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“Modernités Plurielles” 1905-1970
au Centre Pompidou, Paris

du 23 octobre 2013 au 26 janvier 2015



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, séance de tournage, le 21 octobre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Alfonso-Angel OSSORIO, Red Egg, 20 octobre 1942. Aquarelle et encre de Chine sur papier, collé sur carton, 61,8 x 35 cm. Donation de M. Daniel Cordier en 1989.
2/  Otto DIX, Bildnis der Journalistin Sylvia von Harden (portrait de la journaliste Sylvia von Harden). Huile et tempera sur bois, 121 x 89 cm. © ADAGP, Paris, 2013.
3/  Mahmoud MOKHTAR, Arous el-Nil (La fiancée du Nil), vers 1929. Sculpture, Pierre, 150 x36 x 24 cm. Acquisition en 1930, Domaine Public.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

En 1000 œuvres et 400 artistes, le Centre George Pompidou renouvelle sa collection permanente, l’ouvrant, dans une démarche inédite, à des artistes originaires des cinq continents, pour mieux retracer 70 ans d’histoire de l’art.

Voyage à travers le temps
Et pour ce faire, il a logiquement opté pour un parcours chronologique. Autour de la grande allée centrale, les salles en enfilade abritent désormais des œuvres représentatives des différents mouvements artistiques qui ont traversé le XXe siècle. Si l’on reconnaît immédiatement certains d’entre eux, les plus marquants et les plus célèbres, comme le primitivisme coloré, le futurisme avec sa glorification de la machine ou encore l’art déco et ses traits stylisés et anguleux, d’autres, plus confidentiels, constituent de véritables découvertes, tels le totémisme. Parfois, c’est un artiste, souvent peu connu du grand public, qui occupe l’espace à lui tout seul, comme le peintre surréaliste chilien Roberto Matta, dont les deux toiles monumentales, L’étang de No (1958) et Les puissances du désordre (1964-1965) étalent le chaos indescriptible de leurs couleurs sur les deux murs de la salle lui étant consacrée. Remises dans leur contexte historique et artistique, ces parenthèses dans le parcours fonctionnent alors comme des gros plans sur un courant particulier d’un mouvement et viennent harmonieusement rompre le rythme de la visite. Scandée par la présentation de revues d’art venues du monde entier, l’exposition alterne grandes peintures et mosaïques de dessins ou d’esquisses occupant tout un pan du mur. Des icônes dans la plus pure tradition russe côtoient ainsi les toiles primitivistes, quand les différents manifestes futuristes justifient les œuvres de leurs signataires. Longue et dense, la nouvelle collection du Centre Pompidou a donc d’abord pour ambition de montrer l’incroyable et étonnante diversité de l’art moderne.

Volonté d’élargissement
Car l’exposition ne se contente pas de présenter ici uniquement de la peinture ou de la sculpture, puisque la photographie, le support audiovisuel, le design et même l’architecture occupent aussi une place prépondérante, et ce dans une perspective mondiale. Ainsi, quand la reproduction de la Maquette de Monument de la Troisième Internationale (1919) de Vladimir Tatline s’enroule dans ses spirales de bois et de métal, les plans pour l’urbanisation de l’Inde, à 30 ans de distance, dévoilent des bâtiments anguleux aux formes octogonales encore inspirés des traditions ancestrales. Aux côtés de figures emblématiques et prestigieuses de l’art moderne telles Marc Chagall, Man Ray ou Jackson Pollock, l’on découvre des noms aux sons encore exotiques originaires des quatre coins du monde, liés à des œuvres inédites parfois profondément surprenante, comme ces deux toiles de Géra datant de 1982, ce thérapeute africain, qui se découpent en carrés remplis de formes géométriques aux couleurs éclatantes rappelant les rituels chamaniques. L’exposition révèle alors l’influence que les différents courants artistiques ont pu exercer les uns sur les autres. Peintres et sculpteurs occidentaux se nourrissent des arts africains dont ils adoptent les formes et les couleurs, les artistes d’Amérique latine puisent dans le quotidien des indigènes et reproduisent leurs visages burinés et leurs vêtements bariolés (indigénisme), et quand Zao Wou-Ki adapte la peinture traditionnelle chinoise à l’abstraction, paysages et écriture se diluent, comme rincés par la pluie (Vent, 1954). Colorée et joyeuse, parfois insolite – ce véritable cabinet de curiosités africaines et polynésiennes reconstitué au sein de la salle consacrée aux surréalistes le prouve assez bien –, d’une richesse incomparable, l’exposition dresse le panorama d’un art moderne international foisonnant et remet en lumière des figures et des courants injustement oubliés.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Catherine Grenier, directrice adjointe au musée national d’art moderne et commissaire générale de Modernités Plurielles

