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“4 expositions” article 1097
au Musée de la Photographie, Charleroi, Belgique

du 28 septembre 2013 au 19 janvier 2014



www.museephoto.be

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Légendes de gauche à droite :
1/  Michel Mazzoni, Untitled (Indices series), 2013. © Michel Mazzoni & anyspace gallery.
2/  Anomyme, Cherry Blossoms au Tidal Basin, Washington D.C., 11 avril 1952. Collection Musée de la Photographie. Droits réservés.
3/  Marcel Mariën, Les dernières volontés, 1984. Photographie, Collection du Musée de la Photographie de la Fédération Wallonie-Bruxelles. © SABAM Belgium 2013.

 


texte de Julie-Marie Duro, rédactrice pour FranceFineArt

 

Dans l’ancien carmel de Mont-sur-Marchienne, le Musée de la photographie de Charleroi héberge actuellement quatre expositions qui interrogent chacune à leur manière le statut des images et le rôle d’un musée dédié à la photographie. Quatre parcours qui proposent autant de réponses qu’ils ne soulèvent de nouvelles questions, autant d’interprétations que de visiteurs.

A peine entrés, nous nous étonnons devant les images du photographe Benoît Grimalt : des photographies fantasmées, certains oseront peut-être dire ratées. C’est ainsi que les 16 photos que je n’ai jamais prises n’ont pas pu être exposées, car elles n’existent que dans la tête de leur auteur. Mais ces occasions manquées sont prétextes à de petits croquis qui alimentent les carnets de l’artiste. Nous avions déjà pu découvrir ses images lors des Promenades Photographiques en Condroz de cet été et c’est avec plaisir que nous partageons à nouveau l’humour de ces dessins hautement colorés.

A quelques mètres de là, l’ancienne chapelle abrite une rétrospective de Marcel Mariën, Le passager clandestin de sa propre vie qui pensait que « toutes les activités humaines naissent de l’ennui ». Certains visiteurs s’étonneront sans doute du peu de photographies proposées (à peine un tiers des œuvres présentées). C’est que Marcel Mariën n’était pas uniquement photographe et encore moins technicien. Son œuvre protéiforme se compose tout autant d’objets insolites (comme une lunette au verre unique que Magritte avait nommé L’Introuvable), de collages aux scènes plus ou moins érotiques ou d’un livre gribouillé, annoté, en hommage à son auteur. Le médium importe peu aux yeux du surréaliste qui privilégie l’efficacité du propos à la noblesse des matières. Les mots semblent toute fois échapper aux humeurs de l’artiste qui leur consacre une place cruciale, récurrente. On les trouve modelant le galbe d’un dos (de femme dénudée, il va de soi), sur une carte postale ou dans un titre toujours évocateur. Marcel Mariën détourne inlassablement les images, joue avec la langue. A nous maintenant de nous en amuser.

Le long du cloître, dans une petite galerie se cachent d’anciennes images. C’est l’histoire d’une vieille boite, oubliée parmi les archives, qui abrite près de mille diapositives au format carré et aux couleurs mythiques. Julien Libert, collaborateur scientifique du musée, les observe une à une et perce leur mystère avec attrait. Kodachrome : Cropping America dévoile bien plus que l’univers d’un couple d’anonymes partis vivre aux Etats-Unis à l’époque de la beat generation. Car le jeune homme non content d’effectuer une sélection drastique s’est autorisé des largesses, à la subversion toute relative, afin de donner à voir sa propre vision de l’Amérique. Du carré originaire, il ne reste rien. Passées au format cinéma, ces images renvoient à notre mémoire collective, celle des drive-in et des stations Texaco, celle d’un pays que l’on perçoit d’ici, par écrans interposés.

