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“Indochine” des territoires et des hommes, 1856-1956
au Musée de l’Armée, Paris

au 16 octobre 2013 au 26 janvier 2014



www.musee-armee.fr/ExpoIndochine

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 15 octobre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Engagez‐vous, rengagez‐vous dans les troupes coloniales, J.L.Beuzon, 1931, Affiche. Collection Éric Deroo.
2/  Photo extraite du reportage «Parachutage sur Diên Biên Phu », réalisé par le Service Presse Information en Indochine. Photo attribuée à Daniel Camus (actif entre 1946 et 1954), photographe militaire du Service Presse Information. Paris‐Musée de l'Armée, Dist.RMN / image musée de l’Armée.
3/  Etudiants de l’université de Hanoï. Collection Eric Deroo.

 

extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat
 :
Lieutenant-colonel Christophe Bertrand, conservateur du département contemporain – musée de l’Armée

Emmanuel Ranvoisy, conservateur adjoint, département contemporain – musée de l’Armée

Delphine Robic-Diaz, maître de conférences en études cinématographiques à l’université Paul Valéry – Montpellier 3


Le musée de l’Armée présente pour la première fois une exposition temporaire explorant 100 ans de présence militaire française en Indochine, de la conquête à la décolonisation, en croisant les histoires de la France, du Cambodge, du Laos et du Vietnam. Plus de 380 pièces à découvrir au fil d’un parcours chronologique, thématique et pédagogique pour tous les publics.

Un croisement des regards

Pour comprendre cette histoire coloniale riche et complexe, l’exposition Indochine, Des territoires et des hommes, 1856-1956 offre au visiteur une double clé de lecture en abordant du point de vue français et indochinois les notions de conquête, guerre, répression, aménagement ou exploitation... Sans tabou, cette rétrospective critique permet ainsi d’appréhender la complexité des interactions entre les groupes sociaux, linguistiques et culturels, les heurts ou assimilations choisies ou contraintes et les apports institutionnels.

Une exposition inédite

Second volet d’un diptyque consacré à la thématique coloniale, après Algérie 1830-1962, avec Jacques Ferrandez (mai-juillet 2012), cette manifestation marque la volonté du musée de l’Armée de poursuivre son travail historiographique sur des sujets encore absents de ses salles d’expositions permanentes. Une sélection de pièces inédites de ses collections est ainsi mise en relation avec les oeuvres, objets et documents de collections particulières et de nombreuses institutions de référence dans ce domaine, dont les Archives nationales d’outre-mer, le Service historique de la défense, le musée de la Marine, la BnF, le musée du quai Branly, le musée Guimet, les Missions Etrangères de Paris, le musée des châteaux de Versailles et de Trianon…

Des territoires… et des hommes

Le parcours – chronologique et thématique – se dessine en trois temps : les premiers pas de la France en Asie du Sud-Est et la constitution du territoire de l’Indochine française entre 1859 et 1907, la vie coloniale indochinoise et les mouvements nationaux dans l’entre-deux-guerres, puis la fin de l’Empire français en Extrême-Orient. Citations et portraits de personnalités françaises et indochinoises, tant intellectuelles que politiques ou militaires, émaillent le parcours et rendent compte de l’évolution des idées et des représentations de l’époque.

Le film à l’honneur

Du fonds des frères Lumière aux films d’actualités couvrant la guerre d’Indochine, l’exposition fait la part belle aux projections d’archives avec le soutien de l’INA et de l’ECPAD, et réserve une surprise inédite en fin de parcours. En écho à cet événement, un cycle cinéma est programmé durant 3 semaines en novembre au musée de l’Armée, ainsi qu’à la BnF et au MK2, partenaires du projet.




Parcours de l’exposition
 :

L’exposition Indochine. Des territoires et des hommes, 1856 - 1956 fait suite à celle que le musée de l’Armée a consacrée, en 2012, aux 130 années de présence militaire française en Algérie. Second volet d’un diptyque sur l’histoire de la colonisation et de la décolonisation, elle met donc en lumière une autre partie, singulière, de l’ancien empire français, enjeu militaire, politique, économique mais aussi, de nos jours encore, mythe littéraire et motif artistique.

Pour aborder ce siècle d’histoire, plusieurs partis se sont imposés :

Une approche chronologique, offrant aux visiteurs des repères indispensables dans un enchaînement d’événements complexes, qui ne sont pas tous connus du grand public.
Le choix de traiter ce sujet particulièrement riche par l’histoire militaire, de la conquête au départ des troupes françaises, sachant que la colonisation est aussi un processus politique, économique, social, culturel, que ces divers aspects sont étroitement mêlés et qu’il importe de le mettre en évidence.


A l’ancienne Indochine française correspondent aujourd’hui trois pays : le Cambodge, le Laos et le Vietnam. L’exposition retrace l’histoire de l’exploration, de l’appropriation, de l’exploitation de cet espace. La représentation et la compréhension des territoires qui le constituent, par des cartes, des croquis, des photographies significatifs de leur évolution, sont au coeur de son propos.


