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“L’art de Rosanjin” Génie de la cuisine japonaise
au Musée Guimet, Paris

du 3 juillet au 9 septembre 2013



www.guimet.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, le 10 juillet 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Rosanjin Kitaôji, Bol à thé chawan, 1957. Grès de style Shino, décor d’engobe Blanc, H. 8,7 cm Diam. 12,6 cm. Tokyo, collection particulière. Collection privée photo Sotaro Hirose © DR.
2/  Rosanjin Kitaôji, Plat carré à motifs de roseaux et d’oiseaux en vol, 1958. Grès dans le style Oribe, H. 5,3 cm X 38 cm X 38 cm. Tokyo, collection particulière. Collection privée photo Sotaro Hirose © DR.
3/  Rosanjin Kitaôji, Bol à couverte noire, revers, 1950. Grès de style Seto, H . 7,3 cm Diam. 12,5 cm. Tokyo, musée des Beaux-Arts de Setagaya. Collection privée photo Sotaro Hirose © DR.

 

extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat:
M. Ryûichi Matsubara, Conservateur en chef du musée national d’art moderne de Kyoto

Mme Naoko Ohta-Tokuma, Président de Klee Inc
Mme Hélène Bayou, Conservateur en chef du patrimoine chargé de la section des arts du Japon au musée Guimet et du musée d’Ennery

 

En ouverture de la Saison japonaise, le musée Guimet a choisi de présenter une exposition consacrée à Rosanjin Kitaôji, génie de la cuisine japonaise. Il s’agira pour le public de découvrir un moment essentiel de l’évolution de l’art culinaire japonais au début du XXe siècle dont les innovations depuis n’ont cessé d’inspirer les artistes dans tous les domaines des arts de la table. L’art de Rosanjin demeure résolument actuel par beaucoup d’aspects et de dialogues même avec certaines recherches dans le domaine de la gastronomie française contemporaine.
Rosanjin, l’inventeur de la gastronomie au Japon, le « bi-shoku » ou l’esthétique du manger, redonne vie au concept du « beau autour de la table ». A la fois céramiste, artiste laqueur, calligraphe et peintre, il fut aussi essayiste et déclare à ce titre dans La voie du goût de Rosanjin : « La cuisine, tout en prenant comme matière la nature et en satisfaisant le désir le plus primitif des êtres humains, sublime ce savoir-faire au niveau de l’art. ».
Dans l’esprit de « l’art total » prôné par Rosanjin dans son restaurant mythique « Le Club des Gourmets », où se jouait devant chaque convive une pièce éphémère, les visiteurs pourront vivre une expérience culinaire et esthétique semblable à celle vécue par les heureux clients des restaurants de l’artiste. Les oeuvres seront placées dans des espaces dédiés, où seront projetées des vidéos de quatre grands chefs officiant chacun dans un style différent, dans le domaine de la haute cuisine traditionnelle.
Dans la lignée créatrice de Rosanjin, l’exposition soulignera comment chaque récipient relatif à la cérémonie du thé ou à la dégustation de mets délicats, est pensé dans sa forme, sa texture et son décor, au gré des principes esthétiques d’harmonie avec la nature environnante et entre les convives pour un partage simultané de la beauté et de l’élégante simplicité.
A travers l’oeuvre protéiforme de Rosanjin, le musée Guimet donnera ainsi un aperçu du vaste paysage gastronomique et du monde si riche de la céramique du « pays au soleil levant ». Cette exposition marquera la première rétrospective en France de l’œuvre d’un artiste de talent, grâce à des prêts importants consentis par les musées nationaux d’art moderne de Kyoto et de Tokyo, et du musée de Setagaya.

 

 

Rosanjin Kitaôji (1883-1959)

 

L’inventeur de la notion de « gastronomie » japonaise
La cuisine japonaise, qui avait déjà atteint un sommet de sophistication au XVIIIe siècle, avait développé plusieurs écoles culinaires, qui chacune avait codifié leur style de cuisine. Il ne manquait à cette haute cuisine japonaise que d’en dégager un concept global, en brassant les particularités de chaque style. Rosanjin, actif dès le début du XXe siècle, à cette époque de bouleversement des valeurs esthétiques, a donné une nouvelle notion au mot bi-shoku (« l’esthétique du manger »), équivalent de notre concept de « gastronomie ». Le mot existait avant lui, mais il l’a mis en pratique et a ainsi donné une nouvelle vie à ce concept, « le beau autour de la table », par ses propres oeuvres et ses activités au sein du « Club des gourmets » (Bishoku Club, restaurant ouvert en 1921).