Dans une dernière pièce, les murs accueillent les photographies plus conventionnelles de Michel Mazzoni. On s’approche ; on s’éloigne, cherchant à mettre ensembles des images qui semblent dépourvues de cohérence. On s’arrête. On attend. Le silence devient bruit, respiration troublante. White Noise est comme la mélodie d’un film sans musique ni parole, des images sans regard, au vide inquiétant, troublant, où chacun voyage, s’égare pour trouver finalement sa voie

Julie-Marie Duro

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :  
Xavier Canonne, directeur du Musée de la Photographie à Charleroi

Les 4 expositions sont : 

Marcel Mariën, Le passager clandestin

Michel Mazzoni, White Noise

Kodachrome : Cropping America, des diapositives réinterprétées
Benoit Grimalt dans le cadre de la galerie du Soir

Marcel Mariën, Le passager clandestin
Depuis qu’en 1937, brisant ses lunettes, il en rassemble les branches autour d’un seul verre créant L’introuvable, l’une de ses œuvres les plus connues, Marcel Mariën aura exaucé en une très large part le vœu de son ami Paul Nougé – la tête pensante du surréalisme en Belgique – qui réclamait la création de «sentiments nouveaux». Réalisant nombre de collages, de photographies, d’assemblages suscitant tour à tour le rire, le scandale, le plaisir ou l’émotion poétique, Mariën aura su tirer de l’image et de l’objet des possibilités jusque-là insoupçonnées. Né à Anvers d’un père flamand et d’une mère wallonne (et vice-versa, précisait-il), Mariën développa dès ses premiers contacts avec René Magritte et le groupe surréaliste de Bruxelles une activité d’éditeur, de photographe, d’assemblagiste, de poète, de cinéaste et de collagiste, refusant délibérément de privilégier une discipline ou un matériau, seul comptant pour lui l’efficacité du propos, hors de toute préoccupation esthétique, de toute concession formelle. Témoignant de la vigueur de la seconde génération du surréalisme, Marcel Mariën en incarna durant plus de cinquante ans la pérennité et en fut à la fois l’acteur et l’historien, le juge et le témoin à charge, le dynamiteur également, pourfendant les imposteurs et les usurpateurs. Ami intime de Nougé, dont il fit obstinément connaître les écrits et reconnaître le rôle capital, et de Magritte, prolongeant leur démarche et leur esprit, il se brouillera cependant avec le peintre en publiant le tract Grande Baisse confectionné en 1962 avec son complice Leo Dohmen. En 1959, avec des moyens limités et le concours de bénévoles, Mariën réalise le seul film belge authentiquement surréaliste L’Imitation du cinéma, qui sera censuré en Belgique et interdit en France. Il séjournera ensuite aux Etats-Unis et en Chine communiste, dénonçant à son retour le caractère totalitaire du régime maoïste. Connaissant en 1967 sa première exposition personnelle à Bruxelles, la première d’une longue série, il poursuivra son activité au travers de la revue Les Lèvres nues fondée en 1954 et des éditions du même nom, éditant, outre ses propres créations, les textes essentiels du surréalisme en Belgique, en révélant toute la singularité. Marcel Mariën est décédé il y a vingt ans, le 19 septembre 1993. Loin de se vouloir rétrospective, l’exposition du Musée de la Photographie de la Fédération Wallonie-Bruxelles à Charleroi abordera les diverses pratiques de Marcel Mariën, faisant la part belle aux photographies dont les plus anciennes sont demeurées longtemps inconnues. L’exposition est accompagnée d’un ouvrage «Marcel Mariën, Le passager clandestin» écrit par Xavier Canonne, directeur du Musée de la Photographie et commissaire de l’exposition, qui fut un intime de Marcel Mariën. L’ouvrage qui paraîtra aux éditions Pandora à Anvers comportera 460 pages reprenant plus de 700 illustrations et sera disponible en deux versions, française et anglaise.

