contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Henri Cartier-Bresson” article 1230
au Centre Pompidou, Paris

du 12 février au 9 juin 2014



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, journée presse, le 10 février 2014.

1230_Henri-Cartier-Bresson1230_Henri-Cartier-Bresson

Légendes de gauche à droite :
1/  Henri Cartier-Bresson, Rue de Vaugirard, Paris, France, mai 1968. Épreuve gélatino-argentique, tirage réalisé en 1984. Collection Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris. © Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos, courtesy Fondation Henri Cartier-Bresson.
2/  Henri Cartier-Bresson, Martine Franck, Paris, France, 1967. Épreuve gélatino-argentique, tirage d’époque, 30,2 x 44,8 cm. Collection Eric et Louise Franck, Londres. © Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos, courtesy Fondation Henri Cartier-Bresson.

 


1230_Henri-Cartier-Bresson audio
Interview de Clément Chéroux, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 10 février 2014, durée 7'58". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Clément Chéroux, Conservateur au musée National d’art moderne
assisté de Julie Jones




À travers plus de cinq cents photographies, dessins, peintures, films et documents, le Centre Pompidou consacre une rétrospective inédite à l’oeuvre d’Henri Cartier-Bresson, la première en Europe depuis la disparition de l’artiste. Il invite le public à parcourir plus de soixante-dix ans d’une oeuvre qui impose le photographe comme l’une des figures majeures de la modernité.

L’exposition dévoile son oeuvre, au-delà de « l’instant décisif » qui a longtemps suffit à qualifier son génie de la composition et son habileté à saisir le mouvement. Dix ans après sa mort et maintenant que les milliers de tirages laissés à la postérité ont été réunis par la fondation qui porte son nom, l’exposition invite à une véritable relecture de l’oeuvre d’Henri Cartier-Bresson. Celui que l’on a surnommé « l’oeil du siècle » fut l’un des grands témoins de notre histoire.

La rétrospective du Centre Pompidou révèle toute la richesse de son travail et la diversité de son parcours de photographe, du Surréalisme à la guerre froide, en passant par la guerre d’Espagne, la Seconde Guerre mondiale et la décolonisation. L’exposition présente les clichés iconiques du photographe et met aussi en lumière des images moins connues : elle réévalue certains reportages plus confidentiels, fait émerger des ensembles de peintures et de dessins et se penche sur les incursions d’Henri Cartier-Bresson dans le domaine du cinéma.

À la fois chronologique et thématique, le parcours s’articule autour de trois axes : la période des années 1926 à 1935, marquées par la fréquentation du groupe surréaliste, les débuts photographiques et les grands voyages à travers le monde ; un second volet est consacré à l’engagement politique d’Henri Cartier-Bresson de son retour des États-Unis en 1936 jusqu’à son nouveau départ pour New York en 1946 ; une troisième séquence s’ouvre avec la création de Magnum Photos en 1947 et s’achève au début des années 1970, au moment où Henri Cartier-Bresson arrête le photo-reportage.

À l’occasion de cette rétrospective, un catalogue à la fois ouvrage de référence et beau livre, est publié aux Éditions du Centre Pompidou sous la direction de Clément Chéroux.



Introduction

La plupart des grandes rétrospectives qui, ces dernières années, ont été consacrées à Cartier-Bresson (1908-2004), se sont évertuées à définir l’unité de sa vision. La carrière du photographe fut pourtant longue : entamée à la fin des années 1920, elle ne se termine qu’à l’orée du XXIe siècle et connaît différentes périodes de développement qu’il est difficile de réduire en une seule et même entité stylistique. À l’opposé de ces approches unificatrices, la présente exposition a pour ambition de montrer qu’il n’y eut pas un, mais bien plusieurs Cartier-Bresson.

Jusqu’à sa disparition en 2004, toutes les expositions monographiques supervisées par le photographe étaient entièrement tirées pour l’occasion en un ensemble d’épreuves d’un ou deux formats, sur des papiers d’une même qualité de grain, de tonalité et de surface. Il en résultait une très grande uniformité qui avait tendance à niveler la diversité de l’oeuvre. La présente rétrospective respecte la temporalité historique de la production des images en privilégiant, dans la mesure du possible, les tirages réalisés à l’époque de la prise de vue.