commissaires associés :

Cécile Debray, conservatrice au musée national d’art moderne

Michel Gauthier, conservateur au musée national d’art moderne

Aurélien Lemonier, conservateur au musée national d’art moderne

Clément Cheroux, conservateur au musée national d’art moderne, chef du cabinet de la photographie


À travers un nouvel accrochage de ses collections, le Centre Pompidou présente une nouvelle géographie de l’art moderne de 1905 à 1970. Ce parcours rassemble une sélection exceptionnelle de plus de 1 000 oeuvres de 400 artistes représentant 47 pays, dans tous les champs de la création : arts plastiques, photographie, cinéma, architecture, design...

En substituant à la perspective habituelle, linéaire et centrée autour des mouvements européens, une histoire, cette fois déployée et prenant en compte les marges et les périphéries, ce nouveau parcours à travers les collections dévoile une cartographie des connexions, des influences croisées mais aussi des résistances qui traversent toute l’aventure de l’art moderne.

Fruit des recherches menées par une équipe de conservateurs et de chercheurs dirigée par Catherine Grenier, directrice adjointe du mnam / cci chargée de la recherche et de la mondialisation, « Modernités Plurielles » puise dans les richesses parfois insoupçonnées de la collection du Centre Pompidou pour présenter une relecture de l’histoire de l’art moderne. Mondiale et ouverte, cette présentation orchestre des rencontres sans précédent entre les chefs-d’oeuvre parmi les plus célèbres de la collection - de Matisse à Foujita, de Mondrian à Frida Kahlo, de Picasso à Kupka - et un grand nombre d’oeuvres inédites : nouvelles acquisitions, dons ou oeuvres remises en lumière à cette occasion.

Cette lecture enrichie de l’histoire de l’art, en s’ouvrant à de nombreux pays du monde, plonge le visiteur au coeur de la diversité exceptionnelle des formes artistiques du XXe siècle. Par une présentation nourrie de références contextuelles, «Modernités Plurielles » rappelle la diversité des expériences et des mondes artistiques revendiquée par les modernes. L’intérêt manifesté par les artistes pour les arts non-occidentaux, pour les arts populaires, ou encore pour la vie moderne et les arts appliqués est ainsi restitué dans plusieurs sections du parcours.

Cette exposition révèle la richesse de la collection du Centre Pompidou, au premier rang mondial pour sa qualité, mais aussi, on le sait moins, la première en nombre de pays et d’artistes représentés. Ainsi des oeuvres des pionniers encore méconnus de la modernité américaine (Morgan Russell, Stanton McDonald-Wright, Patrick H. Bruce), de l’Amérique Latine (Emiliano Di Cavalcanti, Vicente do Rego Monteiro, Julia Codesido), d’Afrique (Irma Stern, Ernest Mancoba, Baya, Marcel Gotene), du Moyen Orient (Mahmoud Mokhtar, Bejat Sadr), et d’Asie (San Yu, Yun Gee), comme les oeuvres de l’architecte indien Raj Rewal, seront dévoilées pour la première fois.

