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“J’arrive, j'aime, je m'en vais” Pierre Loti, l’ambigu exotique
au musée du quai Branly, Paris

du 25 juin au 29 septembre 2013



www.quaibranly.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 24 juin 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Pierre Loti en Inde en 1900. © Collection Musée Pierre Loti © Ville de Rochefort.
2/  Pierre Loti en costume de dignitaire chinois. Pékin 1900-1901, retirage d'une plaque de verre. © Collection Musée Pierre Loti © Ville de Rochefort.
3/  Ariinoore Moetia (1848-1935) par Pierre Loti, 1898. Crayon et aquarelle pour une édition illustrée du Mariage de Loti, en 1898 chez Calmann-Lévy. © Collection Musée Pierre Loti © Ville de Rochefort.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt

 

L’écrivain et officier de marine Pierre Loti fait l’objet d’une petite exposition au Musée du Quai Branly, en marge de celle consacrée à Charles Ratton. On y redécouvre cette figure souvent critiquée de la littérature, accusée, certainement à tort, d’avoir construit un exotisme artificiel.

Écrivain-voyageur de l’exotisme
De Pierre Loti, l’on connaît les extravagances et la frivolité apparente du personnage. L’on connaît en revanche moins ses écrits, inspirés de ses nombreux voyages au bout du monde. Tahiti, île de Pâques, Cité Interdite, Constantinople, autant de noms aux sonorités délicieusement exotiques, autant de lieux fantastiques et déconcertants qu’il a pu explorer par lui-même. Loin de singer les cultures et les coutumes qu’il y rencontre, comme on l’a souvent accusé de faire, Pierre Loti ne cesse de dénoncer l’entreprise de destruction aveugle menée par l’Occident, ainsi que son impérialisme culturel qui méprise et piétine tout ce qui lui est étranger.

Sous un œil neuf
Au travers de photographies, de lui-même mais aussi de ses amis, de dessins réalisés lors d’expéditions et d’objets tirés de ses collections personnelles (coquillages et papillons mais aussi dague ottomane incrustée de pierres), « J’arrive, j’aime, je m’en vais » effleure la personnalité ambigüe de l’écrivain, souvent taxé d’égocentrisme, qui appréciait par-dessus tout se jouer des convenances. Explorant ses passions, comme entre autres le déguisement avec le déploiement de ce fameux – et somptueux – costume d’Osiris, l’exposition n’oublie pas non plus d’examiner ses angoisses et ses obsessions. Si Pierre Loti aimait se mettre en scène, il n’en demeurait pas moins un amoureux sincère des civilisations orientales, comme en témoignent les transformations successives de sa maison de Rochefort, véritable musée retraçant ses voyages et ses rencontres, ou ces photographies prises durant son séjour en Perse et en Inde qui révèlent l’intérêt de l’homme pour tout ce qu’il observe.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Concepteur : Claude Stéphani conservateur des musées municipaux de Rochefort

 

Figure emblématique de l’exotisme en littérature du dernier quart du 19e siècle et du début du 20e siècle, Julien Viaud dit Pierre Loti doit sa notoriété à son travail d’écriture. Mais il ne peut être réduit à cette seule dimension. Le musée du quai Branly propose une découverte des multiples facettes de cet officier de marine, écrivain-voyageur, académicien et mondain qui affectionnait le paradoxe et cultivait les ambiguïtés.
A travers des documents d’archives, des photos d’époque, des costumes, des souvenirs et des objets personnels, cette installation évoque tour à tour son regard d’occidental sur les autres civilisations, le rapport qu’il entretenait avec chacune d’elles et la figure, assez rare, du dandy exotique.

 

Pierre Loti, l’ambigu exotique

 

Loti acteur
Très jeune, Loti montre un goût marqué pour le jeu et le déguisement qui ne le quittera plus alors même qu’il est devenu officier de marine et académicien. Ainsi, la personnalité et l’extravagance de Pierre Loti s’expriment à travers ses nombreux costumes. Les photographies et le costume d’Osiris, porté par Loti lors de la fête chez la femme de lettres Juliette Adam le 20 juillet 1887, évoquent les multiples visages du personnage.

L’enfance : le voyage immobile
Petite pièce de la maison familiale mise à la disposition du jeune Julien Viaud dans les années 1860, le « musée d’enfance » fut une sorte de laboratoire où prit forme le personnage de Loti. Il rassemblait, à l’instar d’un cabinet de curiosités, des spécimens d’histoire naturelle, notamment des coquilles dûment cataloguées et des objets exotiques dont l’un des pourvoyeurs fut son frère ainé Gustave, en poste à Tahiti puis en Cochinchine.

Le voyage de la Flore, l’entrée en exotisme
En octobre 1871, Julien Viaud embarque à bord de la frégate La Flore et sillonne pendant un an le Pacifique à destination de l’île de Pâques, des Marquises et de Tahiti. Son ressenti diffère fortement face à ses trois cultures. A l’île de Pâques, il assiste à la mort de l’une des civilisations les plus intrigantes du Pacifique. Aux Marquises, il est de nouveau confronté à un monde en perdition et, fasciné, tâche de conserver la mémoire des lieux et des êtres par le dessin. A Tahiti, le vieux monde polynésien a depuis longtemps succombé sous l’action des missionnaires protestants.

Le mythe du matelot
Loti place au centre de ses romans maritimes le personnage du marin pêcheur ou du matelot issu du peuple. Homme jeune et innocent, il sera perverti par les vices du monde moderne. Chez Loti, la mer est un espace dur mais pur, à l’opposé de l’usine où toutes les déchéances guettent l’ouvrier. Pierre Loti construit ainsi un mythe très simpliste de l’authenticité dans sa dimension sociale.

Les amies couronnées
Pour faire contrepoint au « mythe du matelot » et par effet de contraste, l’exposition présente quelques portraits de femmes de la haute société fréquentées par Loti dont les reines Alexandra de Grande-Bretagne, Marie-Christine d’Espagne, Nathalie de Serbie, Elisabeth de Roumanie, la princesse Alice de Monaco et la reine du théâtre Sarah Bernhardt. Le « Loti mondain » a marqué les esprits et a donné lieu à d’acerbes critiques, sans doute motivées par la jalousie. Il est vrai que pour un homme issu d’une famille de petite bourgeoisie de province quasiment ruinée par une sombre affaire financière dans laquelle le père avait été abusivement mêlé, l’ascension sociale est inouïe. Ce qui est surprenant, c’est que cet écrivain, mondain s’il en est, ne dédaigne pas, voire préfère, la fréquentation des gens modestes qu’il tient, paradoxe supplémentaire, pour dépourvus de l’hypocrisie des hautes classes.

Loti et l’Orient
D’un Orient rêvé, reconstitué dans sa maison de Rochefort, à un Orient réel, évoqué par un Loti turcophile dans son premier roman Aziyadé, l’exotisme de l’écrivain s’exprime sous sa forme la plus aiguë à travers sa fascination pour le monde islamique, le Maghreb, l’empire Ottoman et dans une moindre mesure l’Egypte.

Le dernier voyage
Loti est, depuis son enfance, angoissé par la mort. Ayant perdu la foi avant vingt ans, il se lamente de ne pas pouvoir recourir à la religion pour atténuer son effroi. Très tôt, il momifie tous les moments de son existence en empaquetant et identifiant principalement des végétaux mais aussi des animaux ou des objets qu’il juge importants. Ce goût des reliques, paradoxal pour un homme élevé dans un protestantisme rigoureux, s’étend à tout ce qui touche à sa personne ou à ceux qui lui sont chers.