Du surréalisme à Mai 68, en passant par la guerre d’Espagne, la décolonisation et les Trente Glorieuses, l’exposition retrace chronologiquement le parcours de Cartier-Bresson. Dix ans après sa disparition, et à l’issue d’un travail de recherche de plusieurs années, elle propose, loin des mythes et des poncifs, une nouvelle lecture de l’immense corpus d’images qu’il nous a légué. À travers plus de 500 photographies, dessins, peintures, films et documents, regroupant ses plus grandes icônes, mais aussi des images moins connues, l’exposition veut faire l’histoire de l’oeuvre et, à travers elle, celle du siècle.



Salle 1 : Préambule
« J’ai toujours eu une passion pour la peinture, écrit Cartier-Bresson. Étant enfant j’en faisais le jeudi et le dimanche, j’y rêvais les autres jours. » Le jeune garçon commence très tôt à dessiner. Il agrémente ses lettres de petits dessins et remplit des carnets de croquis. À la même époque, il commence à photographier, en amateur. Dès le milieu des années 1920, il peint régulièrement auprès de Jacques-Émile Blanche ou de Jean Cottenet avant d’intégrer l’académie d’André Lhote. Ses plus anciennes peintures qui aient été conservées datent de 1924. Elles portent la trace évidente de l’influence de Paul Cézanne. Dans l’atelier d’André Lhote, le jeune homme contracte le virus de la géométrie. Les toiles qu’il peint entre 1926 et 1928 sont très soigneusement composées selon les principes du nombre d’or. Au même moment, Cartier-Bresson commence à fréquenter les surréalistes et à réaliser des collages dans l’esprit de son ami Max Ernst.

Salle 2 : Signes ascendants
L’oeuvre photographique d’Henri Cartier-Bresson est le produit d’un ensemble de facteurs combinés : une certaine prédisposition artistique, un apprentissage assidu, un peu d’air du temps, des aspirations personnelles, beaucoup de rencontres. Elle voit le jour dans les années 1920, sous le double signe de la peinture et de la photographie pratiquées en amateur, puis se développe à travers quelques moments fondateurs comme le voyage en Afrique en 1930-1931. Elle porte la trace de son amour de l’art, des heures passées à lire ou à regarder la peinture dans les musées. Elle a été profondément marquée par l’enseignement d’André Lhote et la fréquentation de ses amis américains : Julien Levy, Caresse et Harry Crosby, Gretchen et Peter Powel. Auprès du premier, il s’initie aux plaisirs de la composition. En compagnie des seconds, il découvre les photographies d’Eugène Atget et celles de la Nouvelle Vision. Le premier Cartier-Bresson est le produit de ces diverses influences : c’est une complexe alchimie.

Salle 3 : L’attraction surréaliste
Par l’intermédiaire de René Crevel, rencontré chez Jacques-Émile Blanche, Cartier-Bresson commence à fréquenter les surréalistes vers 1926. « Trop timide et trop jeune pour prendre la parole », comme il le racontera plus tard, il assiste « en bout de table » à quelques réunions autour d’André Breton dans les cafés de la place Blanche. De ces fréquentations, il retiendra quelques motifs emblématiques de l’imaginaire surréaliste : les objets empaquetés, les corps déformés, les rêveurs aux yeux clos, etc. Mais plus encore, c’est l’attitude surréaliste qui le marque : l’esprit subversif, le goût du jeu, la place laissée à l’inconscient, le plaisir de la déambulation urbaine, une certaine prédisposition à accueillir le hasard. Cartier-Bresson sera particulièrement sensible aux principes de la beauté convulsive énoncés par Breton et ne cessera de les mettre en oeuvre au cours des années 1930. De ce point de vue-là, il est sans doute l’un des photographes les plus authentiquement surréalistes de sa génération.

Salle 4 : L’engagement militant
Comme la plupart de ses amis surréalistes, Cartier-Bresson partageait nombre des positions politiques des communistes : un farouche anticolonialisme, un engagement sans faille auprès des républicains espagnols et une profonde croyance dans la nécessité de « changer la vie ». Après les violentes émeutes organisées en février 1934, à Paris, par les ligues d’extrême-droite, qui sont à l’époque perçues comme un risque d’extension à la France de la montée en puissance du fascisme européen, son engagement devient plus tangible. Il signe alors plusieurs tracts d’« appel à la lutte » et d’« unité d’action » des forces de gauche. Au cours de ses voyages au Mexique et aux États-Unis, en 1934-1935, la plupart des personnes qu’il fréquente sont très engagées dans le combat révolutionnaire. À son retour à Paris en 1936, Cartier-Bresson s’est radicalisé : il participe régulièrement aux activités de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR) et commence à travailler pour la presse communiste.

