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“Rosson Crow” Reconstruction
à la Galerie Nathalie Obadia - Cloître Saint-Merri, Paris

du 7 septembre au 2 novembre 2013



www.galerie-obadia.com

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 7 septembre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Rosson Crow, A Spectral Jest, 2013. Acrylic and Oil on Canvas, 195,6 x 180, 3 cm/ 77" x 71". Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
2/  Rosson Crow, 16th Street Baptist Church, Birmingham Alabama, 2013. Acrylic and Oil on Canvas, 221 x 195,6 cm/ 87"x77". Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
3/  Rosson Crow, Psychic Shift in the Blue Room, 2013. Acrylic and Oil on Canvas, 228,6 x 274,3 cm/ 90"x108". Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt

 

Avec Reconstruction, l’artiste Rosson Crow réinterprète l’histoire du sud des États-Unis, dont elle est originaire, par le biais de certains de ses épisodes et événements fondateurs, tous imprégnés de violence.

Visions fragmentées
Afin de convoquer le passé si particulier de ces États du Sud, Rosson Crow s’appuie sur la représentation de lieux symboliques, porteurs de leurs traditions protestantes, encore profondément ancrées dans les mentalités, mais aussi du souvenir de la pratique de l’esclavage. L’intérieur luxueux d’une maison de plantations à l’ameublement néo-classique suranné, la chapelle plus austère d’une église ou encore la tombe de John Fitzgerald Kennedy sont ainsi tout autant d’espaces chargés de signification, qui n’empêchent pourtant pas l’abstraction. Car les procédés artistiques, et originaux, de Rosson Crow induisent une déconstruction puis une reconstruction presque hallucinatoire de ses sujets. Avec l’aide de bandes adhésives faisant office de pochoir qu’elle décolle ensuite, elle applique des couches de peinture successives qui fractionnent alors sauvagement l’image, les couleurs vives et acides créant d’éclatant contrastes entre les contours et les pleins des formes par l’usage de teintes chromatiques opposées. Le bleu turquoise et le vert amande côtoient ainsi sur une même toile le rouge carmin et le magenta et distordent complètement les représentations.

