contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“David Douard” animorphs
les églises, centre d’art contemporain, Chelles

du 13 octobre au 8 décembre 2013



http://leseglises.chelles.fr/

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 12 octobre 2013.

1118_David-Douard1118_David-Douard1118_David-Douard

Légendes de gauche à droite :
1/  David Douard, 5'SICK S4LIVACITY, 2013, plâtre, métal, plastique, papier, moteur, écran plat, lecteur dvd 89 x 80cm ; écran : 44 x 55cm. Vue de l'exposition Sick Saliva, galerie chez Valentin, Paris, 6 avril - 11 mai 2013. © Florian Kleinefenn Courtesy de l'artiste.
2/  David Douard, Animorphs, poster, 2013, Courtesy de l'artiste.
3/  David Douard, Mo Lick, 2012. Ecran TV, plâtre, métal, bois, plastique, 62 x 90cm. Courtesy de l'artiste.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

On ne sait pas très bien si l’on est déjà à la fin du troisième millénaire, au centre de la terre, ou sous les mers, peut-être dans l’ultime refuge après la catastrophe, ou simplement dans l’espace rêvé de David Douard, artiste qui vient d’investir, après la Biennale de Lyon, les Eglises de Chelles.

De la désintégration des matières, des objets et des corps sont nés des formes, un mobilier, des factures nouvelles. Craquelées, déchirées, boursoufflées, fragmentaires, elles ont le ton métal et chair. Parfois, ici et là, du rouge pétant surgit. Partout des coulures presque organiques qui donnent cette sensation que l’objet, la chose est vivante en phase de mutation constante, ininterrompue, visible aujourd’hui juste dans une forme transitoire. On est finalement sûr que demain, les choses auront poussé, grandi, peut –être même changé de place. Comme si nous, être humains, sous la force de l’entropie, nous avions fusionné avec la matière dans les objets.

Nos formes seraient plâtres coulés, craquelés, grilles en morceaux, matière plastique ciselée….. . Il y a encore quelques écran-visages, d’où la mutation semble avoir commencé. Les signes, les mots quelques lettres sont encore là, mais nous ne sommes pas très sûrs que le sens s’inscrive encore. Il est évanescent.  D’abord couchés, dédoublés, renversés, les visages eux aussi, finissent par disparaitre.

Il faut rester assez longtemps, se laisser faire, déambuler entre les œuvres, s’assoir, écouter, repartir et se laisser fondre, couler avec le temps dans l’espace.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire : Eric Degoutte, directeur du centre d'art


Les installations de David Douard propagent dans l'espace d’exposition toute une population d'éléments bien souvent hétérogènes et tentaculaires au point de coloniser leur environnement.

Matières ou objets, éléments identifiables ou non se mêlent dans des assemblages bricolés, débarrassés du souci de la virtuosité technique, revisitant le « grotesque » comme forme esthétique. Ces hybrides, nés de greffes d’éléments technologiques et organiques, nous donnent à voir des corps en pleine mutation, sorte d’avatars entre deux états ou deux identités, qui ne sont pas sans faire écho à une certaine expérience de l’adolescence.

Une peau de plâtre les recouvre, elle se craquèle, se boursoufle comme travaillée en profondeur par une révolte latente, si ce n'est par l’idée d’un habitat en devenir. David Douard dissémine dans ses installations des images imprimées, des morceaux de films, des bribes de textes, des bandes sons de jeux vidéos trafiquées, autant d’indices d'une occupation domestique des lieux insufflant un simulacre de vie à ses conglomérats anthropomorphiques traversés d’émotions digitales.

David Douard procède par accumulation d’objets, de logos, de codes qu’il s’approprie de sources diverses mais indifférenciées, minutieusement choisis, braconnés lors d’errances dans le flux d’Internet ou simplement glanés au hasard des rencontres, « par accident » tel qu’il aime le souligner. Piochés en grande partie dans le registre de la culture populaire, les signes parsemés nous semblent familiers, sans être pour autant clairement identifiables.

« Animorphs », qui donne son titre à l’exposition, est en effet une série américaine de romans de science-fiction très peu connue en France. Mettant en scène des adolescents dotés de pouvoirs surnaturels, ces livres furent publiés par la maison d’édition Scholastic de 1996 à 2001 et donnèrent lieu à de nombreuses déclinaisons (adaptation télévisée, jeu vidéo, site internet, etc.). Si l’univers déployé par l'artiste présente des affinités avec la série (telles les questions liées à la métamorphose, à l’adolescence, à la rébellion), ce sont essentiellement les rouages de ce système médiatique fondé sur le renouvellement constant des supports et des canaux de diffusion qui l’intéressent. L’exposition ne consiste pas en une transposition d’« Animorphs », cette référence n’étant qu’un point de départ à la dérive plastique et artistique de David Douard. « Animorphs » représente « une métaphore plutôt ludique de la manière dont l’histoire des médias et des technologies s’enregistre dans nos corps, et inversement ».

À l’instar des pratiques relevant du hacking, David Douard développe des dispositifs rhizomatiques au sein desquels les référents mis en scène sont des prétextes manipulés et déformés, se jouant d’échos formels, comme contaminés par un virus provoquant des glissements de sens propices aux projections fictionnelles.




Texte d'Eric Degoutte, commissaire de l'exposition


C’est comme un fourmillement, une sorte d’agitation intérieure qui travaille l’enveloppe, tente de l’assouplir, prend le risque d’aller aux limites de ce qui fait plasticité, de ce qui fait qu’une pellicule ou qu’une apparence sont les ultimes résistances qui conservent, jusqu’au point de rupture, l’hypothèse d’un corps constitué.


Passé l’irrémédiable déchirement des enveloppes, s’opèrent alors du renouveau, du reconfiguré qui est aussi quelque part du défiguré, de la prise de distance, des stracci, de l’usage déposé au gré d’un éloignement salvateur car régénérant.
Il y a donc mouvance, comme une irisation des matières qui n’en finissent pas d’évoluer, de muter, de se transformer. De vivre. Précaires, momentanées ou figées, réelles ou chimériques, peu importe finalement.


Ce qui prédomine est toute énergie, ce qui se constitue est visibilité de cette énergie. 
Et là il y a poïesis au sens où l’entend, où pratique Nietzsche : un processus, une création (intellectuelle ou purement manuelle, et ici David Douard jongle allègrement avec, ou de l’une à l’autre) qui est oeuvre car elle est action, car elle est énergie créative. Par mimétisme, par mutation, par dérive, par anamorphose. Et par morphing… s’il le faut.


Et cela forme homogénéité. Ce qui peut être un paradoxe dans ce qui fait l’actualité des informations aujourd’hui disponibles sur David Douard, jeune artiste arrivant vite et fort, chargé de formes disparates, de briques, de brocs, de bric-à-brac, de bricolage « bout-de-filesque » traversé de fulgurances, d’une brutalité de l’immédiat… Poétiquement activé.


Eric Degoutte