Salle 5 : Le cinéma et la guerre
Cartier-Bresson disait du cinéma qu’il lui avait « appris à voir ». C’est au cours de son voyage au Mexique, en 1934, qu’apparaissent les premiers indices de son désir de réaliser lui-même des films. Le cinéma l’intéresse dans le contexte de son propre engagement militant. Car il s’adresse à une plus large audience que la photographie et permet, par sa structure narrative, de mieux faire passer le message. En 1935, aux États-Unis, il apprend les rudiments de la caméra auprès d’une coopérative de documentaristes très inspirés par les idées politiques autant qu’esthétiques des Soviétiques et réunis autour de Paul Strand sous l’appellation de « Nykino », la contraction des initiales de « New York » et du mot « cinéma » en russe. Avec eux, il réalise un premier court métrage. À son retour à Paris, en 1936, après avoir essayé sans succès de se faire engager comme assistant par Georg Wilhelm Pabst, puis par Luis Buñuel, il inaugure une collaboration avec Jean Renoir qui durera jusqu’à la guerre.

Salle 6 : Le choix du photoreportage
En février 1947, Cartier-Bresson inaugure sa première grande rétrospective institutionnelle au Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Quelques mois plus tard, avec Robert Capa, David Seymour, George Rodger et William Vandivert, il fonde l’agence Magnum qui deviendra rapidement l’une des références mondiales en matière de photoreportage de qualité. Après son exposition au MoMA, Cartier-Bresson aurait pu choisir de n’être qu’artiste. Mais il décide de devenir pleinement reporter en s’engageant dans l’aventure Magnum. À partir de 1947, et jusqu’au début des années 1970, il multiplie les voyages et les reportages aux quatre coins du monde, travaillant pour à peu près tous les grands magazines illustrés internationaux. Malgré les contraintes de la presse, les délais très réduits du système médiatique et les contingences de la commande, Cartier-Bresson parviendra néanmoins, pendant ces décennies de reportage, à maintenir sa production photographique à un très haut niveau d’excellence.

Salle 7 : Anthropologie visuelle
Parallèlement à ses reportages, Cartier-Bresson a également photographié certains sujets de manière récurrente, dans tous les pays où il est allé et sur plusieurs années. Réalisées en marge des reportages, ou de manière totalement autonome, ces séries d’images qui s’interrogent sur quelques-unes des grandes questions de société de la seconde moitié du XXe siècle ont valeur de véritables enquêtes. Elles ne répondent pas à une commande, n’ont pas été faites dans l’urgence imposée par la presse et sont beaucoup plus ambitieuses que nombre de reportages. Ces enquêtes thématiques et transversales que Cartier-Bresson décrit lui-même comme une « combinaison de reportage, de philosophie et d’analyse (sociale, psychologique et autre) » s’apparentent à l’anthropologie visuelle, cette forme de connaissance de l’humain dans laquelle les outils d’enregistrement analogique jouent un rôle essentiel. « Je suis visuel, disait d’ailleurs Cartier-Bresson [...]. J’observe, j’observe, j’observe. C’est par les yeux que je comprends. »

Salle 8 : Après la photographie
À partir des années 1970, Cartier-Bresson, qui a désormais dépassé les soixante ans, cesse progressivement de répondre aux commandes de reportages, c’est-à-dire de photographier dans un cadre contraint. Considérant que Magnum s’éloigne chaque jour un peu plus de l’esprit qui avait été à l’origine de sa création, il se retire des affaires de l’agence. Sa renommée internationale n’a cessé de croître : il est devenu une légende vivante. En France, il incarne, presque à lui seul, la reconnaissance institutionnelle de la photographie. Ce qui n’est évidemment pas pour lui plaire. Il passe beaucoup de temps à superviser l’organisation de ses archives, la vente de ses tirages et la réalisation de livres ou d’expositions. S’il a officiellement arrêté de photographier, il garde cependant toujours son Leica à portée de main et réalise occasionnellement des images plus contemplatives. Mais surtout, il va beaucoup dans les musées ou les expositions et passe le plus clair de son temps à dessiner.