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“Keep your eye on the wall” Paysages palestiniens
au magasin Électrique, parc des Ateliers, les Rencontres Photographie, Arles

du 1er juillet au 22 septembre 2013



www.rencontres-arles.com

 

 

© Anne-Frédérique Fer, Arles, le 2 juillet 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Raeda Saadeh, Ange, serie Murs de Beton, 2013. © Raeda Saadeh / Masasam.
2/  Taysir Batniji, Sans titre Gaza. © Taysir Batniji / Masasam.
3/  Rula Halawani, Les portes du paradis, 2012. © Rula Halawani / Masasam.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

“Keep your eye on the ball”, c’est d’abord un terme de base-ball qui demande aux joueurs de toujours rester vigilants et attentifs et au jeu.

« Keep your eye on the wall », c’est le titre du livre-objet, publié par Olivia Snaije et Mitchell Albert aux éditions Textuel, qui nous demande de rester mobilisés quant aux conséquences du mur de séparation israélien en territoires occupés palestiniens. Pour cela ils ont choisi de demander à sept photographes (presque tous palestiniens) de réaliser un travail sur la présence physique et psychologique du mur ; des visions à la fois intimes et politiques des paysages palestiniens qui nous permettent d’accéder à un vécu et un quotidien mortifiés. Des intellectuels concourent également à comprendre les multiples dimensions de cette tragédie pour les populations concernées, ainsi qu’à saisir les dangers d’une esthétisation du mur. Une réflexion nécessaire pour tous ceux qui œuvrent pour un art à forte valeur politique quelle que soit la région du monde.

« Keep your eye on the wall » est également l’exposition tirée de ce livre, présentée à l’heure actuelle aux Rencontres d’Arles par Masasam, structure dédiée aux projets de commissariat, avant d’être exposée cet automne à Paris chez Dupon dans le cadre de Photoquai. Cinq des sept photographes ont poursuivi le travail. Celui-ci a négligé le support du beau papier et du cadre bien fait, pour s’exposer en papier affiche, grand format qui permet de retrouver la physicalité du mur. Portes de Jérusalem irrémédiablement fermées (Rula Halawani), matériaux de construction du mur devenus motifs obsessionnels (Steve Sabella), dislocation de la présence des disparus (Taysir Batjini), espaces et horizons obstrués (Kai Wiedenhofer), monde intérieur cloisonné, bétonné (Raeda Saadeh). Les formes ici viennent nous parler des plaies qui défigurent le territoire et les hommes pour que l’on ne les oublie pas.

 

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires d’exposition : Masasam / Monica Santos et Sandra Maunac.
Projet conçu par Olivia Snaije et Mitchell Albert.
Exposition présentée par l’ association du Méjan

 

Photographies de :
Taysir Batniji, Rula Halawani, Raeda Saadeh, Steve Sabella et Kai Wiedenhöfer.

Depuis l’été 2002, l’édification par l’Etat israélien du « Mur de séparation » visant à isoler la Palestine et les palestiniens se poursuit, à l’encontre de la loi internationale et des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unis. Conçue par Olivia Snaije et Mitchell Albert et proposée par MASASAM, cette exposition développe, à travers le regard de six photographes, une nouvelle vision collective du Mur. Une vision qui transcende sa simple présence physique pour explorer la multiplicité de ses significations et interroger, avec acuité, les conséquences économiques, sociales et culturelles de son existence. Qu’ils retracent le trajet des travailleurs d’un côté à l’autre du mur, qu’ils explorent les strates et les textures du mur à Gaza, les portes fermées de Jérusalem, ou qu’ils en fassent un terrain de jeu onirique, les photographes ouvrent ici, mais différemment le débat.

 

L’exposition
Dans cette exposition, un Mur, le « Mur de séparation » que l’état israélien commença à ériger il y a un peu plus de 10 ans et qui fera 709 kilomètres, une fois achevé. Du béton, des clôtures électriques, et des postes de contrôle, huit mètres de haut flanqués de miradors et le regard de cinq photographes, quatre palestiniens et un allemand.
Taysir Batniji, Rula Halawani, Steve Sabella, Raeda Saadeh et Kai Wiedenhöfer donnent à voir ce mur dans sa complexité et sa violence, réelle et symbolique. La multiplicité des points de vue interroge avec acuité les conséquences économiques, géographiques, sociales et culturelles du mur.
Qu’ils explorent les strates et les textures du mur de Gaza, les non-zones des portes de Jérusalem ou qu’ils en fassent un terrain de jeu onirique, les photographes ouvrent ici et à nouveau le débat.
Une exposition qui se propose de garder un oeil sur le mur.
« Rappelant à ceux qui ont la mémoire courte, aux aveuglés volontaires aussi, le sort inéluctable de toute occupation, toutes ces photographies ramènent l’histoire sur la scène et annoncent un autre avenir.» Elias Sanbar

* (Keep Your Eye on the Wall : Garde un oeil sur le mur.)

