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“Carole Benzaken” Oui, l’homme est un arbre des champs
à la Galerie Nathalie Obadia - Cloître Saint-Merri, Paris

du 14 novembre 2013 au 11 janvier 2014      (prolongée jusqu'au 25 janvier 2014)



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, le 15 novembre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Carole Benzaken, Magnolias 3, 2013. Encre de chine et crayons de couleurs sur calque inclus dans du verre, 120 x 100 cm. Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
2/  Carole Benzaken, Od drzwi do drzwi (De porte en porte) 3, 2013. Acrylique et huile sur toile, 138 x 230 cm. Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
3/  Carole Benzaken, Porte 3 – Tehilim, 2013. Encre de chine et encre lithographique sur papier BFK Rives, 260 x 122 cm. Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Pour célébrer ses 20 ans, la galerie Nathalie Obadia invite Carole Benzaken, la première artiste qu’elle a exposée, à réinvestir son espace.

Sur de grandes toiles rectangulaires dont le format rappelle l’écran de cinéma sont cadrés des branchages d’arbres, des fragments de forêts. Sans feuillage, ces entrelacs de branches sombres se découpent sur un ciel ou bien semblent se refléter sur une surface d’eau ou de glace. Ces images sont comme extraites d’un film, leur aspect flou annonce l’image suivante sur la pellicule, donne vie et mouvement aux rameaux. Les blancs, les gris, les couleurs presque effacées en touches sèches ou en légères coulures évoquent l’automne, l’hiver, le lichen sur l’écorce.

Sur des plaques de verre, des rameaux entrecroisés se mêlent, bourgeonnent et fleurissent. Plusieurs couches se superposent, chacune faite avec un médium différent: encre de chine, crayon de couleur, pastels aux teintes éclatantes. Parfois l’encre se fait tache, évoquant un test de Rorschach, et nous rappelle que ces fleurs parlent de nous. Les niveaux successifs se brouillent, comme sur une mise au point photographique. Rameaux, pétales, bourgeons appartiennent à des strates distinctes, chacune s’inscrivant dans le temps, dans sa saison. L’image est reconstruite par le feuilletage des matériaux, recomposant une histoire de la plante, le récit de sa floraison.

D’autres fleurs, des tulipes peintes sur des toiles verticales vibrent de leurs couleurs vives. Ici également, la toile est divisée, cette fois-ci en courtes cases. Chacune figure en gros plan un détail délicat: pétale, pistil, tige. Tracés en larges mouvements de brosse, leur aspect révèle en prenant de la distance une remarquable finesse dans le détail. L’agrandissement exagéré place l’image figurative aux limites de la peinture abstraite, lui ouvrant une porte pour nous échapper.

D’imposants rideaux composés de fines bandes suspendues reconstituent un paysage de forêt. Le paysage est patiemment découpé en longs lambeaux, puis les fragments mélangés sont réassemblés en une séquence chaotique. Comme un chutier de pellicule cinématographique abolissant le temps, ces fins rubans sont un code génétique, un message crypté envoyé par la nature. Elle a beau nous offrir sa beauté, nous apporter paix et sérénité, le mystère de son identité reste indéchiffrable.

Le coeur de l’univers, donc de l’homme, puisque c’est bien de nous qu’il s’agit, reste un secret bien gardé et échappe à tous nos efforts d’analyse et de réflexion. Il ne nous reste plus qu’à lâcher prise et à nous abandonner à la contemplation.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter la septième exposition de Carole Benzaken (1993, 1996, 1999, 2002, 2006, 2009) à l’occasion de l’anniversaire des 20 ans de collaboration entre l’artiste et la galerie.

À la frontière de la figuration et de l’abstraction, Carole Benzaken cherche à brouiller la représentation du réel. La perception du spectateur est mise à mal par les effets de flux, d’accélération qui altèrent l’image source : cette dilation de l’espace et du temps vise à tenir le monde à distance, et gêne le spectacle de l’image-culte, iconique.

Dans son travail, Carole Benzaken sème le doute avec virtuosité : le flou de l’image rend le sujet immatériel, distordu et imprécis. L’effet optique de ce déplacement s’inscrit dans la logique cinématographique du travelling, pour produire sur le spectateur un sentiment de fugacité, un vertige. Cet arrêt sur image cristallise le mouvement, et propose au spectateur une manière dynamique de voir une transition : la peinture devient alors « un moyen de transport » visuel.

Carole Benzaken développe un travail pictural qui questionne le statut de l'image, sa représentation comme sa perception dans l'espace du tableau et hors du tableau. Elle ne cesse de brouiller les pistes en se renouvelant constamment par l'usage de nouveaux médias et de nouveaux dispositifs qui s'inscrivent aujourd'hui dans l'espace tridimensionnel. Carole Benzaken présente à cette occasion des oeuvres à la frontière entre figuration et abstraction, dans lesquelles une prolifération rizhomatique contamine divers médias en décomposant et recomposant la figure de l'arbre. Ramifications plutôt qu'arborescences débordent en se démultipliant sur divers supports.

