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“Philippe Halsman, Etonnez-moi !” article 1222
au Musée de l'Elysée, Lausanne

du 29 janvier au 11 mai 2014



www.elysee.ch

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Légendes de gauche à droite :
1/  Philippe Halsman, Marilyn Monroe, 1959. Musée de l’Elysée © 2013 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos.
2/  Philippe Halsman, Portrait d’Alfred Hitchcock pour la promotion du film Les Oiseaux, 1962. Musée de l’Elysée © 2013 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos.
3/  Philippe Halsman, Jean Cocteau, l’artiste multidisciplinaire, 1949. Archives Philippe Halsman © 2013 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos.

 

extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires de l’exposition :
Sam Stourdzé, Directeur du Musée de l’Elysée
Anne Lacoste, Conservatrice du Musée de l’Elysée




En 1921, Philippe Halsman découvre le vieil appareil photo de son père, et parle de « miracle » lorsqu’il développe ses premières plaques de verre dans l’évier de la salle de bain familiale. Il a 15 ans, et c’est le premier contact avec la photographie de celui qui va devenir l’un des plus grands photographes du XXe siècle.

Cette exposition, réalisée par le Musée de l’Elysée à partir des archives de la famille Halsman, met pour la première fois en lumière l’ensemble de la carrière du photographe américain depuis ses débuts à Paris dans les années 1930 jusqu’à l’immense succès de son studio new-yorkais entre 1940 et 1970.

Arrivé à Paris grâce au soutien du ministre français Paul Painlevé, (dont le fils Jean, cinéaste scientifique, lui offre à son arrivée l’un des meilleurs appareils photographiques du moment), Halsman y restera dix ans, jusqu’en 1940. Une décennie pendant laquelle il collabore avec les magazines Vogue, Vu et Voilà et réalise les portraits de nombreuses célébrités comme Marc Chagall, Le Corbusier ou André Malraux. Il expose plusieurs fois à la galerie avant-gardiste de la Pléiade, aux côtés de photographes comme Laure Albin Guillot, exposée en 2013 au Musée de l’Elysée.

En 1940, l'invasion allemande met un terme à la carrière prospère de Halsman, qui trouve refuge à New York avec sa famille. Il y travaille pour de nombreux magazines américains dont Life qui l’entraînera à la rencontre des célébrités du siècle – Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Duke Ellington, le duc et la duchesse de Windsor, Richard Nixon, Albert Einstein pour n’en citer que quelques-unes – et dont il réalisera 101 couvertures.

Loin d’être uniquement un photographe de célébrités, Philippe Halsman n’aura de cesse, toute sa vie, d’expérimenter et de repousser les limites de son médium. Il collabore notamment pendant plus de 30 ans avec Salvador Dalí et invente la «jumpology», qui consiste à photographier des personnalités en train de sauter, offrant ainsi un portrait plus naturel et spontané de ses sujets.

Au final, ce ne sont pas moins de 300 images exclusives et documents originaux qui sont présentés pour cette exposition rétrospective, apportant un éclairage unique sur l’oeuvre d’un photographe exceptionnel et atypique.



L’exposition

L’exposition Philippe Halsman, Etonnez-moi ! est divisée en quatre sections qui illustrent des périodes, des collaborations ou des thématiques marquantes de l’œuvre et de la vie du photographe.

Paris années 1930
Philippe Halsman naît à Riga en Lettonie en 1906. L’année de ses 22 ans, son père meurt dans un accident de randonnée dans le Tyrol autrichien et Philippe Halsman est condamné à tort pour son meurtre, dans un climat fortement antisémite. Il est libéré grâce au soutien de sa soeur, qui organisa le soutien d'intellectuels européens prominents qui confirmèrent son innoncence.

Il part pour Paris où il entame sa carrière de photographe et se distingue rapidement par sa technique du portrait. Il explore différents genres, comme les vues de Paris, le nu et la mode. Son travail sera notamment exposé trois fois à la galerie de la Pléiade, célèbre lieu de l’avant-garde où des artistes comme Man Ray, André Kertész et Brassaï ont présenté leurs oeuvres.

