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“Guy Tillim” Second Nature
au Centre Photographique d'Île-de-France, Pontault-Combault

du 15 septembre au 22 décembre 2013



www.cpif.net

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 13 septembre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Guy Tillim, Tautira, Tahiti, 2010. © Guy Tillim. Courtesy galerie Stevenson, Cape Town and Johannesburg.
2/  Guy Tillim, Praça Coronel Custódio Fernandes Pinheiros , 2011. © Guy Tillim. Courtesy galerie Stevenson, Cape Town and Johannesburg.
3/  Guy Tillim, Mouaroa , Moorea, 2010. © Guy Tillim. Courtesy galerie Stevenson, Cape Town and Johannesburg.

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt

 

Le centre photographique d’Ile de France de Pontault-Combault présente le dernier projet Second Nature du photographe Sud Africain Guy Tillim. Ces images, prises lors de voyages en Polynésie et au Brésil de 2010 à 2011, jouent avec nos attentes et questionnent les mécanismes en jeu dans le cadre de la représentation d’un paysage.

Prendre conscience de notre processus de perception
Tout d’abord photographe documentaire, ou photojournaliste, Guy Tillim a toujours été fasciné par le pouvoir des images. Comment voit-on ? Comment perçoit-on et comment représenter un paysage, sont les questions qu’il se pose ici. Sur les pas de l’équipage de James Cook ou encore de Gauguin, il s’attache à donner une vision contemporaine des paysages de la Polynésie. Loin des clichés de cartes postales, il offre une vision très personnelle cherchant à rendre compte de ses perceptions immédiates. Nous sommes tous habités de milliers d’images qui influencent nos perceptions d’un lieu. Nous sommes tous porteurs d’un héritage culturel fait de représentations. La nature ne nous parvient qu’à travers ces médiatisations, ce qu’Alain Roger a appelé l’artialisation. Ses tahitiennes, loin d’arborer le collier de fleurs attendu au bord d’une mer turquoise, déambulent sur la plage noire en short et débardeur de sport. Ses vues de Sao Paulo sont elles aussi inspirées de la même recherche. Loin de la traditionnelle opposition entre paysage naturel et paysage urbain, ce qui importe ici ce n’est pas le lieu en lui même mais le processus de vision. Comme dans ses travaux antérieurs, Guy Tillim s’attache à donner une autre vision, à repousser les frontières de nos perceptions questionnant ainsi notre rapport au monde.

Le sujet indéterminé
On se prend à chercher le sujet de ces images qui se dérobent à notre interprétation. Guy Tillim se concentre sur le banal, le quotidien. Ni le spectaculaire, ni le détail mais un entre deux fait de petits rien. Dans ses images de Sao Paulo, notre œil habitué à chercher le sujet dans la lumière se promène sur une surface qui semble tout présenter au même niveau.

Si le paysage implique la médiatisation du point de vue d’un observateur, ici, loin de la hiérarchisation inhérente à la construction d’image, il tente la neutralité. Peut être pour laisser le spectateur habiter l’espace intérieur du cadre, de son regard. Le paysage est bien cet objet limite ou se rencontre réel et représentation. Ses photographies sont des images vivantes, des morceaux de vie rencontrés au fil de vagabondages. On reste longtemps absorbé, scrutant les détails de chaque photographie dans une sorte de méditation. Les implications d’une telle recherche débordent le seul cadre du paysage. La possibilité de prise de conscience qu’elles offrent est essentielle alors que nous sommes quotidiennement bombardés d’images de toute sorte. Ces scènes mystérieuses et énigmatiques offrent dans leur indétermination de nouvelles possibilités d’interprétation.

Clémentine Randon-Tabas

 


extrait du communiqué de presse :

 

Manifestation organisée dans le cadre des Saisons Afrique du Sud - France 2012 & 2013


Le Centre Photographique d’Ile-de-France est heureux d’accueillir la seconde exposition monographique d’envergure en France de Guy Tillim, figure incontournable de la photographie contemporaine sud-africaine.


Après avoir présenté les séries Jo’burg et Avenue Patrice Lumumba en 2009 à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris, Guy Tillim dévoile de manière inédite en France dans les espaces du CPIF le projet Second Nature, qui rassemble deux séries réalisées en Polynésie française et à São Paulo entre 2010 et 2011.

Cet ensemble explore la capacité de la photographie à restituer le paysage, naturel ou urbain, en convoquant une problématique inhérente à la représentation du paysage : « Dans quelle mesure fabrique-t-on une scène et dans quelle mesure la laisse t-on s’exprimer pour ce qu’elle est ? »

Depuis la fin du XVIIIe siècle et les voyages du capitaine Cook, le paysage de Polynésie a été continuellement esquissé, puis photographié – sûrement parce qu’il se dérobe à toute représentation convaincante. Quand il photographie le paysage, Guy Tillim se donne pour objectif de « faire face à la difficulté de le voir pour ce qu’il est vraiment – un espace qui change de visage le temps d’un regard ou du spectre d’une pensée (1)». Plus qu’une représentation par le détail ou par la monumentalité, il cherche à fixer l’espace entre les deux, un espace où la nature se révèlerait familière, où chaque élément s’exprimerait sans hiérarchie. Comme un contrepoint moderniste à ses photographies de Polynésie, Guy Tillim a voyagé à São Paulo – une ville largement filmée, photographiée, décrite. Ici aussi, il a cherché une nouvelle façon de photographier cette ville dont on a pu dire que « l’absence totale de personnalité est devenu sa personnalité. » Guy Tillim approche ce paysage urbain comme il approche la nature polynésienne : « Je montre une sorte de zone indéterminée. Les choses que nous ne remarquons pas, parce qu’elles sont communes, contribuent autant au paysage que les autres (2) ».

1. et 2. Citations extraites du livre Guy Tillim, Second Nature, Prestel, 2012


Second Nature par Guy Tillim

Quand je photographie un paysage, je dois faire face à la difficulté de le voir pour ce qu’il est vraiment - un espace qui change de visage le temps d’un regard ou du spectre d’une pensée. Peut-être existe-t-il une manière d’impliquer le spectateur plus encore, en évoluant dans l’espace de cette possible image, où divers éléments sont ou ne sont pas évidents. 
Je veux transmettre le panorama et l’incompréhensibilité relative à mon insignifiance dans cette scène. Cette pulsion est presque vertigineuse. Quand je place l’objectif devant mon oeil, j’hésite ; peut-être recherchons-nous la certitude dans les clichés, ces motifs employés, souvent mal à propos, pour dépeindre le paysage, isolant certains éléments en niant les autres. Une posture politique - montrer un bulldozer ou un fossé crasseux au paradis - est indéfendable. Peut-être la scène n’est-elle belle que lorsque tous les éléments font manifestement partie d’un tout. 
Alors je reviens à des principes qui semblent plus élémentaires, et toujours à ces clichés, ces manières évidentes de représenter la scène, par le détail ou la monumentalité. Mais qu’en est-il de ce qui se cache entre les deux - l’espace indéterminé évoquant le caractère de l’endroit, son atmosphère, ses sensations, ses éléments quotidiens comme le spectaculaire ? Au final, je pense qu’il n’y a pas de réponse car chaque scène est en soi un lieu de méditation, de vide. Chacune fournit son propre contexte : observées d’une certaine manière, elles ne peuvent exister nulle part ailleurs. Qu’est-ce qui est photographié ? Rien, et tout, quand on n’éprouve aucun désir de sortir du cadre.

Guy Tillim, Texte tiré de l’ouvrage Second Nature, Prestel, 2012