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“Angkor, naissance d'un mythe” Louis Delaporte et le Cambodge
au Musée Guimet, Paris

du 16 octobre 2013 au 13 janvier 2014



www.guimet.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 15 octobre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Restitution d’une tour à visages du temple du Bayon au musée indochinois du Trocadéro. Tirage à l’albumine sur papier, c.1910. Archives photographiques du musée national des arts asiatiques-Guimet. © D.
2/  Moulage d’un tympan de porte du pavillon d’angle sud-ouest d’Angkor Vat (première moitié XIIe siècle) : Krisna attaché au mortier (détail), Fin XIXe siècle. H. 137 cm - L. 273 - P. 12 cm. Plâtre patiné, montage filasse sur armature de bois. MO 3C.13 © D. R.
3/  Vue idéale, en coupe, d’un pavillon d’angle du temple du Bayon (détail). Louis Delaporte et Henri Devérin,1891. Mine graphite, encre noire, encre brune, aquarelle et rehauts dorés sur papier vélin. Musée national des arts asiatiques-Guimet, MG 26656. © D. R.

 

extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat général de l’exposition :

Olivier de Bernon, directeur de recherches à l’EFEO


Commissariat :

Pierre Baptiste, conservateur en chef du patrimoine en charge des collections d’Asie du Sud-Est

Thierry Zéphir, ingénieur d’études


C’est autour de la figure emblématique de Louis Delaporte (1842-1925), que le musée national des arts asiatiques-Guimet se propose d’aborder les premiers temps de la « redécouverte » des monuments d’Angkor et, plus généralement, du patrimoine du Cambodge. Réunissant environ 250 oeuvres – dessins aquarellés, plans, photographies anciennes, moulages, sculptures originales, dont certains prêts exceptionnels et inédits en provenance des musées nationaux d’Angkor et de Phnom Penh –, Angkor. Naissance d’un mythe - Louis Delaporte et le Cambodge plongera le visiteur dans une évocation du Cambodge de la fin du XIXe siècle et du regard que lui porte alors l’Europe et particulièrement la France, notamment dans le cadre spectaculaire des Expositions universelles et coloniales.

Les circonstances de la Mission d’exploration du Mékong de 1866-1868, conduite par Ernest Doudart de Lagrée et Francis Garnier, puis les missions dirigées par Louis Delaporte, suivies de son travail de conservateur – en France – au musée khmer de Compiègne (1874-1878), à l’Exposition universelle de 1878 et au musée indochinois du Trocadéro (1884-1924), apparaissent comme autant d’étapes durant lesquelles le savant conservera le même esprit curieux, ouvert et admiratif, en un temps où la condescendance envers les peuples colonisés restait le plus souvent de règle.

Organisée dans les salles d’exposition temporaire du musée et dans les galeries khmères du rez-de-chaussée, cette manifestation présentera, pour la première fois depuis 1927, d’impressionnants exemples de sculptures et de bas-reliefs moulés à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, jadis exposés dans les galeries du musée indochinois du Trocadéro, tous ayant récemment bénéficié d’une complète restauration. De même, une sélection de vues idéales des monuments du Cambodge, ainsi qu’un vaste ensemble de documents réalisés par Louis Delaporte et son entourage, complèteront la présentation.

À ces oeuvres conservées au musée national des arts asiatiques-Guimet s’ajouteront des prêts du musée Rodin, du musée des années Trente, du musée national d’Art moderne ainsi que de diverses collections privées. Pour la première fois, une analyse critique, rigoureuse et documentée, permettra de distinguer, dans cet ensemble, les éléments fidèles à l’original de ceux relevant du fantasme.

Enfin, et afin d’inscrire l’œuvre de Louis Delaporte dans le contexte plus large des études khmères actuelles (recherches archéologiques contemporaines, fonds documentaires récemment redécouverts,…), des prêts importants d’institutions patrimoniales du royaume du Cambodge (musée national de Cambodge, Phnom Penh, musée national d’Angkor, Siem Reap) évoqueront des sites majeurs de l’art khmer.



Introduction : Le Cambodge et la France au milieu du XIXe siècle

La mission d’exploration du Mékong dirigée par Ernest Doudart de Lagrée (1823-1868)

et Francis Garnier (1839-1873) peut être considérée comme l’acte fondateur des études françaises au Cambodge. À cette occasion Louis Delaporte – dont la personnalité sera évoquée en introduction – découvre Angkor ; le choc esthétique qu’il éprouve en visitant ces ruines scelle son destin. Attaché à la mission en tant que dessinateur, il rapporte les premières visions des monuments khmers. Cette introduction à l’exposition est illustrée par un ensemble de documents et d’œuvres conservés par la descendance de Louis Delaporte, ainsi que par les prestigieuses publications qui furent établies à l’issue de la mission, les photographies originales d’Émile Gsell (1838-1879) et les dessins des monuments d’Angkor que Delaporte réalisa pour ses diverses publications ultérieures.

Louis Delaporte explorateur : des trésors d’art redécouverts

Les deux missions dirigées en 1873 et en 1881-1882 par Louis Delaporte sont évoquées dans cette partie de l’exposition par un ensemble d’oeuvres originales rapportées en France avec les photographies, relevés et moulages qui lui permettront d’élaborer son grand projet de « faire entrer l’art khmer aux musées ». Ces documents, pour l’essentiel inédits, témoignent de l’oeil particulièrement avisé de Louis Delaporte dans un domaine pourtant alors totalement méconnu. Redécouvert récemment dans les archives familiales, le carnet de voyage personnel de l’explorateur apporte un éclairage neuf sur la mission de 1873.

