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“Vues” Paysages d’aujourd’hui d’après Hubert Robert
au Domaine de Chamarande, Essonne

du 30 novembre 2013 au 30 mars 2014



chamarande.essonne.fr/

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 30 novembre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Lucien Pelen, L'homme qui ne connaissait pas la question, 2012, vidéo, 1h17mn. Courtesy de l’artiste et de la galerie Aline Vidal, Paris.
2/  Tommy Hilding, Landskap, 2012-2013, huiles sur toile, 55 x 110 cm chaque. Courtesy de l’artiste et de la galerie Magnus Karlsson, Stockholm.
3/  Hubert Robert, Vue du château de Chamarande, vers 1785, 277 x 203 cm, Domaine départemental de Chamarande, Conseil général de l’Essonne © Yves Morelle.

 


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Interview de Lauranne Germond, co-commissaire de l'exposition pour COAL,
par Anne-Frédérique Fer, au Domaine de Chamarande, le 30 novembre 2013, durée 8'17". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire associé COAL



Artistes : Guillaume Bresson, Étienne de France, Cyprien Gaillard, Laurent Grasso, Markus Hansen, Tommy Hilding, Filip Mirazovic, Nicolas Moulin, Lucien Pelen, Mathieu Pernot, Stefan Shankland, Claire Tabouret, Marie Velardi, Édouard Wolton, Duncan Wylie


Au XVIIIe siècle, Hubert Robert (1733-1808), surnommé Robert des Ruines, renouvelle le genre du paysage en combinant étude de la nature et fantaisie poétique. Peintre et dessinateur de jardins (bosquet des bains d’Apollon à Versailles, domaines d’Ermenonville et de Méréville), il réalise notamment vers 1785 une Vue du Château de Chamarande, oeuvre acquise par le Conseil général de l’Essonne en 1998. La peinture présente une vision insolite du château et de ses abords : à une scène de vie quotidienne se mêlent des éléments imaginaires, telles les vertigineuses falaises qui donnent un caractère vibrant à la forêt environnante alors qu’elle s’inscrit dans un relief légèrement vallonné. Ce paysage pittoresque, empreint d’émotion, dévoile les sentiments de l’artiste dans une nature sublimée.

L’exposition Vues, présentée du 30 novembre 2013 au 30 mars 2014, procède de ce glissement entre la nature réelle et la nature inventée (la vision). La sélection des œuvres d’une quinzaine d’artistes français et internationaux nous entraîne vers une douce rêverie poétique sur l’histoire du point de vue et de la construction du paysage. Cette histoire du paysage connaît notamment une apogée en Italie au XVIIIe siècle avec les peintres vedustistes. Les vedute (vues en français) sont des paysages certes construits selon les principes de la perspective mais néanmoins transformés et mis en scène par le point de vue (le sentiment) des peintres. Aujourd’hui encore, projetant sur le monde leurs visions et leurs états d’âme, les artistes composent et recomposent le réel ; ils façonnent les représentations de nos environnements.

Les tableaux exposés nous offrent un panorama de réalités possibles et imaginaires, où éléments présents, souvenirs anciens et projections futures se mêlent. Ils sont autant de pièces à conviction, de montages à décrypter, de références à découvrir : ils évoquent un monde en mutation sociale, urbaine et environnementale. Des toiles figuratives donc, mais pas forcément réalistes, dans lesquelles se jouent autant le plaisir de la reconnaissance (le motif) que celui du fantasme (l’énigme et la fable). La modernité porte l’idée d'un monde qui change, qui change de plus en plus vite, qui change à toute vitesse. Ici, ni rupture radicale, ni table rase du passé, c’est au contraire la continuité qui est soulignée. Le futur n'est plus un absolu inatteignable (le progrès) mais une situation qui nous rattrape, avec des désordres climatiques et des transformations de l’équilibre des forces de la planète.

Conjuguée au futur antérieur, l’exposition Vues nous invite à imaginer et à contempler un avenir des possibles. Toujours en hommage à Hubert Robert - qui fut également Garde du Muséum central des Arts (actuel Musée du Louvre), les toiles sont accrochées sur une nouvelle cimaise en bois qui court d’une salle à l’autre. Cette scénographie originale transforme les espaces intérieurs du château et redessine le parcours du visiteur. Les jeux qui s’opèrent entre le tableau, la tapisserie et la fenêtre, entre l’icône et l’apparat, sont ainsi remis en perspective.



Guillaume BRESSON
La peinture de Guillaume Bresson est constituée d’éléments récurrents : technique de la grisaille, scènes de parking, mises en scène photographiques, personnages en survêtements siglés ou paysages imaginaires. Synthèses des dernières pistes explorées par l’artiste, les deux toiles de Vues - a priori - similaires se focalisent en fait sur l’ambivalence entre l’univers souterrain éclairé par des néons et la représentation d’une nature paisible baignée d’une lumière crépusculaire. L’artiste offre au regard des No man’s land miurbains, mi-campagnards, hors de toute échelle connue, qu’il appartient au visiteur de décoder.

