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“Jeunes photographes de la Bourse du Talent 2013” article 1201
à la BnF François-Mitterrand, Paris

du 20 décembre 2013 au 23 février 2014



www.bnf.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 19 décembre 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Marie Benattar, Interstice, n.01, © Marie Benattar.
2/  Léo Delafontaine, Barentsburg, © Léo Delafontaine.
3/  Armelle Kergall, H. Anjou, 2011, © Armelle Kergall.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Plus qu’un prix, la Bourse du talent 2013 est un véritable soutien à la photographie, soutien bienvenu dans une époque où cet art se trouve fragilisé par une profonde mutation et voit son statut menacé. Les lauréats des 4 catégories: reportage, portrait, mode et paysage sont accompagnés des coups de coeur du jury. Ils nous offrent une réponse pertinente, que ce soit dans la continuité d’une certaine tradition ou dans son questionnement.

Dans la catégorie reportage, Sandra Calligaro nous montre avec Afghan dream un nouveau visage de Kaboul, celui d’une classe moyenne émergente. Des jeunes filles faisant du skate au pied d’un lotissement aussi flambant neuf qu’incongru dans le paysage, des personnages perdus dans des supermarchés, bowlings et night clubs déserts opposent l’étrangeté de leur culture à la familiarité d’un décor qui est le nôtre. Ce travail montre la fragilité de leur statut nouvellement acquis et nous interroge sur l’universalisme supposé de nos valeurs occidentales.

Sandra Reinflet avec Qui a tué Jacques Prévert ? explore la mémoire en photographiant les ruines de son école primaire aujourd’hui abandonnée. Vitres cassées, graffitis, un carton découpé sur le sol sont autant de supports presque abstraits à partir desquels se reconstruisent ses souvenirs. Loin de toute nostalgie, la photographe trouve dans une délicate simplicité la force poétique de ces petits riens. Ses images sont un retour à l’essence de la photographie parce que débarrassées de toute manipulation superflue, leur technicité est réduite à la capture de la lumière. Elles pourraient être prises avec n’importe quel appareil, qu’il soit numérique, argentique ou un téléphone, seule compte leur justesse.

Bénédicte Vanderreydt réalise I am 14, une série de portraits d’adolescentes de Gaza, de Bruxelles ou de Lumumbashi. En donnant à ses sujets une totale liberté de se mettre en scène et de se raconter, elle s’efface, comme si elle ne faisait que prêter son appareil photo pour un selfie. La collection de clichés exposés semble issue d’un fil d’échanges sur Facebook. Ce qui est montré c’est le lien qui se tisse à présent entre les ados des quatre coins du monde, le rôle de la photographie et de l’échange d’images dans sa construction, ainsi que l’espoir de changement que cette connection représente.

La perte de l’identité originelle d’un art devenu numérique est une question que posent Marie Benattar et TTY. Des photographies de mode aux truquages apparents nous interpellent sur les frontières de la manipulation logicielle. Nous ne savons plus quelle part du truquage est numérique et quelle part est mise en scène en studio. Le paradoxe de TTY repousse plus loin encore ces limites. Ses clichés sont entièrement numériques, synthétisés par un logiciel de 3D.

Ces artistes nous présentent un instantané d’une photographie en mouvement vers un avenir incertain certes, mais ils se saisissent de cette opportunité pour en faire bouger les lignes et ouvrir de nouvelles pistes.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Anne Biroleau, conservateur général au département des Estampes et de la photographie de la BnF


La bourse du Talent est organisée par Photographie.com et Picto




Fidèle à sa tradition d’ouverture à la photographie vivante, la Bibliothèque nationale de France s’associe aux fondateurs et aux mécènes de la Bourse du Talent pour exposer les oeuvres des quatre lauréats annuels - et de quelques coups de coeur remarquables. Forte de l’engagement d’un groupe de professionnels, cette Bourse fondée en 1998 privilégie la découverte de nouveaux regards.

Au fil des années, un public de plus en plus passionné par la photographie a pu découvrir non seulement les nouveaux talents, mais aussi les nouvelles lignes de force du médium. Les jurés, issus de tous les horizons du territoire de la photographie, sensibles tant aux interprétations classiques qu’aux nouvelles formes d’écriture ont révélé et fait connaître de nombreux photographes maintenant largement célébrés. Citons entre autres Jürgen Nefzger, Stéphanie Lacombe, Nicolas Dhervilliers ou Lucie & Simon.

La nouvelle édition, axée comme toujours sur les quatre grands thèmes de l’espace, du reportage, du portrait et de la mode, offre sa moisson de travaux remarquables. Les classes moyennes afghanes de Sandra Calligaro, les paysages en mal d’identité de Léo Delafontaine, la conception décalée du portrait de famille d’Armelle Kergall, les recherches graphiques pleines d’énergie de Marie Benattar témoignent de ce que les grandes orientations de la photographie demeurent mais que les frontières bougent, que les genres ne sont pas figés. Un travail sur l’espace peut avoir valeur de reportage, une série de portraits se teinter de témoignage social, une photographie de mode peut devenir oeuvre graphique.

Ce flou des frontières n’empêche aucunement la précision, l’originalité et la cohérence des propositions. Les jeunes photographes savent construire un projet et approfondir une recherche, rédiger un texte, trouver des réponses aux questions posées par l’évolution vertigineuse de la technique : leur maturité est étonnante.

« Dans les années 90, la photographie avait plongé dans le chaos, et c’est cela qui nous motivait […] Les photographes aujourd’hui ont dépassé ce chaos, ils abordent les nouvelles pratiques professionnelles avec confiance, n’ont pas peur de parler d’installations, d’invoquer le multimédia. Ils ont des références et les absorbent très vite », constate Didier de Faÿs, l’un des fondateurs du prix.

Chose passionnante, l’exposition témoigne à l’évidence de l’éclosion de toute une nouvelle génération de femmes photographes. Ainsi l’édition 2013 permettra au public la découverte de trois d’entre elles.

La Bourse du Talent se révèle être non seulement un prix d’excellence ou un tremplin, mais aussi un laboratoire et un révélateur de tendances.

Toutes les informations sur les appels à candidatures de la Bourse du Talent : http://www.photographie.com/bourse-du-talent