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“Robert Adams” L’endroit où nous vivons
au Jeu de Paume, Paris

du 11 février au 18 mai 2014



www.jeudepaume.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 10 février 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Robert Adams, Longmont, Colorado, 1979. Épreuve gélatino-argentique. 12,5 x 12,5 cm. Yale University Art Gallery, acquis grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund, et du Janet and Simeon Braguin Fund. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York.
2/  Robert Adams, Eden, Colorado, 1968. Épreuve gélatino-argentique. 14,5 x 14,5 cm. Yale University Art Gallery, acquis grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund, et du Janet and Simeon Braguin Fund. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York.
3/  Robert Adams, Pikes Peak, Colorado Springs, Colorado, 1969. Épreuve gélatino-argentique. 14,5 x 15 cm. Yale University Art Gallery, acquis grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund, et du Janet and Simeon Braguin Fund. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York.

 


texte de Noemi Didu, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Composée de plus de deux cent cinquante tirages, issus de vingt et une séries distinctes, sélectionnés par Joshua Chuang et Jock Reynolds de la Yale University Art Gallery, cette exposition nous montre pour la première fois les différentes facettes du travail de Robert Adams. Ce choix s'étale sur quatre décennies et chacun des projets majeurs de l'artiste est représenté dans l'exposition. L'outil privilégié de la pratique créatrice de Robert Adams étant le livre de photographie, l'exposition présente également une sélection de la quarantaine de monographies de l’artiste.

De petit format - 15x15 cm pour la plupart d'entre eux - les tirages en noir et blanc qu’il réalise lui-même témoignent des relations complexes entre l'homme et la nature, entre l'homme et son environnement proche. Suivant une démarche documentaire teintée d'humanisme, Robert Adams dresse une chronique visuelle de l'évolution de l'Ouest américain dès les années 1970 à nos jours. En recherchant les traces de l'activité humaine sur les territoires qu'il arpente, le photographe dénonce certes la dégradation de l'environnement par l'homme mais ne sombre pas dans le pessimisme, il nous donne à voir la beauté de la nature révélée par une lumière esthétisante. « Toute terre, peu importe ce qu'on lui a fait, a en elle une grâce, une beauté qui persiste dans l'absolu » dira Robert Adams. Si le photographe nous invite à contempler cette beauté, il nous rappelle aussi la finitude et la fragilité de notre environnement et notre devoir citoyen de le préserver, dans l'Ouest américain comme ailleurs.

Noemi Didu

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires :
Joshua Chuang, conservateur associé pour la photographie et les médias numériques, Yale University Art Gallery
Jock Reynolds, directeur Henry J. Heinz II, Yale University Art Gallery




Comme beaucoup de photographes, j’ai commencé à prendre des photos par envie d’immortaliser des motifs d’espoir : le mystère et la beauté ineffables du monde. Mais, chemin faisant, mon objectif a aussi enregistré des motifs de désespoir et je me suis finalement dit qu’eux aussi devaient avoir leur place dans mes images si je voulais que celles-ci soient sincères, et donc utiles. Les seuls, à ma connaissance, à avoir dans une certaine mesure résolu ce conflit furent des écrivains, comme Emily Dickinson, et des peintres, comme Edward Hopper, eux qui ont scruté le monde avec tant d’application qu’il leur est arrivé d’en entrevoir un autre. J’ai trouvé, dans les carnets du poète Theodore Roethke, le sésame que je cherchais : “Je vois ce que je crois.”
J’ai beau me défier des abstractions, je me pose souvent trois questions, que je vous livre en guise de porte d’entrée à cette exposition : qu’est-ce que notre géographie nous oblige à croire ? Que nous autorise-t-elle à croire ? Et, le cas échéant, quelles obligations résultent de nos croyances ?

