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“Félicie de Fauveau” L’amazone de la sculpture (1801-1886)
au Musée d'Orsay, Paris

du 13 juin au 15 septembre 2013



www.musee-orsay.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 10 juin 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Félicie de Fauveau (1801-1886), Jean-Honoré Gonon, fondeur (1780-1850). Lampe de saint Michel, 1830. Bronze patiné, doré, argenté et peint, verre, lapis, h. 88 x l. 34 x pr. 34 cm. Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art. © Musée d’Orsay / Patrice Schmidt.
2/  Ary Scheffer (1795-1858). Portrait en buste de Félicie de Fauveau>/em>, 1829. Huile sur bois, 103,3 x 72 cm. Paris, musée du Louvre, département des peintures. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda.
3/  Félicie de Fauveau (1801-1886). Autoportrait à la levrette, 1846. Marbre, h. 67 cm. Postdam, Stiftung Preussische Schlösser und Gärten. © Stiftung Preußische Schlösser und Gärten Berlin-Brandenburg/Fotograf: Daniel Lindner.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt


De Félicie de Fauveau, l’on connait surtout la femme aux opinions politiques légitimistes, figure presque mythique engagée dans le soulèvement vendéen de 1831 contre l’accession au trône de Louis-Philippe. Le musée d’Orsay rend ici hommage à l’artiste, remarquable mais injustement oubliée, première femme à avoir décidé de vivre de sa sculpture.

La femme engagée
Quatre salles retracent sa vie et son parcours, marqués de manière indélébile par ses profondes convictions. La première suit une approche biographique, où les premières œuvres de Félicie de Fauveau côtoient les peintures et lavis la représentant, exécutés par ses amis. Ils livrent l’image d’une femme à l’attitude fière et masculine, loin des conventions de son époque. Mais déjà apparaît sa loyauté envers la famille des Bourbons, notamment à travers ces somptueuses bannières réalisées pour en défendre la cause et où domine la figure de Saint Michel. Si la deuxième pièce rend plus manifeste encore cet attachement à la couronne en exposant les portraits sculptés de certaines des personnalités les plus importantes du mouvement légitimiste (le comte de Chambord ou la Duchesse de Berry), la troisième est entièrement consacrée à un art beaucoup plus décoratif. Aux côtés d’un socle de statue taillé dans le bois et artistement décoré de discrètes touches de couleurs, se tient ainsi la fameuse Lampe de Saint Michel (1830), accompagnée d’esquisses de bijoux ou de chapelets commandés par de riches mécènes. Des sculptures directement inspirées de la religion chrétienne occupent enfin la dernière salle : bénitiers en marbres, si raffinés que l’on doute qu’ils aient jamais été utilisés, Christ crucifié, mais aussi monument célébrant la mémoire d’un couple d’amis disparus. Et au milieu, se dresse l’un des très rares nus de la production de Félicie de Fauveau : une nymphe délicate langoureusement assise sur le sommet d’une fontaine.

Le talent de l’artiste
Car l’art de la sculptrice est à la hauteur de ses convictions politiques. Foisonnant et généreux, libre, quand il n’est pas franchement engagé, il s’écarte des sentiers battus, loin, très loin des canons classiques de l’époque. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer le Saint Michel terrassant le dragon de Paul Delaroche, présenté au début de l’exposition, avec celui, glorieux et triomphal, de Félicie de Fauveau. Annonçant le futur mouvement romantique, cette dernière s’inspire en effet de l’architecture du Moyen Âge, que l’on retrouve dans les arcs brisés de ses portraits, mais aussi du style de la Renaissance, où la figure humaine, majestueuse et parfaite, émerge d’une abondance de détails. D’une extraordinaire finesse, ces derniers sont le fruit d’un méticuleux travail de recherches archéologiques et naturalistes, épées et armures des soldats ou ailes des anges reproduisant ainsi à l’identique leurs modèles véritables. Mais elle puise aussi ses sujets dans la littérature, celle de L’Enfer de Dante comme celle de Shakespeare, pour offrir des œuvres étonnantes, telles cette somptueuse dague en argent oxydé décorée de trois épisodes différents de Roméo et Juliette. Habile et conquérante lors de la composition de scènes guerrières, Félicie de Fauveau sait alors également livrer de purs instants de grâce, aussi à l’aise dans l’exécution d’un bras armé prêt à frapper que dans le cisèlement d’un délicat pied de danseuse.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat général :
Ophélie Ferlier, conservateur sculpture, musée d'Orsay
Sylvain Bellenger, Searle Chair and Curator, Medieval to Modern European Painting and Sculpture, Art Institute de Chicago
Jacques de Caso, professeur émérite, université de Californie, Berkeley
Christophe Vital, direction du patrimoine culturel, conservateur en chef des musées, Conseil Général de la Vendée

 

Cette exposition est organisée par le musée d’Orsay, Paris, le Conseil Général de la Vendée et l’Historial de la Vendée.