Michel Mazzoni, White Noise
Michel Mazzoni travaille le temps mais aussi l’espace. Il voue une quête à l’imperceptible, à ce mouvement du temps que nous ne pouvons pas percevoir. Il s’attache aussi à l’indifférence, à l’abandon, aux zones laissées pour compte par l’homme qui, elles aussi, subissent insensiblement cette lente érosion. (…) Mazzoni fait sien un travail sur la lumière. Sous-exposition, surexposition se confrontent, se complètent, entament un dialogue qui n’a de cesse de perturber notre vision. Ces travaux sur la matière photographique sont évidemment volontaires, ils s’effectuent, selon les conditions, pendant la prise de vue et/ou pendant le travail de laboratoire, de scan de l’image. Ce travail sur la lumière semble venir dresser un infime voile entre le regardeur et l’objet photographique, instaurer une séparation et vient non pas occlure mais perturber ce sentiment océanique. (…) Peu à peu, de l’épaisseur du voile, des détails, des formes imperceptibles se précisent. L’observation s’affine et vient saisir ces formes, des dégradés se forment dans les traitements, a priori monochromes. (…) Certes Michel Mazzoni travaille sur la lumière mais aussi sur la densité des choses, une impression de pesanteur émane généralement de ses séries. (…) La texture photographiée prend la forme d’éther, le brouillard ou les nuages, par exemple… L’une des interrogations posées par Michel Mazzoni, dans ces photographies, dans ces lieux, est donc la place de l’homme. (…) sa trace reste présente, par indices, résidus ou par l’architecture… Elle est signifiée par l’entropie elle-même, se piste par abandons successifs de lieux autrefois fréquentés par la présence humaine. Extraits du texte de Valéry Poulet «Michel Mazzoni : L’axiome de la pose B ?» pour performArt, août 2012. 
D’origine française, Michel Mazzoni (1966) vit à Bruxelles. Il a suivi des études de colorimétrie et sensitométrie. Dans sa pratique artistique, à laquelle il se consacre depuis 2004, il a recours à la photographie, mais aussi quelquefois à l’installation vidéo. Son travail traite des méditations sur le temps et l’espace. Depuis 2008, il a publié trois ouvrages monographiques, White Noise est son quatrième. Son travail est régulièrement montré dans des biennales, foires d’art contemporain, centres d’art, galeries, en Belgique, en France, au Luxembourg et en Corée du Sud. Il est représenté par la galerie anyspace à Bruxelles. Artiste enseignant, il intervient en cycle supérieur de photographie à l’école de Condé Nancy, France.

Des diapositives réinterprétées, Kodachrome : Cropping America
Que reste-t-il du Kodachrome ? Une chanson de Paul Simon, des diapositives et des milliers de souvenirs pour celle qui fut la pellicule la plus vendue au monde. Le passé est désormais imposé mais aussi composé depuis que Kodak a définitivement décidé d’arrêter la production de la mythique pellicule en 2009. Aujourd’hui, il ne reste plus que les réminiscences de ses couleurs saturées. Sa mort laisse des traces en obligeant les nostalgiques à singer son vieillissement si caractéristique avec Instagram®. Néanmoins, il nous reste le charme désuet de la projection où l’on s’invente une multitude d’histoires merveilleuses dans un monde qui ne semble pas le nôtre. Les couleurs délavées rincent notre esprit et renvoient aux yeux brillant de la découverte ces films d’antan. La diapositive conjugue l’époque fixée dans leur chimie à un autre temps, celui de leur représentation. Projection ou tirage, la dia est positive au propre comme au figuré. Elle ne se fige pas et se présente vierge à son support. Sur l’écran blanc, souvenirs et amnésies se perdent dans l’écho de leur temps. Sur le papier, elle s’abandonne à son support et s’égare, jaunit ou perdure avec lui. Dans tous les cas, la diapositive et le Kodachrome offrent au spectateur le loisir de son interprétation. Le service Collection est tombé sous le charme de ce fonds anonyme constitué de Kodachromes pris par un couple de Belges ayant vécu sur la côte est des États-Unis. Ces images prises entre 1949 et 1952 nous renvoient directement à l’époque où Jack Kerouac traversait le continent et rédigeait son célèbre «On the Road». Nous sommes loin de la folie de Cassady et de Kerouac ainsi que de leur fulgurance éructant à chaque seconde mais d’avantage dans cette langueur et cette beauté mythique qu’ils chantent et admirent sans borne. Pourtant, cette Amérique légendaire était loin de sauter aux yeux. Les sujets semblaient se perdre dans ce format carré comme si ce dernier tenait de l’impossible aux Etats-Unis. Compte tenu de la nature interprétative de la diapositive, nous avons pris le parti de recadrer ces images pour resserrer le propos et révéler son essence proprement cinématographique. Cropping America offre un parcours en cinémascope de la côte est où chacun projettera ses envies et ses fantasmes à une époque où Duke Ellington se déchaînait dans des improvisions Be-bop, où le Maccarthysme battait son plein, et où Marilyn Monroe effectuait ses premiers pas au cinéma…