contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Pierre Huyghe” article 1079
au Centre Pompidou, Paris

du 25 septembre 2013 au 6 janvier 2014



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 24 septembre 2013.

1079_Pierre-Huyghe1079_Pierre-Huyghe

Légendes de gauche à droite :
1/  A Journey That Wasn’t, Double Negative, 14 octobre 2005. Événement, Wollman Ice Rink, Central Park, New York, Etats-Unis. Projet du Public Art Fund organisé en collaboration avec le Whitney Museum of American Art pour la Biennale de Whitney 2006. Courtesy de l’artiste. © Adagp, Paris 2013.
2/  Colony Collapse, 2012. Performance, juillet 2012, Les Arènes d’Arles. Courtesy de l’artiste. Photo : © Lionel Roux et Pierre Huyghe. © Adagp, Paris 2013.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt

 

Pierre Huygue a investi l’espace du Centre Pompidou avec une cinquantaine de ses œuvres, n’hésitant pas à jouer avec les vestiges des installations des expositions précédentes. L’occasion de porter un regard rétrospectif (et enchanté) sur le travail foisonnant, inquiétant parfois mais toujours poétique et surprenant, de l’artiste.

Invitations à la déambulation
Le bruit, voilà ce qui frappe dès les premiers pas dans le monde organique et exubérant de Pierre Huyghe : bruit de la pluie artificielle de L’Expédition scintillante (2002) qui vient frapper le sol, bruit de voix et de vie émanant des nombreux films projetés sur les murs, bruitages aussi d’un plafonnier transformé en ancêtre du jeu vidéo (Atari Light, 1999)… Et ce sont ces sons, qui retentissent et murmurent, qui sollicitent d’abord l’attention, éveillent la curiosité et finalement guident le pas. Il n’y a en effet pas de parcours prédéfini ici, le visiteur est au contraire invité à se perdre, à papillonner d’une œuvre à l’autre dans un espace qui laisse toute sa place à la déambulation. L’on découvre dans un joyeux mélange des aquariums où évoluent d’étranges araignées de mer à l’allure et aux couleurs improbables, dont la sérénité s’accommode très bien du voisinage d’une vidéo  presque hallucinatoire, non exempte d’une certaine violence sous-jacente (The Host and the Cloud, 2010). Ses productions si diverses, si profondément uniques, entrent en résonnance dans un constant jeu d’échos et d’échanges, parfois performatifs. Ne soyez alors pas surpris de croiser une haute silhouette arborant un des énormes masques d’animaux de la Toison d’or (1993) ou le chien blanc à patte rose, d’une grâce étrange et étonnante, d’Untilled (2012) déambulant librement parmi les œuvres.

Art vivant
Car l’art de Pierre Huyghe est celui du mouvement, de la vie ; sans cesse il change, varie dans le temps et l’espace pour mieux advenir. La brume de L’Expédition scintillante, Acte 1 : Untitled (Weather Score) se transforme en pluie avant de devenir neige quand les araignées de C.C. Spider (2011) émergent brièvement des cimaises avant d’y disparaître à nouveau. Si l’événement, la performance, se produit en la présence du visiteur, l’exposition continue cependant d’exister et d’évoluer indépendamment de sa volonté et de son regard. Aussi faut-il jouer le jeu de l’artiste et revenir sur les œuvres afin de renouveler les expériences. Art du présent en train de se faire, de l’instantané, le travail de Pierre Huyghe convoque aussi le passé et le futur proches, si proches, en réalité, que l’on pourrait presque croire en être les témoins. Les taches vertes sur le mur blanc de Shore (2013) ont peut-être été réalisées quelques minutes plus tôt, et l’artiste lui-même s’est peut-être tout simplement éclipsé  quelques instants, comme en attesterait la poussière de craie verte répandue sur le sol. Et dans un espace clos et plongé dans le noir, une scène miniature éclairée par des spots de couleurs vives semble attendre l’arrivée, imminente, d’un musicien ou d’un prestidigitateur virtuose (L’Expédition scintillante, Acte 2 : Untitled (Light Box), 2002). Car l’art de Pierre Huyghe est ainsi, organique et fluctuant mais finalement libéré du temps et de ses contraintes, véritable terreau pour les errances de l’imagination.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :

Emma Lavigne, Conservatrice au musée national d’art moderne, service de la création contemporaine et prospective

Assistée de Florencia Chernajovsky


Le Centre Pompidou présente la première exposition à caractère rétrospectif de l’oeuvre de Pierre Huyghe, figure majeure de la scène contemporaine française et internationale.
Proposant une lecture inédite de l’oeuvre de l’artiste, l’exposition présente une cinquantaine de ses projets et permet de prendre toute la mesure d’un travail et d’une recherche qui se déploient depuis plus de vingt ans. Elle aspire à rendre sensible la dimension vivante et organique des propositions de l’artiste qui envisagent l’espace d’exposition comme un monde en soi, non orchestré, vivant selon ses propres rythmes.
Pierre Huyghe participa, dès les années quatre-vingt-dix à la redéfinition du statut de l’oeuvre et du format d’exposition, les faisant parfois se superposer afin de leur donner tour à tour la forme d’un journal, d’un voyage en Antarctique, ou d’un calendrier annuel en forme de jardin. 


Tout en présentant certaines de ses oeuvres les plus emblématiques, telles que Blanche Neige Lucie, No Ghost Just a Shell ou Streamside Day, cette exposition explore les récurrences et les bifurcations qui apparaissent dans certaines oeuvres et montre comment l’artiste cherche à inventer des « situations live » à travers lesquelles il s’emploie à intensifier la présence et la vitalité du réel.

« Ce qui m’intéresse, c’est construire des situations qui ont lieu dans le réel. […] Je me concentre sur quelque chose qui n’est pas joué, mais qui existe en soi. Je cherche non à définir la relation entre les sujets, mais à inventer les conditions qui peuvent déboucher sur la porosité, l’écoulement et l’indéterminé. Ce qui m’intéresse, c’est d’intensifier la présence, de lui trouver sa propre présentation, sa propre apparence et sa vie propre, plutôt que de la soumettre à des modèles préétablis. » Pierre Huyghe

Pierre Huyghe convoque ainsi quelques témoins, dans le musée des arts et traditions populaires désaffecté, à découvrir les trois temps de The Host and The Cloud, lors de la fête des morts, la Saint-Valentin ou la fête du travail. Il fait exister des évènements tels que des séances d’hypnose, des chorégraphies, des procès, des actes sexuels. Pour la dOCUMENTA 13, le visiteur découvre accidentellement un site, un écosystème construit dans lequel on trouve un chien à la patte rose, un chêne déraciné de Joseph Beuys, une sculpture figurant une femme nue, allongée, dont la tête est occultée par un essaim d’abeilles. L’espace d’exposition de la Galerie sud s’ouvre vers l’extérieur en une excroissance, où certaines aux oeuvres organiques et climatiques de l’artiste vont exister.
Avec la complicité de l’artiste, cette présentation constitue une étape dans cette oeuvre singulière et devient un point de départ vers un site permanent à venir, lieu des enjeux et des obsessions de Pierre Huyghe, attaché à l’idée de construire un monde qui s’auto-génère et varie dans le temps et l’espace, indifférent à notre présence.