Étienne de France
Étienne de France, en résidence sur le Domaine de Chamarande à l'été 2013, présente les traces de son périple pédestre depuis Chamarande jusqu’à sa maison de famille en Bourgogne. Telle la traversée d’un archipel, il a tenté de rejoindre ces deux points en allant de zone verte en zone verte, de buisson en forêt, comme le ferait un animal souhaitant éviter toute civilisation humaine. C’est par l’exploration de ces contraintes spatio-temporelles marquant notre environnement (cartographies, délimitations) que l’artiste tente de comprendre comment certains éléments du paysage peuvent constituer des espaces de résistance et de contestation, mais aussi des espaces de liberté.

Cyprien GAILLARD
Pour sa série Belief in the Age of Disbelief, Cyprien Gaillard a détourné l'iconographie des eaux-fortes flamandes du XVIIe siècle pour représenter des paysages pensés comme des terrains « prêts-à-construire ». S’inspirant des oeuvres de Rembrandt (1606-1669), d’Anthonie Waterloo (1609-1690) ou encore de Jan Hackaert (1628-1685), l'artiste intègre des bâtiments contemporains dans un paysage naturel original. L'architecture est ici pensée comme une « ruine moderne » sur le point d'être envahie par la nature. De manière métaphorique, l’artiste applique le précepte de Denis Diderot selon lequel « il faut ruiner un palais pour en faire un objet d'intérêt », clin d’oeil aux vues imaginaires d’Hubert Robert représentant la Grande Galerie du Louvre à la fin du XVIIIe siècle.

Laurent GRASSO
Studies into the past est une série d’oeuvres dont la facture et le style rappellent les peintures italiennes et flamandes des XVe et XVIe siècles. Les trois pièces présentées explorent les incertitudes des méthodes d’observation et de retranscription de notre monde, qu’elles soient scientifiques, historiques, esthétiques ou religieuses. Nos méthodes de connaissance sont mises à mal par l’invention d’une fausse mémoire historique qui mêle des références classiques à des phénomènes inattendus où la nature se soulève. Cette « réalité parallèle » fragilise notre volonté, toujours plus grande, de maîtriser et d’appréhender le monde qui nous environne, sans le voir ni le comprendre réellement.

Markus HANSEN
La série des Phantom dust painting, réalisée à partir de poussière, élément organique et tabou, représente des tableaux de paysages fantasmés, caractéristiques de l’imaginaire romantique allemand. Images de peintures encadrées et suspendues sur des murs, leurs tons clairs et presque transparents renvoient au rêve, à l’impalpable. Le regard se perd alors dans la reconnaissance de « lieux fictionnés », porteurs d’une mémoire qui reste à construire. Images d’Épinal, les toiles se réfèrent, en filigrane, à l’histoire de l’Allemagne - pays natal de l’artiste - et à ses démons. L’Histoire n’est-elle pas finalement un folklore à accepter ou à rejeter qui peut aller jusqu’au tragique ? Les fantômes et les cauchemars du passé qui hantent notre présent, Markus Hansen les reporte également sur ses Psychedelic romantic history painting. Tels des tests de Rorschach (test projectif utilisé en psychologie) grandeur nature, ces larges toiles sont le recueil des fictions de nos vies ; elles permettent d’en extirper l’essence et d’atteindre une certaine résilience.

Tommy HILDING

Tels des collages, ses peintures sont faites de plusieurs couches où des fragments issus de sources diverses se retrouvent assemblés en un tout. Certaines semblent calmes, reproductions objectives du sujet représenté ; d'autres sont plus expressives, spectaculaires et au bord du démantèlement. Souvent, l’oeuvre place l'individu en opposition à l'architecture, et confronte le paysage naturel à l’urbanisation grandissante.

Filip MIRAZOVIC
La série Usurper’s Realm, composée de près d’une vingtaine de toiles, s’enrichit dans le cadre de l’exposition Vues de plusieurs créations. D'une facture classique mais formellement souple et intuitive, le travail de Filip Mirazovic joue sur la rencontre curieuse et apparemment inopportune entre deux univers : les intérieurs bourgeois, espaces d’un pouvoir ancré, sont investis par des fragments de paysages indisciplinés et tourmentés. Dans ce territoire nouveau, l'irréalisme des échelles révèle la nature éminemment symbolique des objets. Bien que l'atmosphère soit lourde et oppressante, ce dispositif renvoie à un sentiment de quiétude.

Nicolas MOULIN
Dans INTERLICHTENGESPENTEREINZULADENDARANDENKEN, Nicolas Moulin construit un paysage dans lequel s’élèvent des architectures vertigineuses dont les constructions sont identifiables. Incarnant une ère « techno-primitive », un entre-deux temporel, entre présent et futur, le paysage et l'architecture deviennent propices à des récits et des fantasmes. L’artiste explique ainsi sa démarche : « mon vif intérêt pour les mythologies urbaines et technologiques qui gouvernèrent nos sociétés pour le meilleur et pour le pire à travers le siècle dernier et qui continuent à leur manière de gouverner celui qui débute constituent l’axe central de ma recherche plastique ».