C’est probablement par l’intermédiaire de son ami Jean Painlevé que Halsman entre en contact avec la galerie de la Pléiade. Il bénéficie d’abord d’une première exposition monographique, Portraits et nus, en avril 1936. L’année suivante, son nom est associé au mouvement de la Nouvelle Vision dans le cadre de deux expositions thématiques : Portraits d’écrivains (17 avril-14 mai 1937) avec, entre autres, Emmanuel Sougez, Rogi André , Roger Parry ; et La Parisienne de 1900… à 1937 (4-30 juin 1937) qui comprend aussi des photographies de Florence Henri et Maurice Tabard. Il s’agit de l’une des dernières expositions de la galerie, qui est cédée quelques mois plus tard à Paul Magné.
Ne pouvant pas dans un premier temps fuir Paris en guerre, Halsman reçoit finalement en 1940 un visa d’urgence grâce à une lettre d’Albert Einstein à Eleanor Roosevelt, et peut rejoindre sa famille partie six mois plus tôt.

Portraits
Maître de l’approche directe, Philippe Halsman expérimente également un large panel de techniques pour capturer l’essence de ses sujets et exprimer leur individualité. Nombre de ses portraits sont devenus des icônes, avec notamment ses 101 couvertures du magazine Life.

Cette opinion se confirme trois ans plus tard quand Life le charge de réaliser un sujet sur Marilyn Monroe, alors surnommée « The Talk of Hollywood ». Les prises de vue, réalisées en couleurs et en noir et blanc, illustrent sa vie quotidienne et ses talents d’actrice. Elle interprète notamment une succession de scènes présentant, avec humour, les différentes étapes de sa stratégie pour obtenir un rôle lors d’un entretien. Surtout, Halsman réalise plusieurs images emblématiques de l’actrice et contribue à sa promotion en lui offrant sa première couverture du magazine Life.

En 1954, Halsman reçoit Marilyn Monroe dans son studio new-yorkais. Les photographies de Halsman reflètent son image façonnée de « sex-symbol ». Il parvient toutefois à réaliser un portrait plus naturel de l’actrice en lui demandant de sauter en l’air. L’image est unique car, quand Halsman lui explique le concept de la «jumpology», Marilyn Monroe, effrayée à l’idée de révéler sa personnalité, refuse de répéter l’expérience.

Ce n’est que cinq ans plus tard qu’elle accepte de se prêter au jeu de la «jumpology». Marilyn Monroe est alors une star, et quand Life lui propose de figurer sur la couverture du magazine en 1959 pour illustrer l'important article sur la «jumpology» de Philippe Halsman, elle considère leur demande comme une performance. Pendant trois heures, l’actrice saute plus de 200 fois devant l’objectif de Halsman afin de réaliser le « saut parfait ».

Halsman propose à Marilyn Monroe de poursuivre cette collaboration à plusieurs occasions, mais sans succès. L’actrice est alors à un tournant de sa vie, annonçant son déclin. Cependant, Halsman poursuit son travail photographique sur l’actrice en créant de nouvelles images, ou plus précisément des variations, avec les portraits qu’il a réalisés précédemment. Ces compositions – montage de tirages découpés et rephotographiés ensemble exprimant l’idée de mouvement, ou travail sur l’image même transposée sous forme négative – sont caractéristiques de l’approche de Halsman dans les années 1960. Dix ans plus tard, il réalise un portrait de Marilyn en Président Mao, à la demande de Salvador Dalí pour sa collaboration à l’édition du magazine Vogue français de décembre 1971-janvier 1972.

Mises en scène
Halsman a réalisé de nombreux reportages photographiques de la scène artistique contemporaine pour les magazines. Sa collaboration avec les artistes l’inspire largement, donnant notamment naissance aux «picture stories », à des scénarios fictifs et à des images frappantes.

Avec plus de 170 portraits, le Philippe Halsman's Jump Book illustre une nouvelle approche du « portrait psychologique » développée par Philippe Halsman dans les années 1950. Sa méthode est systématique. Lors de ses travaux de commande, Halsman demande à la fin des ses séances de pose si la personne accepterait de participer à son projet personnel, et les sauts sont réalisés sur place. Il parvient ainsi à photographier quelques centaines de sauts. La réalisation des prises de vue est en effet simple : son équipement se limite à un appareil Rolleiflex et un flash électronique, et comme il l’indique, seule la hauteur de plafond est une contrainte.