Cette histoire de l’art plurielle convoque un nombre accru de femmes artistes dont l’oeuvre avait été jusque là oubliée ou minorée. Aux côtés des figures reconnues, comme Natalia Gontcharova, Sonia Delaunay, Frida Kahlo, Tamara de Lempicka, Alicia Penalba, figurent aussi des artistes comme Maria Blanchard, Chana Orloff, Pan Yuliang, Baya ou Huguette Caland, jamais ou rarement montrées.

L’exceptionnel fonds documentaire de la Bibliothèque Kandinsky est mis à contribution pour conduire ce parcours à travers les modernités. Des revues d’art de tous les continents sont associées à la présentation des oeuvres et éclairent la visite.



Parcours de l’exposition

Une histoire de l’art mondiale

« Modernités plurielles » est une exposition-manifeste, proposant une vision de l’art moderne renouvelée et élargie. Puisant dans les richesses de sa collection, le Centre Pompidou présente pour la première fois une histoire de l’art dans une perspective mondiale. Au travers d’un parcours de plus de 1 000 oeuvres, avec 400 artistes et 47 pays représentés, cette relecture enrichie de l’histoire de l’art nous dévoile la diversité exceptionnelle des formes artistiques créées de 1905 à 1970.


Ouverte aux différents pays du monde comme à des esthétiques très variées, « Modernités plurielles » illustre les rapports complexes et dynamiques entre universalité et culture vernaculaire, pureté et hybridité, qui traversent toute l’aventure de l’art moderne. Contextuelle, l’exposition resitue les grands maîtres des avant-gardes au sein des réseaux d’échanges et d’émulation artistiques caractéristiques de cette période de remise en cause et d’inventions foisonnantes. Transdisciplinaire, elle montre les croisements et les confluences entre les différents arts : arts plastiques, photographie, cinéma, architecture, design... Elle fait apparaître aussi l’interaction de l’art moderne avec les pratiques traditionnelles et les expressions non-artistiques. Elle revisite les principaux mouvements, comme les constellations esthétiques plus diffuses. Ainsi, la première et la seconde école de Paris, ces deux moments privilégiés, avant et après-guerre, de la vie artistique cosmopolite parisienne, sont reconsidérées dans toute leur diversité. Attentive aux différentes expériences vécues par les artistes dans les pays occidentaux et non-occidentaux, l’exposition tresse une histoire commune, tout en proposant les repères historiques propres à chaque contexte artistique. Pour cela, un principe nouveau de présentation a été adopté, fondé sur une très large documentation composée de revues d’art du monde entier, disposée à proximité des oeuvres.


Adoptant une perspective historique, l’exposition suit un principe chronologique. Mais elle témoigne aussi des temporalités ouvertes et discontinues que génèrent les échanges et les processus de réaction des artistes aux propositions formulées par les avant-gardes. En confrontant la perspective canonique d’une succession linéaire des mouvements artistiques à une histoire tracée à partir des marges et des périphéries, elle substitue à l’histoire des influences une cartographie des connexions, des transferts, mais aussi des résistances. Organisées comme des micro-expositions, les différentes sections retracent la fortune internationale de certaines impulsions modernistes, comme l’expressionnisme, le futurisme, le constructivisme, les abstractions. Mais une place est aussi faite aux mouvements locaux nés en lien ou en réaction à ces impulsions. S’agissant des années 1950-1970, l’exposition met en lumière des thématiques transversales, comme le « totémisme » ou l’« art brut », ainsi que les constellations mondiales qui se développent autour de certains flux esthétiques – les abstractions construites et informelles, le cinétisme, l’art conceptuel.

