contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Sarkis” Au commencement le blanc
à la Galerie Nathalie Obadia - Bourg-Tibourg, Paris

du 9 janvier au 1er mars 2014



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, le 9 janvier 2014.

1203_Sarkis1203_Sarkis1203_Sarkis

Légendes de gauche à droite :
1/  Sarkis, à la limite de 120cm, 2012. Néon, cuivre, 147 x 37 cm (57 7/8 x 14 5/8 in.). Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
2/  Sarkis, Image touchée (2), 2013. Aquarelle et impression photographique sur papier Arches 300g, 56 x 76 cm (22 x 29 7/8 in.).
Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.
3/&nbsp Sarkis, D’après le Retable d’Issenheim de Grünewald, 2012. Néons, cuivre, transformateur, cristal de roche, 270 x 320 cm (106 1/4 x 126 in.).
Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

En entrant dans la galerie Nathalie Obadia on se retrouve hors ville, hors du monde, plongé dans un océan de blanc. Tout est blanc dans le travail que présente Sarkis. Blanc de titane, grains de riz, papier, néons enveloppent le visiteur dans un délicat cocon apaisant.

Des tubes néon tracés comme des traits de crayon vibrent avec de légères variations, baissent en intensité puis voient leur luminosité croître à nouveau, comme une vacillante flamme de bougie. La pulsation produite s’ajoute au ronronnement des autres installations lumineuses, emplissant l’espace de sonorités organiques vivantes, l’artiste poussant sa virtuosité jusqu’à exprimer la couleur blanche de manière sonore.

Il se dégage une certaine religiosité de cette installation, une atmosphère qui appelle à la méditation, à parler à voix basse. Mais ce blanc unique, absence de couleur et toutes à la fois n’est pas un appel à la subjectivité. En se laissant apprivoiser il montre peu à peu sa vraie nature, les néons laissent échapper quelques nuances fugaces, jaunes, bleues, vertes ou roses. Des vitraux, rectilignes et limpides, carrés de verre dans ce qu’il a de plus pur, portent les empreintes de doigts d’un blanc incolore, transparent, presque inexistant. Cette dimension virginale, on la retrouve dans des cadres recouverts d’un voile que l’on soulève doucement pour découvrir des images touchées, impressions sombres et abstraites d'un noir qui se teint de mauve, déflorées par une unique trace de doigt blanche. L'action de découvrir l'oeuvre l'altère, lui fait perdre son innocence.

Comme un archéologue, Sarkis exhume les formes archétypales de la mémoire de l'humanité. Animaux, profils esquissés d'hommes et de femmes en généreuses épaisseurs de peinture à l’huile blanche sur du papier sont des artefacts d'un passé lointain et pourtant appartiennent au présent. Le papier déchiré est soigneusement recollé, restauré suivant la technique des céramiques japonaises Kintsugi. Il porte une cicatrice d’or venant trancher sur le blanc, non pas réparation de quelque chose de brisé mais naissance, origine d'un nouveau parcours. Passé et présent se confondent dans un cycle perpétuel de vie, de mort et de résurrection.

Des milliers de grains de riz parsèment ces œuvres, comme en suspension sur la peinture, la touchant à peine, ils n'en troublent pas l'aspect immaculé. Chacun portant le germe d'une potentielle existence, posé sur ce fil ténu séparant ce qui est possible et ce qui sera. Difficile de ne pas y voir une évocation du divin. Une auréole d'huile imprègne le papier, comme un rappel à nos icônes d'anges et de saints. L'artiste travaille ce subtil interstice entre substance et esprit, travaillant à dématérialiser le réel et à concrétiser ce qui n'est que souffle.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter Au commencement le blanc de Sarkis, pour sa troisième collaboration avec l’artiste après Opus 2 en 2011 et Aura d’après Vaudou en 2012.

Au commencement le blanc rassemble une large sélection d’oeuvres inédites et de pièces antérieures de Sarkis, autour de la couleur blanche. Avec justesse et précision, l’artiste investit la galerie à la manière d’un compositeur de musique. En agençant les oeuvres comme des sons dont il module les intonations formelles à travers l’accrochage et la participation du spectateur, Sarkis propose une partition dont l’écho est éloquent.

C’est le hurlement aphone de la réinterprétation du Cri de Edvard Munch par Sarkis qui accueille le visiteur et donne le ton de cette exposition. Les quatre magistrales sculptures murales en néons et cuivre définissent par leurs intensités lumineuses les quatre mesures sonores principales : D’après Satantango de Béla Tarr (2013), la Scène en cuivre avec néons (2012), La colonne vertébrale du Retable d’Isenheim de Grünewald (2012) et À la limite de 120 cm (2012) .

En accompagnement de cet arrangement, l’artiste dissémine à intervalles aléatoires quelques accords sensibles : les Ikones rythment en cadence les interprétations possibles, deux oeuvres au sol - After Ice Age (2013) et L’ Attente (1969) se posent en contrepoint de l’accrochage mural, une série inédite de dessins Uruchi s’inspire de la technique de céramique japonaise des Kintsugi et prolonge l’expérience sur papier déchiré, les empreintes digitales blanches sur vitraux donnent à voir le doigté de l’artiste et celles de son maître verrier, et la vidéo Blanc sur noir jour et nuit (2007) se joue des propriétés physiques de l’aquarelle dans un bol d’eau tandis que Sarkis poursuit sa réflexion sur les possibilités de créations inhérentes au medium.

Pour After Ice Age (2013), l’artiste dispose dans un présentoir métallique - comme un cabinet d’estampe, cinquante huiles sur papier. À l’instar de la série Aura D’après Vaudou où il laissait l’huile de la peinture s’accomplir librement hors du motif circonscrit par le pinceau, il s’inspire ici d’objets préhistoriques exposés pour Ice Age Art, arrival of the modern mind au British Museum en 2012. Avec D’après Satantango de Béla Tarr, certaines Ikones et une sélection d’oeuvres sur papier ; R1, R2, R3, R8, R10 et R11 où Sarkis travaille avec circonspection le blanc de titane ou le blanc de zinc comme il travaillerait une terre à labourer en sillons pour la préparer à la semence, il égrène sur la matière pure de la peinture des grains de riz - matériau alors inédit dans son travail.

En invitant avec confiance le spectateur à toucher les vitraux, à consulter les dessins dans le présentoir métallique ou à manipuler les rideaux de soie ancienne, l’artiste nous prête la responsabilité tactile et corporelle d’une interaction agissante avec les oeuvres. Avec l’économie des gestes inutiles et un discernement rigoureux pour assembler avec précaution des matériaux aux forts pouvoir évocateurs - néon, or, huile, brique, papier, soie, cuivre ou plume, Sarkis nous offre une orchestration remarquable de prudence et d’intelligence plastique. Et c’est tout en retenue qu’ Au commencement le blanc propose une parenthèse contemporaine au visiteur, sans que jamais les oeuvres de Sarkis ne perdent la maîtrise de leur force.