Dans cet espace, des destins individuels se construisent, liés aux événements qu’ils contribuent à infléchir ou dont ils portent la marque. L’exposition fait donc une place importante aux hommes et aux femmes, célèbres ou moins connus, qui ont, à un moment ou à un autre, incarné l’histoire de l’Indochine.
Enfin et surtout, cette histoire ne doit, ne peut, être racontée qu’à plusieurs voix. Pour le faire, le musée a réuni des oeuvres, des objets, des documents, d’origines très diverses, impressionnants ou modestes, flatteurs ou austères, faciles d’accès ou énigmatiques. Chacun d’entre eux est une trace, un témoignage ou un symbole qui mérite l’attention. A eux tous, ils contribuent à restituer le visage et le regard des innombrables acteurs qui se sont succédé pendant un siècle et auxquels l’exposition est dédiée.


Au fil des 380 pièces réunies ici pour la première fois, le parcours de visite s’organise en quatre parties. Objets de la vie quotidienne, uniformes, archives photographiques, extraits de journaux ou cartes géographiques donnent à voir et à comprendre les premiers pas de la France au-delà de la route des Indes avant 1856, la formation de l’Indochine française de 1856 à 1907, le coeur de la vie coloniale de 1907 à 1939 jusqu’au déclin et à la fin de l’Empire français en Extrême-Orient, après la bataille de Dien Bien Phu en 1954 et le départ des derniers soldats français en 1956.

1.Les premiers pas de la France au-delà de la route des Indes

Située au carrefour de l’Inde et de la Chine, la péninsule indochinoise éveille dès le XVIe siècle l’intérêt des Européens. Jésuites et missionnaires des Missions étrangères sont chargés par le pape de l’évangélisation des populations locales et de la formation d’un clergé « autochtone », tandis que les premières relations commerciales avec l’Europe sont inaugurées par les Portugais, suivis au siècle suivant par les Hollandais et les Anglais. La France, qui n’est intervenue au XVIIe que sur le plan religieux, cherche des points de ravitaillement entre l’Inde et la Chine pour les navires de la Compagnies des Indes Orientales. La guerre civile de 1775-1802, succédant à une période de paix relative entre les seigneuries vietnamiennes du Nord et du Sud, lui donne l’occasion, par l’intermédiaire de Mgr Pigneau de Béhaine, de signer un traité d’assistance qui ne sera jamais appliqué, entre le roi de France Louis XVI et l’héritier de la dynastie des Nguyen, le futur empereur Gia Long (1802-1820). Ce dernier entreprend de rénover les structures confucéennes de l’Empire, modernise l’armée ainsi que la flotte vietnamienne et élève des citadelles à la Vauban avec l’aide d’officiers français de la marine et du génie. À sa mort, son successeur Minh Mang, puis plus tard Tu Duc, adoptent une posture de fermeture face à l’influence des pays occidentaux, toujours en quête de concessions et de traités de commerce, et proclament des édits de persécution des chrétiens, accusés de collusion avec les Européens. A la veille de l’intervention militaire de la France, les Etats de la péninsule indochinoise, ethniquement et culturellement très diversifiés, entretiennent des rapports inégaux entre eux. Les royaumes indianisés du Cambodge et du Laos, étiolés et affaiblis, sont dominés par le Siam, tandis que le Vietnam demeure dans l’orbite de la culture politique chinoise. Par ailleurs, ces pays sont composés d’une mosaïque d’ethnies et les relations entre les minorités des montagnes et les peuples des plaines sont marquées de fortes tensions.

2. La formation de l’Indochine française de 1858 à 1907

La France met plus de quarante ans pour constituer son empire colonial en Extrême-Orient dans un contexte marqué par les changements de régimes en métropole et les évolutions politiques propres à la région. À la suite de la première guerre de l’Opium de 1839 à 1841, la présence maritime française se fait plus insistante en mer de Chine et, au milieu du siècle, la Marine identifie à Saigon un point d’appui pour consolider sa position dans cette partie du monde. La conquête de l’Indochine découle de cette initiative liée à la rivalité franco-britannique mais aussi de l’attractivité économique de la Chine ainsi que des tensions religieuses locales. Les persécutions des chrétiens sous l’empereur Tu Duc suscitent en effet une vive émotion en France. En outre, la conquête est facilitée par les tensions et les fragilités internes des sociétés indochinoises. Ainsi, certains chrétiens, des membres des minorités ethniques et des mandarins en cours de déclassement social, comme ceux qu’a heurtés la politique néo-confucianiste de la dynastie des Nguyen, ne s’opposent pas à la mise en place de l’ordre colonial français en Indochine, voire la soutiennent. C’est en deux temps que la France s’assure la maîtrise de la péninsule. D’abord, de 1858 à 1867, la Marine de Napoléon III conquiert le sud du territoire du Vietnam, dénommé Cochinchine, et étend son influence sur le royaume du Cambodge, contrôlant ainsi le bassin inférieur du Mékong. Puis, de 1873 à 1897, poursuivant l’action du Second Empire, la IIIe République, sensible aux lobbys commerciaux, à l’idée de grandeur et à la « mission civilisatrice » de la France, envoie un corps expéditionnaire conquérir et pacifier l’Annam et le Tonkin – soit le reste du Vietnam – où elle doit affronter la Chine sur terre et sur mer. La constitution de ce vaste espace, appelé dès 1887 « Union indochinoise », composé d’une colonie, la Cochinchine, et de trois protectorats, le Cambodge, l’Annam et le Tonkin, est officiellement achevée avec la mise sous protectorat des principautés laotiennes en 1893 puis la rétrocession de plusieurs territoires par le Siam au Cambodge et au Laos en 1907. Mais il faut attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que cette région soit véritablement « pacifiée ».

