeur général des Beaux-Arts, en hommage à Albin Guillot disparu en 1929.

La photographie publicitaire
En 1933, Laure Albin Guillot publie Photographie publicitaire. Ce livre est l’un des rares ouvrages théoriques signé par un photographe dans la France de l’entre-deux-guerres. Elle est alors réputée pour ses portraits, ses propositions décoratives, ses photographies de mode et ses illustrations publicitaires. Mais elle est aussi une figure de l’institution, à la fois directrice des archives photographiques des Beaux-Arts (futur Ministère de la culture) et de la Cinémathèque nationale. Laure Albin Guillot est pleinement consciente des enjeux médiatiques et commerciaux qui se construisent autour du cinéma, de la radio et de la presse illustrée. À partir de sa propre expérience, elle tente de définir dans ce livre le rôle que la photographie peut jouer dans le paysage publicitaire en train de se dessiner. Depuis la fin des années 1920, elle exécute en effet un grand nombre d’illustrations publicitaires. Elle élabore ainsi un répertoire fait de schémas visuels simples, efficaces et facilement intelligibles. Une grande majorité de sa production concerne les produits de luxe comme l’horlogerie haut de gamme, la bijouterie ou la mode. Mais elle réalise aussi de nombreuses annonces pour les industries cosmétiques et pharmaceutiques, qui sont les secteurs industriels les plus récents et les plus dynamiques de son époque.

L’oeuvre imprimée
L’oeuvre de Laure Albin Guillot fut abondamment publiée. La photographe travaillait non seulement pour la presse mais aussi pour l’édition, qu’il s’agisse de portraits d’écrivains reproduits en frontispices de romans ou de photographies utilisées çà et là dans des ouvrages collectifs. Entre 1934 et 1951, elle illustre seule pas moins de onze livres de nature et de contenus variés : roman, manuel scolaire, guide pour le musée du Louvre, livre de prières, etc. Elle réalise parallèlement, avec la collaboration de Paul Valéry, Henry de Montherlant, Marcelle Maurette ou encore Maurice Garçon, de somptueux « livres d’artistes » combinant littérature et photographie. C’est une véritable stratégie de valorisation de son oeuvre que la photographe entreprend avec ces ouvrages qui, pour la plupart, sont vendus par souscription. Leur facture, leur luxe et leur rareté en font de véritables objets de collection à une époque où il n’existe pas de marché pour la photographie (« J’ai fait accepter la photographie dans la bibliophilie », écrira-t-elle à la fin de sa vie). Expositions et livres d’artistes sont intimement liés dans sa démarche : leur parution est annoncée par la présentation en salons ou en galeries de séries d’épreuves prestigieuses (des épreuves pigmentaires issues des ateliers Fresson pour la grande majorité). Ainsi, montrant des routes ou des paysages, les tirages grand format exposés dans cette section étaient probablement destinés à figurer dans des albums finalement non publiés.