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“Noces végétales” article 1179
aux Grandes Serres du Jardin des Plantes, Paris

du 21 novembre 2013 au 2 février 2014



www.jardindesplantes.net

www.mnhn.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 20 novembre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/ 2/ 3/  Tzuri Gueta, Noces Végétales. Photo © François Junot.

 


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Interview de Tzuri Gueta , créateur,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, dans son atelier, le 22 novembre 2013, durée 15’58”. © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Lauréat du Prix le Créateur de la toute jeune Fondation Ateliers d’Art de France, créée en 2011, Tzuri Gueta a investi la grande serre tropicale du Jardin des Plantes. Considérant l’espace comme un laboratoire, celui qui a d’abord travaillé dans le monde de la Haute Couture se transforme en Créateur grâce à ses réalisations végétales artificielles.

Matières textiles
Ponctuant le parcours du visiteur par touches lumineuses, les productions de Tzuri Gueta se dévoilent au sein d’une végétation luxuriante, aidées en cela par leur blancheur éclatante qui étonne aussi bien qu’elle enchante. Réalisées grâce à un procédé mis au point par l’artiste, au doux nom de « dentelle siliconée », elles associent les matières textiles au silicone dans des formes issues directement du monde végétal. Observant la nature et ses imperfections, Tzuri Gueta la réinvente, la recrée et confère à ses œuvres une impression de vie par leur mouvement, la torsion élégante de leurs branches, l’enchevêtrement harmonieux de leurs éléments. La beauté de ces créations végétales artificielles tient aussi à leur étrange poésie. De grosses fleurs s’épanouissent sur un chariot laissé à l’abandon et sur lequel une végétation enjouée a repris ses droits, leurs cœurs comme constitués d’une multitude de petits coquillages. Au-dessus du bassin, un rideau de gouttes ruisselle du plafond, accrochant délicatement la lumière qui pénètre par les verrières. Ces compositions, qui empruntent à la dentelle sa finesse et sa fragilité diaphane et parfois imitent si bien la nature qu’il devient difficile de distinguer le faux du vrai (Mizug et ses lianes de silicone qui s’entremêlent à de vraies plantes), provoquent alors un effet de rupture dans un environnement uniformément vert.

Noces multiples
Le propos principal de Tzuri Gueta est d’abord ici de marier le végétal à l’artificiel. L’eau des bassins devient le refuge de petits ilots flottants qui dérivent au gré de ses mouvements, quand Hupa figure un portique de dentelle suspendu au milieu des frondaisons, reproduisant avec précision de fins détails botaniques. Au centre de la serre, se dressent deux magnifiques arbres, l’un blanc et l’autre noir (Black and White), que l’on croirait fabriqués de toute pièce. Il n’en est rien. L’artiste les a en réalité habillés de silicone, recouvrant l’écorce et épousant la courbure des branches, et les a ornés de broderies et de bijoux floraux comme il décorerait un vêtement. Deux arbres qui, avec le chariot placé à l’entrée de la serre, invoquent un autre thème : celui de véritables noces amoureuses. La mariée, dans sa robe d’une blancheur éclatante, laisse ainsi pendre nonchalamment les lianes délicates de son voile et son nouvel époux, dans son bel habit noir, se penche vers elle en déployant les corolles de ses fleurs à demi ouvertes. Le chariot, quant à lui, a certainement dû accueillir et transporter de jeunes épousées, comme c’était jadis la tradition, avant d’être abandonné après avoir rempli son office. Mais chez Tzuri Gueta, la végétation n’est pas uniquement terrestre. Lianes, tiges et troncs arborent l’aspect rugueux des branches de corail, où coquillages et étoiles de mer en fleurs épanouies viennent tout naturellement s’incruster. Malgré leur artificialité évidente, les œuvres se font alors organiques, ondoyant telles des algues prises dans le courant.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Du 21 novembre 2013 au 2 février 2014, la Fondation Ateliers d’Art de France et le Muséum national d’Histoire naturelle présentent Noces Végétales, la première exposition parisienne du créateur Tzuri Gueta, au cœur des Grandes Serres du Jardin des Plantes.

