contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Tsutsugaki” textiles indigo du japon
au Musée Guimet, Paris

du 10 juillet au 7 octobre 2013



www.guimet.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 9 juillet 2013

1013_Tsutsugaki1013_Tsutsugaki1013_Tsutsugaki

Légendes de gauche à droite :
1/  Kimono pour la nuit (yogi). Motif Sotestu (arbre japonais) et chiens occidentaux, Japon, toile de coton, tsutsugaki, 158,1x145,1 cm,. Photo: Yasuhiro Kobayashi, copyright: DR.
2/  Dessus de lit (futon) de mariage. Motif de Mon (armoirie japonaise) composé de trois éventails, grues et tortues, Japon, fin du XIXe-début du XXe siècle, toile de coton, tsutsugaki, 170 x 130 cm, musée Guimet, legs verbal Krishnâ, Riboud, 2003 – MA 9218 (AEDTA 1140). photo : Thierry Ollivier, Copyright : DR.
3/  Veste de pêcheur (maiwai) pour enfant. Motifs de Mon (armoirie japonaise) en forme de feuille de chêne (kashi), grues et tortues, Japon, ère Meiji (1868-1912), fin du XIXe-début du XXe siècle, toile de coton, tsutsugaki et katazome (peinture par réserve au pochoir), 118x120 cm, musée Guimet, legs verbal Krishnâ, Riboud, 2003 – MA 11613 (AEDTA 3766).Copyright : DR.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Le Tsutsugaki est une technique de teinture à l'indigo réservant des motifs avec de la pâte de riz, dessins qui resteront blancs ou seront peints. L'exposition prend la technique comme point de départ pour explorer une riche facette de la culture textile japonaise.

L'exposition s'ouvre sur une présentation des instruments et des matières utilisés : des cônes de métal pour la réalisation des motifs et un bloc d'indigo, exposé comme une pierre précieuse. Cette simplicité de la technique renforce l'étonnement devant la complexité des dessins et leur beauté. C'est en construisant un vide entre ces deux opposés que le commissariat de l'exposition réussit à rendre visible et vivant l'impressionnant travail réalisé par les artisans et artistes et leur rend hommage.

Utilisé pour teindre des objets usuels : kimonos, futons, bannières..., le Tsutsugaki se définit comme un artisanat populaire. Si la virtuosité dans le dessin et la réalisation de certaines pièces font accéder cette technique au statut d'art, celles-ci étaient avant tout fonctionnelles, tels ces vêtements pour pêcheurs et pompiers. D'épais kimonos de toile grossière annoncent avec plusieurs siècles d'avance ce que sera le blue jean. La filiation est posée dans la continuité du matériau (toile de coton brute), la teinture indigo et la destination du vêtement aux classes laborieuses.

Partant de motifs simples : éventails, fleurs, blasons familiaux en trait blanc sur fond indigo, les éléments décoratifs se complexifient jusqu'à devenir de véritables fresques, la réserve blanche servant alors de toile pour une expression plus aboutie, proche de la peinture et de l'estampe. On y retrouve tous les symboles et thèmes de la culture japonaise : carpes, grues, pieuvres, déesses, tortues, singes, fagots, capes d'invisibilité... 
La nature, arbres en fleurs, ruisseaux, vagues, animaux, tient une grande place dans l'ornementation et elle porte les symboles de bon augure et de protection aux nouveaux mariés sur des futons et des kimonos.

De grandes bannières, qui servaient à annoncer la naissance d'un garçon, montrent des personnages réels et mythologiques : paysans cultivant le riz, mère tenant son enfant par la main mais aussi guerriers, déesses et animaux incarnant dieux et démons.

Parfois les catégories se mêlent, comme dans ce futon orné de personnages fantastiques, silhouettes composées de feuilles et de fleurs. Nous découvrons aussi des futons-kimonos, dans lesquels on dort en passant ses bras dans les larges manches.

Si l'exposition ne regroupe qu'un petit nombre de pièces, elle est passionnante parce qu'elle nous montre les racines vernaculaires d'un art qui se développera jusqu'à nos jours, de la peinture à l'estampe jusqu'au manga.

 

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Etsuko Iwanaga, conservateur, musée d’art, Fukuoka ;
Aurélie Samuel, chargée d’études documentaires, en charge des collections textiles, musée Guimet, Paris

 