Louis Delaporte conservateur : « l’art khmer aux musées »

Dans cette seconde partie de l’exposition, la geste muséographique de Louis Delaporte est évoquée, du musée khmer de Compiègne (1875-1878) à l’Exposition universelle de 1878 suivie par la création du musée indochinois du Trocadéro (1881-1936). La présentation de l’art khmer au palais du Trocadéro en 1878 est replacée dans le contexte plus général de la curiosité suscitée à cette époque par les différentes régions de l’empire colonial français. Loin du regard condescendant ou superficiel alors porté sur les civilisations lointaines et « exotiques », la démarche de Louis Delaporte s’inscrit dans une perspective de compréhension objective des monuments et dans une appréciation d’esthète éclairé sensible aux qualités de la sculpture khmère « dont la place était toute marquée à côté de celles de l’Égypte et de l’Assyrie ». Des heures de gloire d’une institution qui avait marqué ses contemporains - les frères Goncourt, Rodin, Léon Bakst – à la dispersion des collections à partir de 1927, cette section de l’exposition se poursuit par l’évocation des multiples « pavillons du Cambodge » édifiés à la faveur des Expositions universelles et coloniales de 1889 à 1931. En effet, de 1889 à 1931, les collections de moulages du musée indochinois du Trocadéro ont constitué un vivier d’images et de formes dans lequel artistes et architectes vont puiser pour évoquer le Cambodge à Paris. En 1889, sur l’Esplanade des invalides est érigée la première « pagode d’Angkor Vat » qui figure au premier plan de la section coloniale. Encore très éloignée du modèle original, elle a toutefois reçu des décors qui sont des surmoulages de certaines pièces du musée de Louis Delaporte. En 1900, ce sont les sculptures originales rapportées par l’explorateur qui sont utilisées, sous forme de moulage, dans la composition du pavillon du Cambodge de l’Exposition universelle qui se développe dans les jardins du Trocadéro. Mais c’est à Marseille, lors de l’Exposition coloniale de 1906, que les moulages du musée indochinois donnent naissance au très suggestif pavillon du Cambodge, édifié par l’architecte Henri Vildieu, rappelant la tour du Bayon restituée dans le musée parisien. Toutefois, c’est évidemment dans la reconstitution de la partie centrale d’Angkor Vat, réalisée une première fois à Marseille en 1922 puis reconstruite et agrandie à Paris pour l’Exposition coloniale de 1931, que les collections de moulages réunies par Delaporte trouvent leur plus spectaculaire mise en valeur. Cette section se conclut sur le destin brisé d’un musée qui disparaît en 1936.

Louis Delaporte scientifique : des hypothèses de l’explorateur à la recherche contemporaine

Reconnaissant lui-même qu’il n’était pas « un scientifique », Louis Delaporte a, très tôt, souffert des critiques de ses contemporains pour son inexpérience dans les domaines de la linguistique et de la philologie. Avec le temps, ces critiques ont fini par masquer sa contribution très réelle à la connaissance des monuments du Cambodge. L’objet de cette troisième partie de l’exposition est de réhabiliter l’oeuvre d’un homme trop souvent réduit à la figure d’un « nouveau Lord Elgin ». En s’appuyant sur l’évocation de cinq sites majeurs - Koh Ker, Beng Mealea, Preah Khan de Kompong Svay, Angkor Thom, le Bayon - visités par Louis Delaporte et ses collaborateurs lors de leurs différentes missions, on comprendra ici, à la lumière des travaux les plus récents, combien son approche descriptive était loin d’être superficielle. Les contributions de certains des meilleurs chercheurs internationaux sur ces questions souligneront la pertinence de son regard de pionnier.

Koh Ker (2e quart Xe siècle)

La mission Delaporte visite ce site excentré en 1873 et en rapporte originaux et descriptions qui nourriront longtemps les études consacrées à cette capitale éphémère du Cambodge au Xe siècle.

Beng Mealea (milieu XIIe siècle)

Les oeuvres rapportées par Louis Delaporte du site de Beng Mealea témoignent de son intérêt pour le décor architectural de ce vaste temple énigmatique. Des découvertes plus tardives au sein de ce complexe permettent de mieux comprendre dans quel contexte le bouddhisme du Grand Véhicule a pu se développer pour devenir religion d’état à la fin du XIIe siècle.

Preah Khan de Kompong Svay (3e quart XIIe siècle)

Visité à diverses reprises par Louis Delaporte et ses émissaires, ce monument alors admirablement préservé a subi, dans les années 1990, des dégradations considérables et irréparables. Les descriptions et les oeuvres conservées au musée national des arts asiatiques-Guimet et au musée national du Cambodge rendent aujourd’hui justice à un monument d’une singulière richesse et d’une grande beauté.

Angkor Thom et le Bayon (fin XIIe – début XIIIe siècle)

En une sorte de vision étonnamment fidèle à ce que les fouilles les plus récentes nous apprennent sur Angkor Thom, Louis Delaporte aime à évoquer la capitale de l’empire khmer telle une Venise orientale parcourue de canaux où circulent de somptueuses embarcations. Son étude des principaux monuments de la ville témoigne, par ailleurs, d’un souci d’exactitude que reflètent ses nombreux dessins, ses plans très rigoureux, ses élévations précises et ses moulages évocateurs.