Lucien PELEN
La vidéo L'homme qui ne connaissait pas la question est composée de 180 séquences filmées dans autant de paysages. Durant deux années, l’artiste a arpenté les espaces et suivit les saisons pour composer un « panorama mémoriel » inédit qui rend hommage à sa région d'origine, sa principale source d’inspiration : la Lozère et ses paysages. Chaque séquence montre l'artiste qui traverse la « nature sublimée » avant d’effectuer un geste simple : une claque sur son front, symbole du doute que l’on finit par résoudre à la naissance d'une idée.

Mathieu PERNOT
Le Meilleur des Mondes est une collection de soixante cartes postales éditées entre les années 1950 et les années 1980, reproduites et agrandies par l’artiste. Elles nous montrent des villes de banlieues françaises considérées, chacune à leur époque, comme des symboles de modernité et de progrès. Réalisées pour la plupart d’entre elles en noir et blanc, ces images sont en fait colorisées artificiellement par l’artiste en imprimerie. Les couleurs, peu crédibles et souvent disposées de façon maladroite, témoignent d’une représentation fantasmée et utopique de ces lieux.

Stefan SHANKLAND
Stefan Shankland, en résidence sur le Domaine de Chamarande depuis 2012, crée pour l’exposition Vues une oeuvre inédite : World Changing Art ou Le monde change l’art. L’installation interroge les rapports qu’entretient l’artiste à la société, et inversement. Le panneau d’affichage publicitaire - présenté devant le château - fait écho à ceux ponctuant la RN20 qui relie Paris à Étréchy : ce sont des sculptures involontaires des bords de route, des outils d’annonces uniques et génériques propres à un territoire. Le texte déroulant affiche un constat : celui d’un monde en mutations urbaines, territoriales, technologiques, économiques, écologiques, sociales, culturelles. L’artiste, qui vit et travaille dans cette société changeante, n’est pas insensible : face à l’évolution du monde, il fait progresser les modalités de sa pratique et la forme de ses créations ; dans une douce utopie, il réinvente l’art pour changer le monde.

Claire TABOURET
Les Maisons inondées, série de dessins initiée par l’artiste dès 2008, inspirées de photographies de presse post-catastrophes naturelles, représentent des habitats, symbole du refuge et de l’intimité domestique, englouties par des eaux aux couleurs irréelles. La toile du Radeau est issue de la série les Migrants, autre grand thème abordé par l’artiste, qui s’inspire de la frontière et de la migration des peuples par les voies aquatiques. Le sujet, inexorablement politique, rappelle également les grands maîtres de l’histoire de l’art, de Théodore Géricault à Puvis de Chavannes. La situation d’exil renvoie à l’universalité de la condition humaine, soumise aux événements qui marquent le monde, au gré des origines et des continents.

Marie VELARDI
Les dessins de la série Renewal Time représentent des aquifères, des zones géologiques qui permettent la formation des nappes d’eau souterraines. Ces cartes de territoires invisibles sont uniques. Véritables « micro-géographies », des paysages en soi, elles dessinent les contours, inconscients et souterrains, des conditions de vie, présentes et à venir, sur la Terre. C’est l’échelle du temps, et non de l’espace, qui prédomine : celle de certaines couches du Bassin parisien et de leur durée de renouvellement, qui peut atteindre jusqu’à 20 000 ans. Deux nouveaux dessins, produits pour l’exposition Vues, dévoileront ainsi les paysages souterrains du Domaine de Chamarande.

Édouard WOLTON
Pour Vues, Édouard Wolton crée un corpus d'oeuvres inédit, basé sur deux axes de lecture : l’un nous interroge sur la linéarité du temps en intégrant les notions de « ruines naturelles » et « ruines artificielles » à l’élément minéral, trace d'appropriation de la nature et cartographie des sols ; l’autre nous guide du minéral vers l'astral où « circonvolent » pierres, planètes et archives provenant d’ouvrages sur les mouvements philosophiques et théoriques liés aux grandes écoles de l'histoire de la peinture de paysage (Renaissance, Luminisme, Classicisme ou Romantisme). L’artiste développe ici un « langage du naturel », nourri d'un large réseau de sources iconographiques, de formes et d'objets : photographies, traités scientifiques et mathématiques, estampes anciennes, ouvrages cosmographiques, planches naturalistes, minéraux et autres plantes.

Duncan WYLIE
Dans ses peintures, Ducan Wylie structure le chaos résultant de catastrophes naturelles ou de conflits humains. Le peintre s’évertue à détruire en même temps qu’il crée, un monde de formes architecturales et paysagères sans précédent. La stabilité des édifices, qui perdurent de siècle en siècle, créant une mémoire des lieux et des événements, n’est que ruine dans ses compositions. L’artiste questionne les failles de l’Histoire en mélangeant les images et les représentations pour les faire se chevaucher et se mêler sur une même toile. Il formule ainsi un nouveau rapport au monde en incitant tout un chacun à reconstruire le présent et à s’interroger sur les actions de l’homme sur son environnement.