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“Masculin / Masculin” L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours
au Musée d'Orsay, Paris

du 24 septembre 2013 au 2 janvier 2014



www.musee-orsay.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, séance de tournage, le 23 septembre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Pierre et Gilles (nés respectivement en 1950 et en 1953), Mercure, 2001 (modèle : Enzo Junior). Photographie peinte, pièce unique, 117,3x87 cm. Collection particulière. © Pierre et Gilles. Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.
2/  Adolphe William Bouguereau (1825-1905). Égalité devant la mort, 1848. Huile sur toile. Paris, Musée d'Orsay. © Musée d'Orsay, dist. RMN / Patrice Schmidt.
3/  Jean-Baptiste Frédéric Desmarais (1756-1813). Le Berger Pâris, 1787. Huile sur toile, 177x118 cm. Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa. Photo © MBAC.

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt

 

Le nu masculin mis en scène à travers un parcours thématique riche en surprises. Peintures, dessins, vidéos et sculptures sans oublier de nombreuses épreuves photographiques mettent en perspective la représentation du nu masculin, thématique inévitable et pourtant si peu présente dans nos musées.

Les époques se mélangent. 

Cette transversalité fructueuse met en évidence le dialogue entretenu entre les artistes contemporains et ceux qui les ont précédés. L’exposition débute par l’idéal classique et le nu héroïque. Dans les milieux académiques la figure du héros prédomine, l’homme est dénudé mais seulement s’il incarne force, virilité et perfection. Viennent ensuite les dieux du stade avec l’idéal du corps musclé et parfait qui semble une suite naturelle à l’art gréco-romain, le corps devient objet et symbole de la force de la nation. A partir du 19ème siècle l’idéalisation du corps est délaissée pour une approche plus réaliste, sans complaisance dans les œuvres de Lucien Freud, ou pour la troublante sculpture Père mort de Ron Muek, brillamment mise en parallèle avec l’œuvre de Bourgereau, Egalité devant la mort. C’est ensuite l’homme dans le paysage qui est présenté, dévoilant un homme plus vulnérable, en recherche d’harmonie comme dans le superbe tableau Jeune assis au bord de la mer d’Hippolyte Flandrin. Enfin le thème du corps dans la douleur avec notamment  l’intense triptyque Trois personnages dans une pièce de Francis Bacon, avant de glisser vers le corps masculin comme objet de désir tant pour l’homme que pour la femme. Si une charge érotique forte et bien souvent homoérotique émanaient de la majorité des représentations de nus masculins, cette dernière partie met l’accent sur la sensualité et l’érotisation assumées du corps masculin.

Le nu masculin éclipsé par le nu féminin
Il ne s’agit que de la deuxième exposition d’importance, ayant comme sujet le nu masculin. Est-ce parce que le nu fut considéré comme avilissant et donc tabou dans une société d’hommes dominants, ne pouvant s’exprimer alors qu’à travers la figure du héros, des études du corps, et les représentations mythologiques ? Ou bien peut être encore parce que les désirs féminins et homosexuels restaient et restent moins acceptés dans nos sociétés ? Le fait est que l’homme nu est peu présent comme sujet unique d’expositions d’envergure. Le musée d’Orsay tend à rétablir un équilibre longtemps perdu. Il s’agit ici, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, d’un regard essentiellement masculin. A de rares exceptions près comme les œuvres de Nan Goldin ou Louise Bourgeois ce sont des hommes représentés par des hommes. Cela reflète bien sur, la place de l’artiste femme dans l’histoire de l’art mais pose tout de même question. La relation entre artiste et sujet nu impliquerait-elle une relation de pouvoir qui aurait alors été moins assumée par les femmes ?