Utilisant une matière naturelle issue du silicium associée au textile pour créer des œuvres d’inspiration organique, Tzuri Gueta sublime une nature protégée et contrôlée en proposant un parcours dans les Grandes Serres à la fois réel et rêvé, empreint de symboles. Le monde végétal se découvre autrement, à travers l’oeil du créateur, passé sous le spectre de la modernité, de l’imaginaire, de l’engouement créatif.

Désigné lauréat du Prix Le créateur de la Fondation Ateliers d’Art de France, Tzuri Gueta s’est vu offrir la possibilité de présenter son travail sous une forme exceptionnelle dans un lieu choisi pour sa singularité et les résonances entretenues avec ses propres créations.

Inventeur d’une technique unique et brevetée de « dentelle siliconée », Tzuri Gueta révèle depuis plus de quinze ans à travers ses textiles, ses parures et ses mises en scène un univers résolument organique, végétal ou géologique qui ne demandait qu’à s’épanouir dans un lieu dédié à la nature. Avec le soutien financier et logistique de la Fondation Ateliers d’Art de France, Tzuri Gueta a choisi de présenter son exposition Noces Végétales à Paris, dans les Grandes Serres du Jardin des Plantes, et plus particulièrement dans la serre des forêts tropicales humides.

Cette serre offre un dépaysement immédiat avec une immersion dans l’atmosphère chaude et humide d’une forêt tropicale imaginaire. S’y côtoient grands arbres, comme les ficus et le palmier des Bermudes, arbustes et arbrisseaux, grandes herbacées comme les bananiers, petites herbes du sous-bois, lianes, fougères, orchidées... Ses allées mènent à un imposant rocher recouvert d’un superbe Monstera deliciosa, sorte de philodendron, d’où l’on peut découvrir tout le panorama de la serre.

C’est dans ce cadre majestueux que Noces Végétales déroule pour le visiteur un parcours initiatique dans les rites et les symboles du mariage. Les noces que l’on célèbre ici sont celles qui associent dans un troublant mimétisme la dentelle siliconée et les végétaux abrités par la serre. Un rideau de gouttes déployé comme un dais, des fourreaux de dentelle épousant des troncs d’arbre au plus près de l’écorce ou des extensions de silicone prolongeant une branche mêlent leurs silhouettes organiques à la flore exubérante de la serre. Où se situe la limite entre le végétal et sa prothèse de silicone ? Entre le vrai et le faux ? Les créations simili-végétales de Tzuri Gueta collaborent avec le lieu, créent un dialogue avec les plantes. Elles prennent vie au sein de la serre et évoluent au fil des jours, suivant le rythme de la végétation. La serre devient un terrain de jeu pour un créateur qui sait entretenir la confusion entre les matières.

Né sur le rivage d’Israël, Tzuri Gueta a gardé en mémoire les formes organiques des éléments brassés par les fonds sous-marins dont il aime reproduire dans son travail les lignes de coraux, les coloris, mais aussi l’impression de mouvement généré par le courant. C’est cette impression de vie que l’on retrouve ici. Car si ces organismes en dentelle siliconée relèvent d’une nature imaginaire et fantasmée, ils sont pourtant parfaitement vraisemblables. A contrario, la nature ne produit-elle pas elle-même des éléments d’une telle perfection, vernissés et luisants, qu’ils semblent artificiels ? La consistance du silicone, matériau naturel issu du silicium et proche du verre, permet d’autant mieux la mise en oeuvre du leurre. Dans Noces Végétales, le créateur n’imite pas la végétation, il la réinvente, en manipulant les codes d’une nature protégée et ultra-contrôlée par le lieu emblématique de la serre.

Pour Tzuri Gueta, la serre devient un laboratoire, une couveuse expérimentale dont les parois vitrées n’imposent qu’une frontière fragile entre l’intérieur et l’extérieur. Ses pièces hybrides, minutieusement réalisées à la seringue dans son atelier, sont surdimensionnées pour habiller un lieu si monumental.