à l’occasion de la saison japonaise, le musée Guimet a souhaité faire découvrir au public l’art méconnu mais sensationnel du tsutsugaki en exposant une trentaine de textiles de type tsutsugaki 筒描 issus d’une collection privée japonaise, l’une des plus riches au monde, accompagnés d’une dizaine de pièces issues du prestigieux fonds Riboud appartenant au musée Guimet.
Le tsutsugaki (de tsutsu, « tube » et de gaki, « dessin ») désigne une technique japonaise de teinture à l’indigo accompagnée de décors réalisés par réserve à la pâte de riz, mais aussi et surtout les oeuvres textiles qui en procèdent, dont les plus anciens témoignages remontent au XVIe siècle. La renommée des tsutsugaki provient de leur assemblage quasi invisible de tissus, de la force de leurs couleurs et de la qualité de leurs dessins, comparables à de véritables tableaux auxquels il ne manquerait qu’une signature. On pense que des artistes majeurs ont créé en leur temps des motifs de tsutsugaki.
À l’image de l’art de l’estampe, le tsutsugaki est un art populaire qui relève à la fois du dessin et de la teinture, résultat d’un processus de création complexe qui fait appel à plusieurs savoir-faire conjoints (le dessinateur, l’artisan et le teinturier). Né à l’époque de Muromachi (1337-1573), le tsutsugaki a connu son apogée au cours de l’époque d’Edo (1603-1868).
Les motifs des tsutsugaki diffèrent selon les régions. Au nord-est du Japon les motifs de singes prédominent, tandis qu’à Kyûshû, au sud-est de l’archipel, le shishi (lion japonais) et le dragon s’imposent dans des coloris particulièrement vifs et éclatants.
Chacun des motifs ornant ces textiles était choisi avec soin pour sa valeur symbolique de bon augure, souhaitant longévité et prospérité à leurs possesseurs.
Au-delà de leurs qualités esthétiques, les tsutsugaki sont une invitation à pénétrer au coeur de la culture japonaise : initialement commandés à l’occasion de grands événements rythmant la vie familiale et collective (mariages, naissances, décors d’autels pour cérémonies religieuses…), l’usage des tsutsugaki imprégnait la vie quotidienne des Japonais, avec ses bannières et ses kimonos de fête, avant de disparaître progressivement à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Une sélection des plus belles pièces de cette collection privée sera complétée d’un superbe tsutsugaki qui a appartenu à Léonard Foujita. Mis en regard avec des œuvres de la fameuse collection Riboud conservée au musée Guimet, l’ensemble témoigne de l’audace de leurs décors et de la vivacité des couleurs, qui font de ces textiles d’authentiques oeuvres d’art, empreintes de puissance et de sérénité.

 

L’exposition
Une exposition qui, modeste par sa taille mais non par son ambition, sera tout entière conçue autour d’une immense collection privée, l’une des plus riches au monde, présentée pour la première fois hors du Japon. Le collectionneur a découvert les tsutsugaki (de tsutsu, tube et gaki, dessin), par hasard, dans un magasin d’antiquités qui vendait des ikat (tissus dont les fils sont teints avant le tissage). Passionné d’art moderne japonais, il a par ailleurs consacré une partie de sa vie à réunir les oeuvres de quatre peintres contemporains tombés dans l’oubli, dont les travaux risquaient d’être perdus. Quand il découvrit les tsutsugaki, il fut frappé par la vivacité des couleurs et l’audace des décors dessinés, qui lui firent les reconnaître comme de véritables peintures non signées.

En effet, le tsutsugaki semble être une pièce unique de tissu, alors qu’il s’agit en réalité de quatre ou cinq bandes textiles teintes séparément, puis jointes de telle façon que les coutures soient les moins visibles possible.
La qualité du dessin des tsutsugaki est telle que l’on peut les comparer à d’authentiques tableaux auxquels il ne manquerait qu’une signature. Il est vraisemblable que des artistes majeurs, comme Hokusai, aient réalisé des dessins pour des tsutsugaki.
La conception du tsutsugaki est une oeuvre collective, nécessitant les efforts conjoints d’un dessinateur, d’un artisan (qui appliquait la colle sur le dessin) et d’un teinturier. Les motifs sont appliqués sur du coton tissé à la main. Les contours de l’image sont dessinés sur le tissu avec une pâte (ou colle) qui sort d’un tube pressé par l’artisan. Les motifs sont ainsi protégés lors du bain de teinture qui permet de teindre le fond du tissu. Les couleurs sont ensuite apposées à la main. Ces dessins peuvent orner des vêtements ou des tissus d’ameublement, et ont généralement une valeur auspicieuse. Ainsi, les futons de mariage étaient souvent décorés de la sorte, tout comme la selle du cheval qui devait emmener la mariée vers le lieu de la cérémonie. On les trouve aussi sur les serviettes de bain des bébés ou autour des armoiries familiales.
L’histoire du tsutsugaki commence au milieu de l’époque de Muromachi (1337-1573), pour connaître son apogée au cours de l’époque d’Edo (1603-1868), avant de décliner progressivement, pour quasiment disparaître à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les motifs des tsutsugaki diffèrent beaucoup selon les régions : les motifs de singes prédominent au nord-est du Japon; tandis qu’à Kyûshû, au sud-est de l’archipel, le shishi (lion japonais) et le dragon sont les motifs les plus fréquents, peints dans des coloris particulièrement vifs et éclatants.