Clémentine Randon-Tabas

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : 

Guy Cogeval, président des musées d’Orsay et de l’Orangerie 

Ophélie Ferlier, conservateur sculptures au musée d’Orsay 

Xavier Rey, conservateur peintures au musée d’Orsay 

Ulrich Pohlmann, directeur de la collection photographique du Stadtmuseum de Munich 
Tobias
G. Natter, directeur du Leopold Museum de Vienne 


L’exposition est organisée par le musée d'Orsay en collaboration avec le Leopold Museum de Vienne

 

Alors que le nu féminin s’expose aussi régulièrement que naturellement, le corps masculin n’a pas eu la même faveur. Qu’aucune exposition ne se soit donné pour objet de remettre en perspective la représentation de l’homme nu sur une longue période de l’histoire avant le Leopold Museum de Vienne à l’automne 2012 est plus que significatif. Pourtant, la nudité masculine était pendant longtemps au fondement de la formation académique du XVIIe au XIXe siècles et constitue une ligne de force de la création en Occident.

S’appuyant sur la richesse de son propre fonds (quelques sculptures inconnues) et des collections publiques françaises, le musée d’Orsay se donne donc comme ambition avec l’exposition Masculin / Masculin d’approfondir, dans une logique à la fois interprétative, ludique, sociologique et philosophique toutes les dimensions et significations de la nudité masculine en art. Parce que le XIXe siècle puise au classicisme du XVIIIe siècle et que son écho résonne jusqu’à nos jours, cette exposition élargit l’horizon traditionnel du musée d’Orsay pour embrasser plus deux siècles de création jusqu’à nos jours, dans toutes les techniques, peinture, sculpture, art graphique et bien sûr photographie, qui auront une place égale dans le parcours.

Pour faire comprendre la spécificité masculine du corps, l’exposition a préféré à une chronologie fastidieuse la succession de thèmes nodaux faisant se succéder les canons esthétiques hérités de l’Antiquité, leur réinterprétation aux époques néo-classique, symboliste et contemporaine dans une glorification toujours plus grande du héros, la fascination réaliste pour la révélation du corps dans toute sa vérité, la nudité comme accomplissement du corps dans la nature, la mise à mal du corps et l’expression de la douleur et enfin son érotisation.
Le parti-pris est d’établir un véritable dialogue entre les époques pour donner à voir les réinterprétations suscitées par certains artistes sur des oeuvres antérieures. Dès le milieu du XVIIIe siècle Winckelmann étudie l’héritage des divine proporzioni du corps héritées des Anciens qui, malgré des remises en cause radicales et par un des passages mystérieux de l’histoire de l’art, sont encore en vigueur jusqu’à nos jours comme acceptation de la beauté. De Jacques-Louis David à George Platt-Lynes, LaChapelle et Pierre et Gilles, en passant par Gustave Moreau, c’est tout une filiation qui se fait jour, autour des questions de pouvoir, de censure, de pudeur, d’horizon d’attente du public et d’évolution des moeurs dans la société.

L’exaltation par Winckelmann de la beauté grecque laisse apparaître en filigrane un désir charnel, traversant indiscutablement deux siècles et pouvant concerner hommes comme femmes, du groupe des « Barbus » de l’atelier de David à David Hockney et au cinéaste James Bidgood. C’est aussi cette sensibilité qui imprègne le tournant des XIXe et XXe siècle s’interrogeant sur son identité comme l’indique l’extraordinaire École de Platon, inexplicablement achetée par l’État français en 1912 au belge Delville.
De même, l’exposition mettra au jour d’autres filiations, plastiques ou intellectuelles au travers d’oeuvres d’artistes célèbres tels Georges de La Tour, Pierre Puget, Abilgaard, Paul Flandrin, Bouguereau, Hodler, Schiele, Munch, Picasso, Bacon, Mapplethorpe, Freud ou Mueck, tout en réservant des surprises comme le Saint Sébastien du mexicain Angel Zarraga, Les Bains mystérieux de De Chirico ou les érotica des américains Charles Demuth et Paul Cadmus.

C’est donc à un parcours mettant en question la permanence d’un thème éternellement repris par les artistes, grâce à des confrontations inattendues et fécondes entre différents moments de résurgences de l’homme nu dans l’art qu’invite le musée d’Orsay avec l’exposition Masculin / Masculin cet automne.