Artiste aux multiples talents
À la fois céramiste, artiste laqueur, calligraphe et peintre, dont les oeuvres sont aujourd’hui encore hautement appréciées, il était lui-même excellent cuisinier. Également essayiste, il écrivit notamment sur l’art de la céramique et la cuisine. En fait, tout son art tournait autour de la table. Il sublimait cet art fragile et, précisément important à ses yeux pour cela. Multiple et divers, il l’était même dans ses céramiques qu’il a réalisées dans plusieurs des styles régionaux existants, ce que très peu de gens faisaient à l’époque, et que personne n’a jamais fait avec une telle ampleur. Il a également pris pour modèle des styles d’œuvres plus anciennes, celles de l’époque de Momoyama (fin du 16e s.), pour présenter une synthèse de l’art céramique japonais. Ainsi, il fut multiple à l’intérieur même de sa création, puisqu’il a réussi à créer une oeuvre originale tout en marchant avec grand respect dans les pas des styles d’époques plus anciennes.

Promoteur de l’« art total » de la table
Fondateur du « Club des gourmets » et de plusieurs restaurants, dont le plus célèbre, « Hoshi ga oka saryô », séduisait la plus haute sphère des esthètes japonais, Rosanjin concevait lui-même les espaces de ses restaurants, décorant les murs de ses peintures et calligraphies, établissant les menus, dessinant même les couverts des repas. Ses restaurants devenaient une sorte de théâtre : devant les clients, une pièce chaque fois singulière et éphémère était jouée. S’écoulait alors un moment unique que seuls les heureux participants pouvaient partager.

Vulgarisateur d’une cuisine japonaise proche de la nature
La cuisine japonaise s’était toujours inspirée de la beauté de la nature, mais Rosanjin a su exprimer cette philosophie avec l’intensité d’un grand artiste. Des motifs tirés de la nature sont présents dans ses céramiques, et il défendait dans ses écrits l’importance de « manger nature ». Tous les plats devaient faire surgir la quintessence de la nature de chaque produit : il exposait même cette idée dans les magazines féminins de l’époque en proposant ses recettes, simples, qui faisaient sentir la saison, le coeur de chaque ingrédient. Les légumes de ses restaurants arrivaient tous les jours de son potager : ce concept trouvera une résonnance chez certains chefs français contemporains.

Une figure mythique
Comme quelques grands artistes, il était devenu une figure mythique de son vivant. Certains allaient jusqu’à le vénérer comme le « divin créateur » de la cuisine japonaise moderne ; d’autres en revanche l’ont décrit comme un caractériel. Certes, il eut des relations conflictuelles avec l’associé de ses restaurants, et il finit même par être chassé des lieux qu’il avait créés. Mythes et légendes ne manquent pas autour de cet artiste, et plusieurs biographies, présentées chacune comme authentique, en proposent des images parfois contradictoires. Ces légendes et les commentaires divers et variés autour de sa personne témoignent en eux-mêmes de l’importance du rôle qui fut le sien : sa figure est une sorte de repère singulier, à partir duquel chacun évalue la distance objective de sa propre position esthétique.

Dix dates dans sa vie
1883 : Naissance à Kyôto, dans la famille des prêtres shintoïstes héréditaires du temple Kamigamo.
1889 : Après avoir été confié à plusieurs familles, il finit par être adopté, à 6 ans, par la famille Fukuda, des graveurs sur bois.
1907 : À 24 ans, il commence à gagner sa vie comme calligraphe, et donne des cours de calligraphie tout en répondant aux commandes.
1915 : À 32 ans, il réalise ses premières céramiques. L’année suivante, il se rapproche d’un restaurant traditionnel de la ville de Kanazawa. Il y apprend la cuisine, le service de table, avec l’usage de plusieurs types de céramiques.
1919 : À 36 ans, il ouvre à Tokyo une galerie d’art de la table. Il cuisine aussi pour les clients de sa galerie. Le succès venu, il crée deux ans plus tard le « Club des gourmets » qui rencontre aussitôt un grand succès auprès des gourmets tokyoïtes.
1925 : (42 ans) Ouverture de son premier restaurant « Hoshi ga oka saryô » à Kôjimachi, quartier de Tokyô.
1936 : (53 ans) Il finit par être chassé de ses restaurants par son associé. Il se concentre dès lors sur son travail de céramiste.
1954 : (71 ans) Une exposition présente les travaux de Rosanjin au musée d’art moderne de New York. Voyages en Europe, dont en France ; il rencontre Picasso et Chagall à Vallauris.
1955 : (72 ans) Il refuse la distinction de « trésor national vivant » qui lui était proposée pour ses créations de céramiques du style Oribe.
1959 : Décès à 76 ans.