Première rétrospective consacrée à Félicie de Fauveau (1801-1886), l’exposition dévoile l’univers unique de cette artiste célébrée en son temps et tombée dans l’oubli à la fin du XIXe siècle. Un éclairage nouveau est apporté sur la femme et son art, grâce à la transcription inédite de nombreuses lettres de Fauveau et son entourage ainsi que la redécouverte de nombre de ses oeuvres.
Première femme sculpteur à vivre de son art, elle fait figure de pionnière. Née à Livourne au début du XIXe siècle dans une famille de la finance française, Félicie de Fauveau se tourne tôt vers une carrière artistique, rendue urgente par la mort de son père en 1826 : la jeune femme doit contribuer à la subsistance de sa famille. Sa vie durant, elle a entretenu le mythe d’un sculpteur autodidacte, ayant davantage appris dans les livres et par ses nombreuses copies qu’auprès de quelconques maîtres. Proche du milieu de la cour sous Charles X, elle connaît la célébrité à 26 ans avec un relief exposé au Salon de peinture et de sculpture, Christine de Suède refusant de faire grâce à son grand écuyer Monaldeschi. L’oeuvre est admirée par Stendhal et Dumas et son originalité est saluée, la saillie des reliefs annonçant déjà le romantisme. Fauveau obtient alors plusieurs commandes importantes du roi et de riches commanditaires privés comme le comte de Pourtalès, pour lequel elle réalise deux chefs-d’oeuvre, le Monument à Dante et la Lampe de saint Michel, présentée dans l’exposition.
Fervente légitimiste fidèle à la branche aînée des Bourbons sa vie durant, elle se compromet en 1831 avec son amie Félicie de La Rochejaquelein dans un soulèvement mené contre Louis-Philippe. Félicie réalise pour son camp des oeuvres hautement symboliques liant chevalerie moyenâgeuse et foi religieuse, comme des hausse-cols ou la bannière de la division de La Rochejacquelein. Arrêtée, elle dessine sur les murs de sa geôle un monument à son compagnon décédé Charles de Bonnechose, diffusé en lithographies. Libérée en 1832, elle rejoint de nouveau le soulèvement vendéen.
Condamnée par contumace, elle est contrainte de quitter la France et s’exile dans la ville italienne de Florence, où elle passe le reste de sa vie. Cet éloignement de Paris explique la méconnaissance de Fauveau en France et son oubli progressif, malgré une renommée considérable de son vivant : son atelier florentin était l’étape obligée des amateurs d’art de passage. Elle comptait parmi sa clientèle de riches aristocrates européens comme le prince

Anatole Demidoff, le tsar et sa fille la grande-duchesse de Russie Maria Nikolaevna ou encore les familles Lindsay-Crawford.
Sa production est profondément originale et échappe aux courants artistiques, bien qu’elle puisse se rattacher par certains éléments au romantisme. Passionnée par le Moyen Âge et la Renaissance, Fauveau étudie à la bibliothèque et copie inlassablement, conservant ses dessins dans des recueils dont deux sont présentés dans l’exposition. Faisant un véritable travail d’historienne, elle appose sur ses oeuvres des inscriptions gothicisantes en français moyen et en latin, les rehausse de polychromie et se passionne pour l’héraldique : son ambition est de retrouver l’art d’une époque révolue, celle de la monarchie de droit divin. Sa foi chrétienne moralisante imprègne son art, la justice divine de saint Michel étant récurrente dans son oeuvre. D’un caractère souvent précieux, ses compositions s’insèrent volontiers dans des architectures néo-gothiques conçues par son frère Hippolyte.
La carrière de cette femme atypique est retracée par plus de 70 sculptures, objets d’art, tableaux et documents divers. Appartenant aussi bien à des collections publiques qu’à des particuliers français et étrangers, ils sont en grande majorité exposés au public pour la première fois. À travers les oeuvres marquantes de sa carrière, l’exposition déroule l’itinéraire de Paris à Florence, entrecoupé par l’épopée vendéenne. Une salle est consacrée aux milieux légitimistes, la suivante dévoile ses plus belles productions d’art décoratif. La dernière section développe plusieurs thématiques récurrentes dans l’oeuvre de Fauveau – thèmes religieux, monuments funéraires et œuvres décoratives – autour de deux oeuvres majeures, la fontaine du palais de Peterhof et la base de la statue d’Henri IV pour Anatole Demidoff.
Aussi attachante qu’intransigeante, absolue, célibataire et indépendante, Félicie de Fauveau mérite pleinement une réhabilitation tardive mais indispensable.