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“Giuseppe Penone” article 972
au Château de Versailles

du 11 juin au 31 octobre 2013



www.chateauversailles.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 6 juin 2013

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Légendes de gauche à droite :
1/  Giusepe Penone, Le foglie delle radici. Photo : Tadzio.
2/  Giusepe Penone, Tra scorza e scorza. Photo : Tadzio.
3/  Giusepe Penone, Elevazione. Photo : Tadzio.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

L'arbre comme symbole de vie, mouvements intérieurs de sève sous une carapace, croissance prodigieuse dans une apparente immobilité, cicatrices portant la mémoire des branches mortes, nous renvoient à notre biologie et notre organicité. L'arbre lien entre ciel et terre, se nourrissant de la lumière du soleil et de l'obscurité du sol, de l'oxygène et de l'eau, replace l'homme dans sa dimension spirituelle, vivant de la terre et destiné à y retourner.

Guiseppe Penone utilise les matériaux classiques de la sculpture. De facture strictement académique, le bronze et le marbre représentent ici la matière organique dans ce qu'elle a de plus fragile : des veines microscopiques. Sculptées dans de monumentaux blocs de marbre, leur échelle démesurée fait de nous des liliputiens observateurs des infimes détails de notre anatomie. Si le parallèle entre les veines du marbre et celles du corps humain semble évident, c'est pour mieux nous rappeler à notre appartenance terrestre, à l'universalité de la mécanique biologique. Roches, végétaux, animaux, ne sommes-nous pas tous animés de la même énergie de vie? Ici se rejoignent différentes échelles de temps, les millions d'années de formation de la roche, les siècles de vie des arbres et les quelques dizaines d'années d'existence de l'homme.

Spazio di luce, alignement les tronçons creux d'un arbre sculpté dans du bronze, montre un gigantesque vaisseau sanguin, comme représenté sur une planche anatomique. Son intérieur d'or le fait ressembler à un immense bijou, renversant la logique de l'apparat puisqu'ici l'ornement devient le contenant de notre sang, de notre flux de vie.
Albero Folgorato, arbre foudroyé, fendu, sec et mort, montre aussi un intérieur d'or, comme si sous l'écorce brute se dissimulait la préciosité de la vie. Tra scorza e scorza, où un jeune arbre laisse s'épanouir sa fraîcheur entre les pans d'écorce de bronze d'un chêne centenaire, confronte les matériaux et les âges : bois naturel contre bronze. En jouant des oppositions intérieur/extérieur, cœur/écorce, Penone place son sujet au cœur de la matière, dans le mouvement des fluides vitaux, dans ce qui nourrit la vie.

Triplice, arbre triptyque dont un tronc plie jusqu'au sol sous le poids d'une pierre tandis qu'un autre rocher est perché sur un embranchement introduit une autre série d'œuvres. Notre parcours dans les jardins du château de Versailles s'achève dans une clairière ou sept œuvres disposées en cercle nous invitent à nous arrêter un instant. De grosses pierres posées à la base des branches sont comme la mémoire, rondes, polies par le temps. Elles influent sur la direction prise par les ramifications du bois en même temps qu'elles finissent par s'intégrer à l'architecture naturelle des arbres, comme des organes. Mémoire influant l'écoulement de la vie et à la fois trace laissée par l'existence.

Les œuvres de Penone ne se livrent pas en un instant, elles nécessitent le temps d'une promenade pour en saisir la portée et l'émotion. Leur intégration dans ce jardin nous donne le cadre et le rythme idéal à cette découverte.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Catherine Pégard, Présidente de l’Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles et de Château de Versailles Spectacles
Commissaire : Alfred Pacquement

 

Avoir la possibilité de faire dialoguer mon travail avec celui de Le Nôtre à Versailles est un grand privilège. Le jardin est un lieu emblématique, qui synthétise la pensée occidentale sur le rapport homme-nature. Construit pour exalter le pouvoir d’un homme, il souligne en fait la force et le pouvoir de la nature qui minimise l’action de l’homme, obligé à un travail pérenne de manutention pour le préserver. La complexité du dessin suggère la multiplicité des regards, et son extension et grandiosité contraste avec la dimension infime de celui qui le parcourt. L’homme seul disparaît dans le jardin au profit de l’esprit de la collectivité humaine qui a généré une telle organisation de la nature. Mon travail provoque en moi une réflexion analogue: le mimétisme objectif des oeuvres annule mon action de sculpteur et concentre l’attention sur l’extraordinaire intelligence de la croissance végétale et sur l’esthétisme parfait présent dans la nature.
Giusepe Penone

 

 

Les oeuvres de Giuseppe Penone sont réparties entre le Château et le Parc selon l’axe de la Grande Perspective. Elles rythmeront le Jardin de Le Nôtre, des Terrasses au Parterre de Latone, du Tapis Vert au Grand Canal. Une « forêt » d’oeuvres sera installée dans le Bosquet de l’Etoile.

 

 

A l’heure des révolutions technologiques Giuseppe Penone est un sculpteur qui reste attaché aux matériaux naturels : bois, pierre, marbre…. Il fait vivre ces matières, en extrait l’essence, instaure ainsi le dialogue qui lui est cher entre nature et culture. Ses oeuvres de grandes dimensions vont s’inscrire dans le Parc dessiné par le Nôtre comme des ponctuations nouvelles qui y trouveront une juste place, en subtile harmonie avec ce site prestigieux.
Né dans un village du Piémont, région où il réside encore aujourd’hui, Penone a été associé à ses débuts à l’Arte Povera. Ce courant réunissait des artistes italiens qui à partir de la fin des années 60 voulaient renouveler le rapport aux matériaux et inventer de nouveaux langages visuels. Ils cherchaient aussi à proposer une autre lecture du paysage qui se traduira par des oeuvres étroitement imbriquées dans les éléments naturels.
Les premiers travaux expérimentaux de Penone sont d’ailleurs réalisés dans la forêt, en intervenant directement sur des arbres. Une main de bronze, insérée dans le tronc, modifie par exemple la croissance de l’arbre. Il n’en subsiste que des documents photographiques et des objets (1968-70).
Par la suite, l’arbre va être le motif premier de l’artiste. Son feuillage, la verticalité de son tronc et la structure de ses branches constituent sa forme privilégiée. L’arbre incarne la rencontre de la nature et de la culture. Penone réalise ses arbres en bronze, un matériau durable, « une matière qui fossilise le végétal » dit l’artiste.
A Versailles, Penone va investir le Parc avec ses sculptures d’arbre, dans lesquelles sont insérées de lourdes pierres. Il avait déjà installé « L’Arbre des voyelles » que l’on peut voir au Jardin des Tuileries.
A Versailles ce seront une vingtaine de sculptures qui viendront ainsi se poser dans l’allée royale qui mène en une longue perspective du Château au Grand Canal, ou encore investir le Bosquet de l’Etoile. « Ce qui m’intéresse, dit Penone, c’est quand le travail de l’homme commence à devenir nature. »
Alfred Pacquement, Commissaire, Directeur du Musée national d’art moderne Centre Georges Pompidou