 

Le livre
Keep Your Eye on the Wall aux éditions Textuel
Photographies : Taysir Batniji, Raed Bawayah, Rula Halawani, Noel Jabbour, Raeda Saadeh, Steve Sabella, Kai Wiedenhöfer

Préface d’Elias Sanbar, écrivain, ambassadeur de la Palestine à l’Unesco et directeur de la Revue d’études palestiniennes. Textes de Christine Leuenberger, sociologue spécialisée sur les conséquences sociales de l’édification du mur, de Malu Halasa, journaliste, de Yaël Lerer, éditrice, militante et écrivaine, et d’Adania Shiblli, écrivaine palestinienne.
Sous la direction de Olivia Snaije et Mitchell Albert.
Sortie : 26 juin 2013

 

 

Les photographes

 

Taysir Batniji / Sans Titre (Murs de Gaza)
« J’ai réalisé la série Untitled (Gaza Walls) en 2001, durant les premiers mois de la seconde intifada. Au fil des jours, les portes et les murs de la ville – déjà transformés en d’immenses tableaux d’affichage sous la première intifada – sont devenus de véritables toiles avec des portraits de « martyrs » près de posters, slogans et graffiti en tout genre.
Cette succession de visages sur les avis de décès devait s’effacer progressivement, avec l’usure du temps, se recouvrir d’autres affiches ou être volontairement déchirée. C’est précisément le statut incertain de ces images qui m’a interpellé. Elles étaient à la fois complexes, officielles, symboliques et profondément liées à la notion d’identité. Cette série rend compte d’une double disparition : celle des personnes qui ont obtenu une « reconnaissance » grâce à leur portrait imprimé sur des affiches, et la disparition des affiches elles-mêmes. »

 

Rula Halawani / Les portes du paradis
« Les murailles de la vieille ville de Jérusalem, avec leurs huit portes antiques, étaient un site familier et bien aimé, un symbole visuel de chez nous que l’on parcourt d’en haut, en bas et de l’intérieur.

En 2002, Israël a érigé sa barrière de séparation et bâti des portes d’un autre type, séparant les Palestiniens de leurs familles, de leurs maisons et des lieux saints musulmans et chrétiens.
J’ai photographié ces nouvelles portes construites du côté israélien du Mur : je ne les ai jamais vues s’ouvrir. Jérusalem n’est plus une vieille ville dynamique : non seulement les Palestiniens ne peuvent plus y accéder mais même la vue a été bloquée, verrouillée. Aujourd’hui, du côté palestinien, la seule vue est celle d’un horrible mur en béton – et de portes closes. »

 

Raeda Saadeh / Murs de béton
« La femme qui apparaît de manière récurrente dans mes oeuvres vit sous une occupation qui, de politique, va jusqu’à devenir psychosomatique. Son univers est manipulé par des éléments privés et publics. Sa liberté est soumise à des restrictions. Mère, guide, protectrice, combattante, elle cherche la justice et le changement.
Elle progresse avec force et endurance. Une légère folie souffle sur ses tentatives de fuir l’oppression et de protéger ceux qu’elle aime. Cette femme vit dans un monde qui attaque chaque jour ses valeurs.
Malgré cela, elle envisage son avenir avec le sourire. Elle est plus saine d’esprit qu’elle ne le devrait, forte et faible à la fois, totalement éveillée, réactive, constamment en mouvement. Elle vit avec l’occupation sous toutes ses formes, sans considération de géographie, concentrée plutôt sur les choses qui occupent son coeur, qu’elles soient politiques ou personnelles. »

 

Steve Sabella / Disturbia et métamorphosis
« Durant ma visite à Jérusalem en juin 2012, j’ai eu le sentiment qu’une certaine forme de renoncement avait envahi la vie des Palestiniens. La vie sous occupation était-elle devenue quelque chose de normal ? Ainsi, il semblait à leurs yeux plus urgent d’améliorer la circulation aux checkpoints, par exemple, que de mettre fin à l’occupation elle-même.

Disturbia a germé de plusieurs travaux réalisés entre 2008 et 2011 avec des fragments photographiques pour faire face à l’éclatement identitaire auquel a conduit une vie d’exil psychologique.
Dans Metamorphosis, les fils barbelés peuvent suggérer la restriction de mouvement ; mais de manière inattendue et à l’encontre de leur forme et de leur fonction habituelles, ils peuvent aussi évoquer les points d’une blessure. De plus, en regardant de plus près ce qui semble être la barrière de séparation, le spectateur peut remarquer des fragments de béton en phase précoce de liquéfaction ; Metamorphosis met précisément l’accent sur cette opposition et cette transformation un conflit entre forme et fonction, regard et perception, stagnation et transcendance. »

 

Kai Wiedenhöfer / Le mur
« En 1989, j’ai photographié la chute du mur de Berlin. C’était l’événement politique le plus extraordinaire et le plus positif que j’avais vécu et tourner cette nouvelle page de l’histoire m’avait profondément ému.
Je croyais qu’elle sonnait le glas de tous les murs qui ont servi d’instruments politiques. Je me trompais : les barrières de séparation ont connu une véritable renaissance. Elles sont arrivées jusqu’aux états-Unis, en Europe et au Moyen- Orient, résultantes de conflits politiques, économiques, religieux et ethniques. Quand la construction de la barrière de séparation a commencé en Palestine occupée, je me suis inquiété. J’ai photographié son évolution de 2003 à 2010 et j’en ai tiré le livre Wall.
Les murs ne constituent pas une solution. Les événements de Berlin ont démontré que la paix ne commence qu’après la chute des murs. Les barrières incarnent la faiblesse humaine, l’incapacité à communiquer. Piégés derrière ces murs, les clichés – et les préjugés – sur l’« ennemi » prolifèrent, sans aucun lien avec la réalité. »