Noces Végétales est une expérience visuelle et sensorielle propre à perturber le visiteur qui imaginait admirer une multitude de plantes. En s’immergeant dans le silence d’une végétation en trompe-l’oeil qui bouscule ses perceptions, il est invité à découvrir la nature autrement, à travers le regard d’un artiste qui s’approprie à loisir le rôle de « Créateur ».




Parcours de Noces végétales

La calèche

En début de parcours, cette calèche monumentale, posée sur un bassin et visible de loin par son envergure, annonce le début d’un voyage immersif dans un autre univers. Avec sa structure en métal habillée d’une dentelle de coquillages de silicone, elle entretient la confusion sur son origine. Vient-elle d’un monde sous-marin ou bien d’une jungle épaisse qui se serait approprié la structure jusqu’à la coloniser ? Le travail plastique du moulage et de l’injection de silicone accentue la mélancolie de cette calèche que l’on a visiblement longtemps négligée. Seule l’extravagante assise de bois flotté, habillée de la même dentelle, relie la sculpture à une dimension festive.

Traversée végétale
Ce rideau monumental, qu’il faut franchir comme pour pénétrer dans un autre monde, est un leurre. Ou un demi-leurre puisque c’est le seul endroit de la serre où Tzuri Gueta mêle de longues lianes de silicone à de véritables branchages. Ces fils où la silicone reproduit des formes végétales imitent si bien la nature qu’ils ne peuvent que susciter le trouble chez le visiteur, et poser la question du vrai et du faux. D’autant plus qu’au milieu de cette floraison métissée se cachent, en intrus, des éléments copiés sur le monde sous-marin, tel le corail. Pour Tzuri Gueta, si ce portique de vraie-fausse végétation cultive le doute, c’est bien en réponse aux plantes parfaites que l’on produit aujourd’hui et dont les couleurs et les textures sont trop extraordinaires pour ne pas être utopiques et génétiquement modifiées.

Portique de dentelle

Pour ce portique plongeant fait de lianes en dentelle Tzuri Gueta utilise une dentelle aux motifs floraux très réalistes, quasi botaniques. Suspendue au-dessus du vide, l’installation en dentelle et silicone s’immerge dans la végétation toujours changeante de la serre.

Black and white
Tzuri Gueta, dont l’une des activités essentielles reste la création de vêtements, n’hésite pas à accorder ici des caractéristiques humaines aux végétaux. Aujourd’hui, les artistes tricotent pour les arbres, les parent de colliers surdimensionnés… Peut-on pour autant habiller un tronc comme on habille un corps ? Le créateur a choisi de vêtir deux arbres : la « robe » blanche qui épouse le haut du tronc puis s’évase autour du pied est chargée de broderies qui donnent du relief à la texture. La seconde silhouette se détache quant à elle par des éléments décoratifs noirs. Les « peaux » de dentelle empreintes de silicone moulent les arbres comme des fourreaux, au point que l’écorce traverse la trame de la dentelle ; elles symbolisent encore plus qu’ailleurs la fusion qui s’opère entre les végétaux naturels et une nature artificielle. Pour cette oeuvre, Tzuri Gueta a choisi d’introduire dans la serre deux arbres coupés et démontables dont il prolonge les branches par des « prothèses » en silicone.

Ponctuation discrète

Des grappes, des nids d’oiseau, des nénuphars qui nagent sur le bassin… Tzuri Gueta inscrit dans la végétation exubérante de la serre des éléments blancs artificiels qui ponctuent le parcours du visiteur. L’intimité des arbres que l’on scarifie pour en prélever la sève ou le latex lui a inspiré des éléments qui « dégoulinent » avec la fluidité d’une liane ou d’une cascade.