Un spectre esthétique élargi

Les modernités ne sont pas unifiées mais plurielles. Au-delà de l’élargissement international qui caractérise l’exposition, celle-ci propose aussi un panorama plus ouvert des formes de la création esthétique. Sont ainsi considérées des esthétiques jusqu’alors peu représentées ou sous-estimées. Une large section est notamment consacrée à la présentation de la pluralité des réalismes des années 1920-1940. Ainsi, l’exposition présente les réalismes qui se sont développés dans les pays latino américains, avec le mouvement brésilien de l’anthropophagie et les courants « indigénistes ». Elle montre la diversité du courant Art déco, l’un des plus internationaux qui soient et qui voit l’émergence de nombreuses femmes artistes. Des salles sont dédiées aux réalismes sociaux et à l’art antifasciste. La mouvance du « réalisme magique » et ses échos internationaux sont représentés aux côtés du surréalisme international, promu par la figure fédératrice d’André Breton. Sur un autre registre, plusieurs oeuvres emblématiques de l’art naïf et de l’art brut sont insérées dans le parcours. Enfin, l’intérêt manifesté par les artistes pour les arts non occidentaux, pour les arts populaires, ou encore pour la vie moderne et les arts appliqués, est restitué dans plusieurs sections qui reconstituent ce « regard élargi » caractéristique de la période moderne. Attirant des artistes du monde entier venant se former ou en exil, la scène artistique française a été particulièrement cosmopolite jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Les formes qui s’y sont développées sont très diverses : expressionnisme, primitivisme, cubisme, futurisme, abstractions, réalismes se sont côtoyés dans les ateliers de Montmartre et de Montparnasse. Les années 1950-1970 ont, de même, connu un afflux très important d’artistes des diverses régions du monde et une mixité esthétique similaire. La collection du Centre Pompidou conserve le témoignage de cette histoire riche et complexe. Elle comprend aussi de nombreuses oeuvres de scènes artistiques jusqu’alors demeurées dans l’ombre. L’exposition s’attache à montrer la diversité internationale des mouvements les plus connus, comme à proposer des redécouvertes. Elle fait une large place aux scènes artistiques de l’Europe centrale, représentées à la fois par les artistes qui ont résidé en France et par ceux qui ont participé au développement des scènes locales. La contribution de ces artistes au constructivisme, comme plus tard à l’art conceptuel, est mise en avant. L’accent est mis sur des artistes de pays européens parfois négligés, comme l’Espagne, le Portugal ou les pays scandinaves. Les artistes asiatiques, en particulier chinois et japonais, font l’objet d’une attention particulière. L’exposition éclaire aussi la production artistique des artistes du Maghreb et du Moyen-Orient, dont un ensemble d’œuvres conséquent, complété d’acquisitions récentes, est présenté dans différentes sections transnationales, notamment celle consacrée aux développements des abstractions dans les années 1950-1970. Pour la même période, s’agissant de l’Afrique, le Musée présente pour la première fois une salle évoquant les différentes expressions artistiques qui se sont développées sur ce continent et dont l’histoire documentée reste encore à écrire.

Des avant-gardes internationales

La volonté de proposer un langage universel, l’importance donnée aux dynamiques collectives, le développement de réseaux transnationaux ont favorisé la diffusion internationale des grandes impulsions modernistes. L’expressionnisme, le cubisme, le futurisme, le constructivisme, le dadaïsme, les abstractions, comme ensuite les réalismes et le surréalisme, ont eu des échos et engendré des débats dans le monde entier. La mondialisation artistique connaît un développement inédit durant les années 1910-1940. L’intensification de la circulation des informations, favorisée notamment par la création de myriades de revues, les voyages accomplis par les artistes, les migrations dues aux contextes sociaux et politiques, ont un impact prépondérant sur la création. Des « passeurs », artistes, intellectuels, écrivains, propagent l’esprit moderne à travers le monde. Les diverses propositions artistiques se répercutent au travers des pays et des cultures, en créant des situations locales originales. Celles-ci manifestent souvent une volonté de synthèse entre les différentes esthétiques, comme entre un langage universel et des composantes identitaires et vernaculaires locales.