À travers un ensemble de travaux (les Magnolias, Portes - Tehilim, Od drwzi do drzwi, Yemima, Makom ou l'installation Migration temporaire), l'artiste poursuit sa réflexion en troublant la représentation du réel pour mieux lui rendre sa visibilité.

Dans la série des Od drzwi do drzwi (de porte en porte), Carole Benzaken déstabilise la perception du spectateur par des effets de flux, d'accélération qui altèrent l'image source, (road movie d'arbres en hiver) : cette dilatation de l'espace et du temps est transposée par une touche picturale qui fait vibrer voire trembler la représentation. Le flou de l'image rend le sujet immatériel, distordu et imprécis. L'effet optique de ce long déplacement produit sur le spectateur un sentiment de fugacité et d'éblouissement.

Jouant de la floraison si particulière des magnolias dont l'éclosion des fleurs précède celle du feuillage passant sans transition de l'hiver au printemps, les Magnolias, peintures à l'encre de Chine réhaussées au crayon de couleur et feuilletées dans du verre sont une nouvelle proposition plastique.
Un cadrage serré combiné à l'épaisseur opalescente du verre permettent au spectateur de ressentir la présence de l'arbre par des effets vibratoires et veloutés : les ombres transparentes, les dégradés de tons, la nuance éthérée des fleurs s'opposent à la calligraphie des branches noires.

Ce contraste se dilue dans un enchevêtrement visuel qui nous éloigne de plus en plus d'une représentation figurative. L'alchimie fusionnelle du verre et de la couleur harmonise le regard vers une abstraction "atmosphérique" au plus près de l'essence de l'arbre.

À la suite d'un projet autour du livre d'Ezéchiel, Saviv Saviv, ( la vision des ossements secs Ezéchiel 37: 1-14) qui avait pris forme lors de son exposition au MAHJ ( Musée d'art et d'Histoire du Judaïsme), en 2011-2012, et dans le centre d'art de Bielsko-Biala en Pologne (2012), Carole Benzaken prolonge et approfondit cette méditation formelle avec la série inédite des Portes - Tehilim (les psaumes).

En élargissant les possibilités plastiques de son observation sur le thème de la contamination, Carole Benzaken propose ici des oeuvres constituées de bandes de papier peintes à l'encre de Chine et à l'encre lithographique. Ce foisonnement vertical entre chevelure et bobines de films se confond avec l'arrière-plan dont la palette chromatique est réduite aux seuls noirs et blancs sublimés par quelques taches colorées de fruits ou de feuilles. L'oeil s'immerge jusqu'à s'étourdir devant cette pluie de signes. Notre rétine reconstitue l'image composée d'une multitude de lamines de papier. L'artiste invoque ici une mémoire séquencée, dont la fragmentation permet à la fois une lecture globale et la perception d'une infinie variété de sensations.

Installées légèrement en saillie sur le mur, en suspens entre peinture et bas-relief, ces oeuvres sont la synthèse d'une recherche que l'artiste entreprend sur de multiples supports depuis 2006. Elles associent des concepts supposés antinomiques fusion/fragmentation, représentation/évocation. La disposition des oeuvres que Carole Benzaken a disséminé dans les espaces de la galerie témoigne de son attachement à la mise en volume de la peinture qu'elle déploie dans l'architecture du lieu.

À l'occasion de l'anniversaire des 20 ans de collaboration entre Carole Benzaken et Nathalie Obadia, l'artiste a choisi de présenter dans la Galerie II un ensemble de travaux récents intitulés Autoportaits (anciens) qui reprennent le motif de la tulipe, avec lequel Carole Benzaken avait débuté son parcours à la Galerie Nathalie Obadia. Écho du passé réinterprété aujourd'hui ces Autoportaits (anciens) viennent comme un bouquet d'anniversaire célébrer leur complicité.



Carole Benzaken
Carole Benzaken est née à Grenoble, en 1964. Elle vit et travaille à Paris.
Diplômée en 1990 de l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Carole Benzaken fait une entrée remarquée sur la scène artistique en exposant à la Fondation Cartier pour l'art contemporain dès 1994. Lauréate du Prix Marcel Duchamp 2004, elle présente l'exposition Search for the New Land à l'espace 315 du Centre Pompidou. Elle a participé à de nombreuses expositions internationales, et son oeuvre a rejoint de prestigieuses collections publiques et privées (Centre Pompidou, Fondation Cartier, Musée National d'Art Moderne, Paris , MOMA, New York). Carole Benzaken est actuellement exposée au Grand Palais, dans le cadre de l'exposition Miss Dior, et sera l'invitée du Musée des Beaux-Arts de Nancy au printemps 2014.
Les Éditions Flammarion ont publié en 2011 une importante monographie sur le travail de Carole Benzaken.
Carole Benzaken est représentée par la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles depuis 1993.