Égarement
De ce mélange des couleurs et de cette atomisation des repères spatiaux et formels naissent des toiles psychédéliques qui engendrent une sensation de vertige. Far From Heaven, qui suggère un escalier en colimaçon, alterne dans un rose foncé et un noir intense les courbes des rampes et les lignes droites et incisives du carrelage, aspirant le spectateur dans les profondeurs d’une spirale dont la fin pourrait lui être fatale. Des décors familiers, construits comme à travers un habile jeu de miroir, deviennent de vrais labyrinthes où la répétition des motifs bouleverse les perceptions (Choices We Must Make), ou sont le théâtre de mouvements et flux invisibles qui se devinent plus qu’ils ne se voient (Psychic Shift in the Blue Room). Quant aux toiles purement abstraites, véritables maelströms de couleurs, elles s’offrent à toutes les interprétations possibles.  Avec ses motifs floraux, To Lay a Ghost, représentation de la tombe de John Fitzgerald Kennedy, semble figurer une jungle dense et bariolée, dans laquelle le regard vient se perdre. Et, au milieu de ce chaos effarant, 16th Street Baptist Church, Birmingham Alabama, avec ses tons beige et brun, sa chapelle dont les vitraux et les ogives bien droites dominent ce qui ressemble à un enchevêtrement de buissons, permet enfin à l’œil et à l’esprit de se reposer. Car l’art de Rosson Crow est bien comme cette culture propre au sud des États-Unis : fragmentaire et violente, mais d’une beauté sauvage.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter RECONSTRUCTION de Rosson Crow, à l’occasion de sa troisième collaboration avec la galerie, après With Love, from Texas, en 2005, et Paris, Texas, en 2010. 
Avec RECONSTRUCTION, Rosson Crow s’atèle à dépeindre l’histoire complexe du sud des États-Unis, dont elle est originaire. À travers ses traditions protestantes évangéliques, son passif colonial, l’ancienne institution de l’esclavage, et son séparatisme pendant la guerre de Sécession, l’American South possède une identité collective bien identifiable que Rosson Crow assimile dans son travail pictural, et qui témoigne de la réponse par la violence au «Rêve Américain». Les représentations des somptueuses maisons de maître de plantations, de scènes funéraires - To Lay a Ghost, 1963, 2013, A Spectral Jest, 2013, ou encore16th Street Baptist Church, Birmignham Alabama, 2013 (église baptiste afro-américaine où eu lieu l’ attentat à la dynamite qui tua quatre fillettes en 1963, fomenté par le Klux Klux Klan, et qui visait à ré-affirmer leur funeste positionnement quant à la ségrégation raciale, alors contestée), s’attachent à remettre sous les feux des projecteurs, les épisodes violents qui ont jalonné le sud américain, dont la culture et l’héritage se distingue des autres états.
L’artiste américaine pousse à un degré supérieur la technique de peinture à l’huile par masquage de bandes adhésives, qu’elle avait déjà utilisé dans ses précédents travaux en créant des zones de vides dynamiques et de pleins structurants. La fragmentation de ces représentations par l’utilisation de cette technique qui perturbe la construction de l’image, correspond idéalement aux histoires fractionnées auxquelles Rosson Crow fait allusion, dans son évocation des états du Sud.
Dans une toute autre mesure qu’elle porte ici à son paroxysme, Rosson Crow propose des lieux désertés dont la spatialité tend vers une abstraction psychédélique et hallucinatoire : avec la maîtrise d’un nuancier corrosif et l’adresse de ses cadrages (frontal, panoramique, abyssal) qui témoignent de son savoir-faire formel, elle se joue du point de tension où l’abstraction devient figuration et la figuration abstraite.
En portant sa réflexion sur la dimension psychologiques de ces espaces - et sur la manière dont le spectateur expérimente ces lieux, l’artiste s’attache à retranscrire l’atmosphère «d’une version américaine de Versailles, à travers son luxe fabriqué» dans ces lieux hantés par l’histoire, vestiges (ou stigmates) d’une certaine histoire du sud des États-Unis. L’attention que Rosson Crow porte à l’ornementation, à l’agencement de ces décorums factices et anachroniques, à ces intérieurs à l’architecture superficielle, contribue à étoffer la réflexion de l’artiste sur la construction des faits de l’Histoire, à travers sa dimension spatiale. Dans des pièces déshumanisées, l’arrangement néo-classique des rideaux mis en plis des pièces d’apparat, les croisées d’ogives de l’église baptiste, la majestuosité baroque des salons de la Maison Beehive, se posent comme des motifs architecturaux de décadence et de décomposition de l’American Dream.
 Avec une maîtrise singulière de l’histoire de l’art américain et européen - notamment de la peinture allemande contemporain et française du XVII et XVIIème siècle, Rosson Crow déjoue les effets du réel à la manière d’un Richter sans jamais se départir de la liberté du geste de Kippenberger, ni éluder l’admirable travail de coloriste de Neo Rauch conjugué à la dimension pop des subtiles dégradés de Tauba Auerbach. Avec RECONSTRUCTION, elle propose au spectateur le résultat de ses recherches de fond et de forme les plus abouties : la construction de l’image trouve son accomplissement dans la contemporanéité formelle qu’elle insuffle aux images d’Épinal d’une certaine Amérique, et, en s’attachant à montrer la sémiotique visuelle statutaire qui composent ces angoissantes scénographies théâtralisées du pouvoir, elle encourage le spectateur à ne pas se satisfaire de ce qui nous est donné à voir, à travers les prismes artificiels de l’Histoire.


Rosson Crow
Née en 1982 à Dallas (Texas, USA), Rosson Crow vit et travaille à Los Angeles (Californie, USA). Rosson Crow est diplômée de Yale University, New Haven (MFA obtenu en 2006), et de la School of Visual Arts, New York (BFA obtenu en 2004). Elle fait partie de la génération des artistes montants de la jeune scène contemporaine aux États-Unis et en Europe et bénéficie d’une présence importante dans des collections publiques et privées prestigieuses, notamment au MUDAM - Musée d’Art Moderne Grand Duc Jean, Luxembourg, le Carré d’Art – Musée d’art contemporain de Nîmes, le Musée d’Art Moderne de Fort Worth, Texas, ou la collection Zabludowicz, la collection Dakis Joannou. Le Musée d’Art Moderne de Fort Worth, Texas lui a consacré sa première exposition personnelle, en 2009 qui a été un grand succès publique et critique, suivi par le Centre d’Art Contemporain de Cincinnati, Ohio, en 2010. Représentée par la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles depuis 2005, il s’agit ici de sa troisième exposition personnelle à la galerie, après With Love, from Texas, en 2005, et Paris, Texas, en 2010.