3. Au cœur de la colonie indochinoise de 1897 à 1939

La colonie indochinoise, « perle de l’Empire », inspire exotisme et rêves d’abondance aux Français de l’Entre deux-guerres. La « mise en valeur » économique, initiée à la fin du XIXe siècle, sous l’impulsion de la Banque de l’Indochine et sous le contrôle de l’Etat colonial, dote le territoire d’un réseau ferré, de routes et d’autres infrastructures. Quelques industries se sont implantées, les surfaces cultivées se sont étendues et l’exploitation des ressources minières s’est développée. Les pouvoirs sont concentrés entre les mains des représentants de la France et les anciennes structures royales sont devenues un simple décor du pouvoir colonial. La « mission civilisatrice » de la France légitime sa domination et justifie l’inégalité entre Européens et « indigènes ». Colonie d’exploitation, l’Indochine ne compte que 20 000 Français dans les années 1910, les trois-quarts d’entre eux habitant dans les centres urbains de Saigon-Cholon et de Hanoï. Les administrations et l’armée sont, de ce fait, largement composées « d’indigènes » mais les postes d’encadrement sont aux mains des Français d’Indochine. Le gouverneur général Albert Sarraut (1911-1913 et 1916-1919) répond aux troubles, réprimés par la police et l’armée, en instaurant une nouvelle politique d’association des élites au pouvoir colonial. Il tente de réformer les institutions et développe l’instruction publique. Mais cette politique ne parvient pas à s’imposer et, surtout, elle ne s’accompagne pas d’une véritable ouverture. Or, le visage de l’Indochine est en train de changer au lendemain de la Première Guerre mondiale. Les anciennes élites mandarinales disparaissent, tandis qu’émerge une bourgeoisie vietnamienne et chinoise composée de négociants et de propriétaires fonciers, ainsi qu’une nouvelle intelligentsia formée en France et dans les écoles de l’Union. Cette jeunesse intellectuelle embrasse le nationalisme radical puis, dans les années 1930, le communisme qui appuie par ailleurs son action sur le mécontentement du monde paysan, déstructuré par les mutations économiques, et sur le malaise des ouvriers, amplifiés après la Grande Dépression de 1929.

4. Déclin et fin de l’empire français en extrême-orient de 1940 à 1956

Après la défaite française de 1940, l’Indochine, qui a pris le parti de Vichy, s’engage dans la collaboration avec le Japon qui garantit à son administration la souveraineté en échange de l’installation de bases militaires. Mais le 9 mars 1945, le Japon prend le contrôle de la péninsule. Quelques mois plus tard, au Vietnam, après l’annonce de la capitulation du Japon et l’abdication de l’empereur Bao Dai, le Vietminh prend le pouvoir et, le 2 septembre, proclame l’indépendance de la République démocratique du Vietnam (RDV). Dans une Indochine placée pour le désarmement des Japonais sous la responsabilité des Britanniques au Sud et des Chinois au Nord, la France envoie un corps expéditionnaire restaurer sa souveraineté, tout en menant avec Ho Chi Minh, jusqu’en 1946, des négociations qui échouent et débouchent sur une guerre coloniale. L’avènement de la République populaire de Chine, en octobre 1949, bouleverse l’équilibre des forces en présence. Le Vietminh reçoit en effet une importante aide matérielle qui lui permet de prendre l’initiative et force l’armée française, après la défaite de Cao-Bang en octobre 1950, à abandonner les régions frontalières avec la Chine et à se replier autour du delta du Tonkin. Intégré dans la logique d’affrontement des blocs, le conflit s’internationalise. La IVe République obtient une importante aide militaire des Etats-Unis et met en place, face à la RDV, les Etats associés du Vietnam, du Cambodge et du Laos, tout en développant leurs armées nationales. Face au corps expéditionnaire, l’Armée populaire du Vietnam est soutenue par une population en partie acquise à sa cause et elle possède dorénavant les moyens de mener des opérations de grande envergure. En France, où l’opinion publique est partagée entre indifférence et hostilité à la poursuite de la guerre, les dirigeants cherchent une sortie « honorable » au conflit. C’est paradoxalement la défaite de Dien-Bien-Phu, le 7 mai 1954, qui dénoue la situation, au moment où s’ouvre à Genève une conférence internationale sur les questions coréenne et indochinoise. Le 21 juillet 1954, Pierre Mendès France y signe les accords qui établissent un cessez-le-feu et mettent fin à la guerre par une nouvelle partition nord-sud du pays. La fin de la présence française en Indochine est annoncée.