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“Le surréalisme et l’objet” article 1149
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Légendes de gauche à droite :
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texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt. Avec plus de 200 œuvres, réalisées par quarante-trois artistes, parmi lesquels on retrouve les incontournables Marcel Duchamp, René Magritte et Man Ray, le Centre George Pompidou rappelle l’histoire de l’objet surréaliste, nouveau vecteur d’une poésie étrange et subversive. Fantasmagories C’est dans une semi-obscurité, cette même semi-obscurité qui caractérisait les expositions surréalistes des années 1930, que l’on découvre ces objets du quotidien aux silhouettes parfois insolites. Suspendus au plafond par des fils (le fameux Porte-bouteilles de Marcel Duchamp et ses pointes acérées, 1914), enfermés dans des cubes de verre qui instaurent une forme de distanciation ou au contraire offerts directement aux spectateurs, seuls ou faisant partie d’un tout hétéroclite, ils transforment l’exposition en véritable cabinet de curiosité. Si le parcours se veut chronologique, il s’articule autour d’une longue allée centrale investie par des artistes contemporains qui ont répondu à leur façon aux œuvres et aux démarches surréalistes, elles-mêmes présentes dans les salles adjacentes consacrées entre autres à de grandes figures du mouvement, Hans Bellmer et Alberto Giacometti notamment. Cette profusion d’objets exposés tels quels ou détournés, de sculptures résultant d’extravagants assemblages, comme ce Soulier de Gala de Dalí (1931) où une chaussure rouge sang accueille bougeoir et boîtes d’allumettes, et de photographies qui transforment la réalité en abstraction grâce à l’association de plusieurs éléments (Champs délicieux, Man Ray, 1922), recrée ainsi un monde à la fois familier et pourtant profondément troublant. Car l’angoisse, le malaise s’insinuent parfois devant la vision de ces mannequins, fil rouge de l’exposition, aux membres tordus et aux sourires figés et inquiétants (Fear of Mannequins, Paul McCarthy, 1971, et Sex Picture Series, Cindy Sherman, 1992). L’objet surréaliste élabore une poésie qui part du réel pour mieux le bouleverser. Chahuter les normes Comme tout procédé artistique, l’utilisation de l’objet du quotidien est vouée à évoluer dans le temps et les pratiques. Les premiers « ready-made » de Marcel Duchamp témoignent déjà de la radicalisation du surréalisme qui se dresse surtout contre la fétichisation et la vision idéalisée de l’œuvre d’art. Ses peignes et bobines de laiton, les sacs et fers à repasser de Man Ray (Cadeau, 1921) sont œuvres parce que leurs « créateurs » ont en décidé ainsi. C’est donc d’abord le regard de l’artiste qui transforme l’objet et lui donne une valeur inédite. Puis ce dernier se détache peu à peu de sa forme première pour s’inscrire dans un ensemble hétéroclite et abstrait qui sollicite l’imagination. Les Objets à fonctionnement symbolique imaginés par Dalí et André Breton constituent alors de véritables compositions auxquelles nulle réflexion ne semble avoir présidé, si ce n’est l’intérêt pour leurs structures et leurs couleurs. Plus tard, Alexander Calder puis Joan Miró vont pousser la démarche plus loin en élaborant des sculptures où l’objet, dépouillé de toute signification, fonctionne comme l’élément, le matériau de base permettant la construction. Les étapes du parcours dévolues aux expositions organisées dans les années 1930 autour du surréalisme démontrent enfin l’importance croissante de l’influence que l’art primitif a pu exercer sur lui, à commencer par celle de la galerie Charles Ratton, en mai 1936. Aux côtés de masques et statuettes à dimension sacrée, se retrouvent des parodies d’œuvres d’art célèbres, telle cette Vénus de Milo aux tiroirs, réalisée par Dalí, qui prouvent encore, si besoin était, que le surréalisme est surtout profondément irrévérencieux. Prendre l’objet et le déclarer « art », choquer en bousculant les normes plastiques occidentales, c’est redéfinir le réel et l’investir de poésie. Audrey Parvais
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extrait du communiqué de presse :