Si ces portraits se distinguent par leur légèreté, Halsman considère la «jumpology» comme un nouvel outil scientifique pour la psychologie. Le sujet, concentré sur son saut, laisse « tomber le masque », et c’est ce moment que le photographe doit capturer. Au cours de cette expérience, Halsman remarque les postures très variées des participants, et discerne dans ces gestuelles (positions des jambes, des bras, expressions des visages et autres détails) des signes révélateurs de leur caractère, exprimés à leur insu.

L’agencement des portraits dans le Philippe Halsman's Jump Book illustre ses propos. Halsman y fait une distinction sous forme de deux corpus. Il présente d’abord les personnalités influentes de différents milieux (politique, industriel, scientifique, théologique, littéraire, etc.) résultant en une galerie de portraits inattendus et contrastant avec leur image officielle. Halsman bénéficie aussi pour ce projet de la collaboration de nombreux comédiens, actrices, chanteurs, danseurs, etc. Conscient du caractère particulier de leurs performances, Halsman les rassemble dans une seconde partie, classée par disciplines. Différentes thématiques comme la flamboyance américaine et la réserve britannique, ou encore l’éloquence des jeux de jambes des actrices, ponctuent cette organisation. La mise en page joue sur différents formats et assemblages de photographies.

Ne présentant que des personnalités connues, la publication incite toutefois à démocratiser cette pratique : elle se termine par une photographie de Philippe Halsman en train de sauter sur une plage, légendée par la question : «How do you jump ? ».

Halsman / Dalí
Un des sujets préférés de Halsman est Salvador Dalí, avec qui il partage une collaboration unique pendant 37 ans. Leurs 47 séances, associant le talent de Dalí pour la performance et les aptitudes techniques de Halsman, donnent naissance à un impressionnant répertoire d’« idées photographiques ».

En 1953, Halsman perçoit dans la moustache grandissante de Salvador Dalí «l’occasion de pouvoir réaliser un de ses rêves les plus ambitieux : créer une oeuvre extraordinairement excentrique». L’artiste, très attaché à sa personne et à cet attribut qu’il qualifie lui-même de symbole du pouvoir de son imagination, est immédiatement séduit par l’idée. Pour créer un «picture book » proposant une interview de Salvador Dalí, Halsman reprend un concept éditorial qu’il a initié cinq ans plus tôt avec l’acteur français Fernandel : une question posée à l’artiste est imprimée sur une page, et la réponse figure sur la page suivante sous la forme d’une image photographique légendée.

Pour ce projet, il ne s’agit plus seulement d’expression photographique, mais d’une véritable mise en scène, associant le caractère théâtral de Dalí et l’impressionnante inventivité et technicité de Halsman. Ce dernier présente l’ouvrage comme une véritable collaboration entre les deux artistes, représentatif de leur mutuelle compréhension.

Pendant deux ans, au cours de plusieurs séances, Halsman photographie Dalí avec son appareil 4x5 et ses flashs électroniques. La plupart des planches du livre sont des portraits de l’artiste posant dans des positions variées et jeux divers avec sa moustache, valorisées par des effets de lumière ou de cadrage. Dalí est prêt à toutes les fantaisies pour la réalisation des scènes : il modèle sa précieuse moustache à l’aide de cire hongroise et accepte de participer à des mises en scène incongrues, comme coller sa tête derrière une meule de fromage pour passer ses moustaches à travers les trous ou plonger la tête dans un aquarium d’eau la bouche remplie de lait.

Quant à Halsman, c’est dans le travail de post-production qu’il s’investit afin de concrétiser leurs idées. Le processus est parfois laborieux pour arriver à des images telles que le portrait de Mona Lisa, les conflits intérieurs, le surréalisme ou l’essence de Dalí, qui nécessitent non seulement un travail sur le tirage ou le négatif (découpage, agrandissement, déformation, surimpression), mais aussi un montage puis une nouvelle prise de vue pour obtenir un négatif de l’image finale. Pour le portrait de l’artiste en forme de « montre molle », Halsman travaille une centaine d’heures : il photographie Dalí en gros plan, réalise un contretype sur verre, fond l’émulsion pour la déformer puis recommence l’opération jusqu’à obtenir le visage fondu de Dalí. Il s’agit pour le photographe d’un véritable défi technique, relevé avec patience et succès.