Ilots et cascade
Dans la moiteur de la serre, l’eau joue un rôle essentiel, notamment dans l’espace du bassin qui s’impose comme la clef de voûte du parcours. Le voilà investi par de multiples îlots sculptés et recouverts de maille de silicone, qui se déplacent de façon aléatoire. Au-dessus du bassin, une cascade de gouttes en silicone, reliée aux arrivées d’eau de la serre, ruisselle. Imposante par sa blancheur et son ampleur, cette installation vibrante conclut le parcours de Noces Végétales.





Tzuri Gueta, portrait d’un créateur

Diplômé en 1996 d’un master d’Ingénieur textile obtenu au Shenkar College of Engineering and Design en Israël où il a entrepris des recherches sur les polymères, Tzuri Gueta est tout autant créateur, designer et explorateur. Il est notamment connu pour sa capacité à produire des textiles troublants aux effets de matière, imprimés, gaufrés, découpés au laser et capables d’imiter les textures organiques ou végétales comme le cactus, le galuchat ou la peau de serpent.

Mais c’est une technique de travail inédite qui rend sa création si personnelle : l’injection de silicone. Il commence par utiliser le silicone comme « colle » pour maintenir des morceaux de textile, là où d’autres les assemblent à la machine à coudre. Les qualités artistiques du silicone, sa souplesse, sa capacité à se mélanger aux pigments et aux paillettes ont ensuite poussé Tzuri Gueta à le mettre en valeur. En 2005, il dépose son brevet de « dentelle siliconée ». Dans le secret de son atelier laboratoire, cette technique énigmatique lui permet de créer sur le textile des volumes et des effets de perles, des « paysages » au toucher presque dérangeant, tant la texture est douce et onctueuse, d’une sensualité de peau humaine.

Si Tzuri Gueta s’est d’abord fait connaître par son travail textile, le grand public le découvre à travers ses bijoux : ses bagues de la collection emblématique Boule, réalisées en maille hérissée de picots de silicone, mais aussi ses colliers au profil de corail ou d’ossements blanchis, et ses modèles exubérants qui se répandent en grappes, en pétales ou en perles de rosée. Les lustres et les paravents qu’il conçoit ne sont parfois que des bijoux qui changent d’échelle, extrapolant leurs formes de gouttes ou de cocons.

Arrivé à Paris en 1996, passé par l’agence Trend Union de Li Edelkoort puis par les ateliers de Thierry Mugler, Tzuri Gueta a séduit d’emblée le monde de la Haute Couture par l’avant gardisme de son travail et ses qualités créatives. Il produit désormais régulièrement des gammes de textiles inédits pour Chanel, Issey Miyake, Jean-Paul Gaultier, Armani, Dior ou Givenchy. En 2013, ses corolles en gel sablé associées à la dernière collection de la maison de Haute Couture Stéphane Rolland ont inauguré une nouvelle et prestigieuse collaboration.

L’emblématique Récif, un vélo abandonné que les algues semblent prendre d’assaut, est l’oeuvre qui lui permet d’investir le monde de l’art. En 2010, c’est une exposition personnelle centrée sur son travail textile qui lui est consacrée au Musée d’Art contemporain de Tel Aviv. Et parce que la matière silicone se prête au glamour, Tzuri Gueta a aussi offert au Septième Art une robe désormais iconique, aussi romantique qu’ultra-futuriste, portée par l’actrice Milla Jovovitch dans Les trois mousquetaires.

Dans son atelier-showroom parisien organisé comme une galerie, ouvert en 2011 sous le Viaduc des Arts, pas de moules ni de techniques reproductibles : Tzuri Gueta ne conçoit que des pièces uniques. Une dizaine de collaborateurs, tous issus de formation textile ou bijou, l’accompagne dans son approche transversale de tous les domaines de la création.

En juin 2012, Tzuri Gueta devient lauréat du Prix Le créateur de la Fondation Ateliers d’Art de France pour son projet d’exposition au sein des Grandes Serres du Jardin des Plantes. Un projet qui se concrétise en novembre 2013 avec Noces Végétales grâce au soutien de la Fondation Ateliers d’Art de France et à la participation du Muséum national d’Histoire naturelle.