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“Heidi Bucher” article 1051
au Centre culturel Suisse, Paris

du 13 septembre au 8 décembre 2013



www.ccsparis.com

 

 

© Anne-Frédérique Fer, le 13 septembre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Heidi Bucher, Hautraum (Ahnenhaus), 1980-1982. Courtesy Freymond-Guth Fine Arts, Zurich. © The Estate of Heidi Bucher.
2/  Heidi Bucher, Bellevue (processus de travail), 1988. Courtesy Freymond-Guth Fine Arts, Zurich. © The Estate of Heidi Bucher.
3/  Heidi Bucher, Ahnenhaus (processus de travail), 1980. Courtesy Freymond-Guth Fine Arts, Zurich. © The Estate of Heidi Bucher.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt

 

Le Centre Culturel Suisse consacre une exposition, la première en France, à Heidi Bucher, dont l’œuvre a quelque peu sombré dans l’oubli. L’artiste explore ici la mémoire des lieux de son enfance, la maison de ses parents et celle de ses grands-parents à Winterthur.

Morceaux fantômes
Grands morceaux d’une toile épaisse suspendus au plafond ou accrochés aux murs, les travaux d’Heidi Bucher tout d’abord déconcertent. Empreintes du mobilier et de cloisons, ils en reproduisent fidèlement les plus infimes détails, des gonds d’une porte aux sillons infligés au carrelage par le temps. C’est que la démarche et le procédé mêmes de leur création n’ont pas d’équivalent. Apposant sur les objets une gaze humide qu’elle enduit de latex, l’artiste en effectue un parfait moulage avant de la décoller pour la teindre ensuite avec de la nacre. Et c’est ce produit, ou plutôt le nombre de couches appliquées successivement qui donnent aux œuvres présentées leurs couleurs particulières, allant du jaune fané au brun chaud et vieilli à l’apparence de vieux cuir. Parmi ces morceaux flottants de maison, l’on découvre le fantôme pâle de la chambre des maîtres, pièce centrale de l’exposition, et les lambris de ses murs  lentement extraits par le toit grâce à une grue. Ce cycle de construction, déconstruction et reconstruction est ainsi illustré par une succession de photographies en noir et blanc qui scande le parcours et lui ajoute une dimension performative.

Purifier les lieux
Les objets, tous issus de la maison des parents de l’artiste à l’exception du sol du corridor pendu telle une bannière au plus haut plafond, originaire, lui, de l’immense demeure de ses grands parents, se voient dotés d’une valeur archéologique. Savon et boîte de conserve ont ainsi l’apparence vieillie et rongée qu’aurait pu leur conférer un séjour de plusieurs siècles sous terre. Armoires et chaises, mises à plat sur le tissu, et esquissées d’un trait presque simpliste, perdent de leur substance, tout comme les murs. Il n’en reste au final plus que l’esprit, comme s’ils avaient effectué leur mue et laissé leur peau derrière eux, avec ses traces d’usure et ses cicatrices imprimées par le temps, et surtout les souvenirs familiaux qu’elle porte en elle. Car le travail d’Heidi Bucher s’avère profondément intime et autobiographique. En réalisant ces véritables empreintes des lieux de son enfance, l’artiste se libère de son passé, l’exorcise peut-être, pour mieux se le réapproprier. Les maisons, qu’elle pèle peu à peu dans une démarche sans doute parfois obsessive de constant retour sur soi, sont progressivement dépouillées de leur histoire. Une histoire elle-même destinée à se dissoudre avec la lente mais inévitable destruction de ces œuvres fantomatiques.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Heidi Bucher (1926-1993) s’est fait connaître à la fin des années 1970 par ses moulages en latex de fragments de maisons (pièce, porte, fenêtre, radiateur, etc.) liés à des étapes de sa vie. Elle débute sa carrière à Zurich comme illustratrice pour le Tages-Anzeiger, puis dans les années 1950, elle commence à exposer ses dessins et collages. En 1972, l’artiste s’installe à Los Angeles où elle produit avec son mari, Carl Bucher, des sculptures-vêtements en mousse d’allure futuriste - Body Shells - qu’elle anime lors de performances. De retour à Zurich en 1974, Heidi Bucher développe conjointement deux pratiques qui deviennent le coeur de sa démarche : « l’embaumement » de vêtements et autres objets de la sphère intime dans du caoutchouc et le moulage d’espaces architecturaux sous des couches de latex appliqué sur du tulle qui épouse toutes les formes. Elle expérimente ce dernier dispositif pour la première fois sur les murs de son atelier (une ancienne boucherie). Pour « Herrenzimmer » (1977/78), elle retourne dans sa maison d’enfance à Winterthur où elle recouvre de latex les panneaux de bois muraux et le parquet , obtenant ainsi une «peau» qu’elle teinte aussi de pigment irisé. Finalement, elle détache cette «peau», qui conserve l’empreinte des surfaces respectives. Pour son dernier projet en 1991, elle enveloppe du sol au plafond la villa Bleuler de style néo-renaissance à Zurich. Ses oeuvres interrogent le rapport entre corps et architecture, et mettent en évidence la mémoire des lieux. Son travail peut être rapproché de ceux d’artistes majeurs tels Ana Mendieta, Gordon Matta-Clark ou Edward Kienholz. Cette artiste est tombée dans l’oubli après sa mort avant d’être redécouverte par une exposition au Migros Museum en 2004. Le CCS présente la première exposition monographique qui lui est consacrée en France.