Commissariat :
Avec «Le Surréalisme et l’objet», première exposition d’ampleur consacrée aux pratiques sculpturales du Surréalisme, le Centre Pompidou invite le visiteur à renouveler son approche d’un mouvement majeur des avant-gardes du XXe siècle, au moment où son importance historique ne cesse d’être réévaluée tandis que s’affirme son influence sur la création actuelle. Du premier ready-made de Marcel Duchamp, le fameux « porte-bouteille » de 1914, aux sculptures de Miró de la fin des années 1960, l’exposition retrace, à travers ses différentes étapes, l’histoire de la « mise au défi » surréaliste de la sculpture par le recours à l’objet quotidien. Didier Ottinger, commissaire de l’exposition, directeur adjoint du musée national d’art moderne, pose un nouveau regard sur le mouvement surréaliste en développant l’hypothèse selon laquelle, avec l’adhésion, à partir de 1927, d‘André Breton et des figures les plus influentes du mouvement au « matérialisme dialectique », la promotion de l’objet s’impose pour les Surréalistes comme une réponse possible à un contexte idéologique qui récuse l’appel aux puissances du rêve et de l’inconscient. « Objectivation du rêve », l’objet s’impose à eux comme un agent efficace d’une subversion poétique de la réalité. L‘histoire de l’objet surréaliste s’ouvre avec la « Boule suspendue » (1930-1931) d’Alberto Giacometti. L’évocation de l’ « Exposition surréaliste d’objets » organisée à la galerie Charles Ratton en mai 1936 constitue le point d’orgue de l’exposition. Les sculptures réalisées pendant la Seconde Guerre mondiale par Max Ernst, Alexander Calder ou Pablo Picasso, témoignent de la place que ne cesse plus, dès lors, d’occuper l’objet dans l’art surréaliste, dans une pratique de la sculpture qui s’apparente alors à un art de l’assemblage. À travers plus de 200 oeuvres, dont nombre de chefs-d’oeuvre de Giacometti, Dalí, Calder, Picasso, Miró, Max Ernst ou Man Ray, « Le Surréalisme et l’objet » rend compte des moments-clés de cette réflexion, ainsi que de sa postérité féconde dans l’art contemporain. Extrait du texte du commissaire Par son ambition résolument extra-culturelle, par sa longévité, le surréalisme occupe une place singulière dans l’histoire des avant-gardes du XXè siècle. Davantage qu’à un mouvement artistique voué à la promotion de formes inédites, c’est à une philosophie, à une science d’un nouveau type que s’apparente le mouvement fondé par André Breton. Développant son action sur plus de quatre décennies, le surréalisme n’a cessé de se réinventer, restaurant son énergie originelle en sachant accueillir de nouvelles générations de poètes et d’artistes. Surmontant ses nombreuses crises, il aura su profiter de chacune d’elles pour ouvrir les voies de nouveaux engagements, pour reconsidérer ses grandes options théoriques. En dépit de ses évolutions, qui ont pu parfois le conduire à la palinodie (quant à la nature de son engagement politique, de la relation au « réel »), c’est à la vigilance de son fondateur, André Breton, que le surréalisme a dû de s’être toujours trouvé au centre des débats de son temps. L’affirmation de la liberté imprescriptible de l’artiste, celle d’une création affranchie de tout ordre esthétique ou moral, ont assuré au surréalisme une popularité, une audience que le temps n’a jamais démenties. * André Breton, « Discours au Congrès des écrivains » (Paris, juin 1935),
Pour accompagner l’exposition, plusieurs publications sont éditées par les Éditions du Centre Pompidou : le Dictionnaire de l’objet surréaliste, dictionnaire-catalogue de 384 pages, 203 illustrations et 72 images documentaires, sous la direction de Didier Ottinger, commissaire de l’exposition, publié en coédition avec les Éditions Gallimard ; Surréalisme, collection « Mouvements », une découverte du Surréalisme à travers un parcours chronologique et une sélection des oeuvres majeures du mouvement, par Didier Ottinger ; l’album illustré de l’exposition « le Surréalisme et l’objet », un parcours en images de l’exposition conçu par Emmanuel Guigon, directeur des musées de Besançon ; un album pour le jeune public, Le Surréalisme à l’usage des enfants. |