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“La cime du rêve” Les surréalistes et Victor Hugo
à la Maison Victor Hugo, Paris

du 17 octobre 2013 au 16 février 2014



www.maisonsvictorhugo.paris.fr/

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 16 octobre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Victor Hugo, Château fort, 1854, Plume et lavis d’encre brune, pierre noire, gouache et utilisation d’un pochoir, MVH, © Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet.
2/  Victor Hugo, Brise-lames à Jersey, 1852-1855, encre brune et noire, pierre noire, fusain, parties frottées et vernies, MVH, © Maisons de Victor Hugo / Roger-Viollet.
3/  Oscar Dominguez, Décalcomanie, 1935, Berlin, Musées d’État de Berlin, Galerie nationale, collection Scharf-Gerstenberg, © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Jörg P. Anders 

 

extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires :

Vincent Gille, 

assisté d’Alexandrine Achille, Chargés d’Etudes documentaires à la Maison de Victor Hugo



Au long d’un cheminement thématique – les châteaux, l’amour, la nuit, la mer, la forêt, le ciel, le bestiaire mais aussi l’empreinte, le pochoir, la tache, le rébus – l’exposition La Cime du rêve juxtapose, de façon inédite, une cinquantaine de dessins de Hugo et des oeuvres majeures de Max Ernst, André Masson, Yves Tanguy, Francis Picabia, René Magritte, Unica Zûrn, Brassaï, Hans Bellmer, Oscar Dominguez, Marcel Jean, Robert Desnos, Toyen, Wifredo Lam, Georges Malkine…

En incluant Victor Hugo, dans le Manifeste du surréalisme, en 1924, parmi les poètes « qui pourraient passer pour surréalistes » André Breton assortit son jugement d’une réserve : « Hugo est surréaliste quand il n’est pas bête ». Cette ambivalence caractérise bien la présence de Victor Hugo au sein du surréalisme naissant : son ombre est là, mais voilée, notamment par les deux grands soleils que sont Rimbaud et Lautréamont – qui ont tous deux salué en Victor Hugo un voyant.

Le Hugo des années 1920 n’est pas, loin s’en faut, le Hugo consensuel qu’il est devenu aujourd’hui. C’est, d’un côté, un Hugo bien-pensant, un Hugo de manuels scolaires et de récitations, un Hugo statufié. C’est, d’un autre côté, un Hugo vilipendé par l’université pour sa fatuité, pour son côté verbeux, pour sa bêtise en somme, et honni tant par l’extrême gauche que par la droite extrême, maurrassienne. Les jeunes poètes surréalistes ne peuvent accepter l’homme de lettres, la figure du « Père Hugo », le gisant du Panthéon. Ils refusent également pour eux-mêmes le réemploi des formes classiques de la poésie dont Hugo a été et reste le champion. Mais ils ont lu tout Victor Hugo et ont compris qu’il débordait largement du cadre, qu’il avait élargi le champ de la poésie aux frontières de l’invisible et du rêve. Et comme ils l’ont fait pour le romantisme, le surréalisme aura grandement contribué à sortir Victor Hugo de l’ombre et à mettre au jour tout un pan de son oeuvre méconnue ou rejetée.

Sans aucunement chercher à tenir Victor Hugo pour un surréaliste avant la lettre, l’exposition s’attache donc à rechercher les points de contact, les affinités avouées ou non, revendiquées ou pas entre l’un et les autres. Elle le fera sur un plan littéraire – les jeux de mots, la question de la rime… –, mais plus particulièrement, sur le plan plastique. Car Hugo a utilisé dans ses dessins des techniques extra-picturales et ludiques – le frottage, l’empreinte, la tache, la réserve, le grattage, le pochoir … – que nombre de peintres surréalistes reprendront afin, eux aussi, « d’intensifier leurs qualités visionnaires ». Car, au-delà de ces très frappantes proximités formelles, c’est bien sur le terrain sensible que cela se joue : l’un et les autres ont bien puisé à la source de la « Bouche d’ombre ».



Parcours de l’exposition

Au moment où naît le surréalisme, dans le milieu des années 1920, la gloire de Victor Hugo est vacillante. Il est, d’un côté, le poète dont on apprend par coeur, à l’école, quelques poèmes classiques et bien-pensants. Il est, d’un autre côté, quelque peu méprisé par l’université et politiquement vilipendé par l’extrême gauche comme par l’extrême droite. Le placer, ainsi que le fait André Breton en 1924 dans le Manifeste du surréalisme, parmi les ancêtres du surréalisme peut donc sembler, pour un mouvement d’avant-garde, à contre-courant.

De fait, les surréalistes ne s’emparent pas de Hugo sans réserves. Mais, parallèlement à une réévaluation du romantisme, et comme ils le font pour d’autres auteurs (Gérard de Nerval, Rimbaud…), ils vont contribuer à le faire sortir Hugo de l’image convenue dans laquelle il était enfermé, et ce en mettant l’accent sur tout un pan de son oeuvre qui était, jusqu’alors, soit ignoré, soit dénigré : les grands poèmes visionnaires des années d’exil et des recueils posthumes comme Toute la Lyre. On y découvre un Hugo qui placé la liberté, l’amour, le rêve, la vision et l’imagination au coeur de sa démarche poétique. Et c’est ce Hugo-là, visionnaire et lyrique, qu’après Baudelaire et Rimbaud, les surréalistes vont contribuer à révéler.

Il en va de même dans le domaine plastique. Usant, de fait, des mêmes techniques empruntées à des pratiques ludiques – le pochoir, l’empreinte et le frottage, la décalcomanie, la tache –, les peintres surréalistes, au premier rang desquels Max Ernst et André Masson, semblent littéralement marcher sur les traces de Hugo, avec, là encore, le souci visionnaire d’aller chercher la nature au-delà de la nature, le réel au-delà du réel.

Ce sont ces parentés, sensibles tout autant que techniques, que cette exposition voudrait rendre palpables à travers un parcours thématique allant des châteaux à l’amour, des forêts à la nuit, de la question de la rime et de l’image poétique au jeu de mots.