Robert Adams



Né à Orange (New Jersey) en 1937, Robert Adams grandit dans le Wisconsin, puis dans le Colorado où il réside plus de trois décennies avant de s’installer en Oregon. Depuis ses débuts en photographie, au milieu des années 1960, Adams est considéré par beaucoup comme l’un des chroniqueurs les plus importants et les plus influents de l’Ouest américain. L’exposition « Robert Adams : l’endroit où nous vivons » reflète l’intérêt ancien d’Adams pour la relation tragique entre l’homme et la nature ainsi que sa quête d’une lumière et d’une beauté rédemptrices au sein de paysages dégradés. Ses images se distinguent par leur économie et leur lucidité, mais aussi par un mélange de déploration et d’espoir. Avec plus de deux cent cinquante tirages choisis parmi vingt et une séries distinctes, cette rétrospective réunit pour la première fois les diverses facettes d’un corpus considérable. Composée et articulée en concertation avec le photographe lui-même, cette exposition offre un récit intime et cohérent de l’évolution de l’Ouest des États-Unis à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, mais aussi un regard stimulant sur la complexité et les contradictions de notre société contemporaine mondialisée.

Dans son travail, Robert Adams montre la façon dont les paysages grandioses de l’Ouest américain, déjà arpentés au XIXe siècle par des photographes comme Timothy O’Sullivan ou William Henry Jackson, ont été transformés par l’activité humaine. Adams a tenté d’offrir une apparente neutralité d’approche. Même les titres de ses images les apparentent au registre documentaire. Il est surtout connu pour ses photographies austères et nuancées de l’aménagement suburbain dans le Colorado de la fin des années 1960 et du début des années 1970, images remarquées pour la première fois grâce à un livre fondateur, The New West (1974). En 1975, Adams figurait dans une exposition qui fit date, « New Topographics ».

Chacun des projets majeurs du photographe est représenté dans l’exposition, depuis ses premières images montrant les sobres constructions et monuments érigés par les anciens occupants de son Colorado natal jusqu’aux toutes dernières vues de forêts et d’oiseaux migrateurs prises dans le Nord-Ouest Pacifique. Parmi ses autres projets d’envergure présents, on trouve : From the Missouri West, vues lointaines sur des paysages majestueux témoignant de l’intervention humaine ; Our Lives and Our Children, portraits d’une tendresse désarmante de gens ordinaires vaquant à leur quotidien à l’ombre d’une centrale nucléaire ; Los Angeles Spring, images d’un paradis jadis verdoyant, victime de la violence et de la pollution ; Listening to the River, vues lyriques et fragmentaires de localités rurales ou suburbaines du Colorado qui évoquent les plaisirs sensoriels de la marche à pied ; et West from the Columbia et Turning Back, deux séries consacrées aux vestiges du patrimoine naturel du Nord-Ouest Pacifique où Adams réside désormais.

A travers son travail, Adams se livre à un plaidoyer saisissant en faveur d’une approche humaniste de la photographie tout en exhortant ses concitoyens à ouvrir les yeux sur les dégâts infligés à notre habitat collectif. Souvent sous-estimées, ces images remarquables ne tombent pourtant jamais dans la simplification de leurs sujets. Banales ou éclatantes, elles font une juste part à la complexité et aux contradictions de la vie moderne. Prises comme un tout, les photographies de cette exposition mettent en lumière les intentions du photographe : donner à voir la richesse esthétique de notre environnement naturel et nous rappeler à notre obligation citoyenne de le protéger, non seulement dans l’Ouest américain, mais aussi dans le monde entier.

De petit format (beaucoup n’excèdent pas 15 x 15 cm), les tirages précis que Robert Adams réalisent lui-même méritent un examen attentif, voire une immersion intime et contemplative. Les visiteurs seront guidés à travers l’exposition par de courts textes puisés parmi les écrits du photographe. L’influence de l’oeuvre d’Adams s’est surtout exercée à travers ses publications, qui comptent plus de quarante monographies et constituent un outil indispensable de sa pratique créatrice. Une sélection de ces ouvrages sera présentée durant l’exposition et pourra être consultée sur des tables de lecture, occasion idéale pour le visiteur de comprendre l’usage magistral qu’Adams fait du livre de photographie comme support poétique à part entière.