contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Gustave Doré (1832-1883)” L’imaginaire au pouvoir
au Musée d'Orsay, Paris

du 18 février au 11 mai 2014



www.musee-orsay.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 17 février 2014.

1243_Gustave-Dore1243_Gustave-Dore1243_Gustave-Dore

Légendes de gauche à droite :
1/  Adrien Tournachon (1825-1903), Gustave Doré barbu, vers 1854. Photographie, 23,3 x 17 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie. © Bibliothèque Nationale de France.
2/  Gustave Doré, Les Saltimbanques dit aussi L’Enfant blessé, 1874. Huile sur toile, 224 x 184 cm. Clermont-Ferrand, musée d’Art Roger-Quillot. © Ville de Clermont-Ferrand - musée d'art Roger-Quilliot.
3/  Gustave Doré, « Au secours ! Au secours ! Voilà M. le marquis de Carabas qui se noie », frontispice pour Le Maître Chat ou Le Chat botté, publié dans Charles Perrault, Contes, illustré par Gustave Doré, gravé par Adolphe François Pannemaker (1822-1900), Paris, Hetzel, 1862, in-fol. 43 x 31 x 4,5 cm (livre fermé). Paris, Bibliothèque nationale de France, réserve des Livres rares. © Bibliothèque Nationale de France.

 


1243_Gustave-Dore audio
Interview de Edouard Papet, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 février 2014, durée 5'17". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

L'exposition Gustave Doré au musée d'Orsay nous permet de découvrir un artiste complet ayant exercé une égale virtuosité dans tous les domaines : dessin, gravure, peinture, sculpture. Le parcours s'ouvre sur des toiles de grand format et des sculptures, nous prenant à contre-pied de ce que l'on pensait savoir de l'artiste. Autodidacte, Gustave Doré montre une parfaite assimilation des codes classiques de la peinture mais en bouscule le cadre en poussant les contrastes. La lumière fait littéralement jaillir ses sujets d'une noire obscurité, leur donnant un volume tridimentionnel, elle les libère de la surface plane de la toile, les éclabousse d'une clarté liquide.

Dès ses premiers dessins dans le Journal pour rire il démontre une maitrise de la caricature, un sens de la posture, du mouvement, et réussit à sur-passer ses pairs par un trait qui préfigure la bande dessinée. Son travail d'illustrateur laisse une oeuvre impressionnante par son étendue et sa diversité. Reportage dans les rues de Londres, voyage en Espagne à la recherche des sources de Don Quichotte, interprétations de la Bible ou des contes de Perrault expriment un talent unique pour faire surgir de l'image une narration riche et animée.

Avec un sens aigu de la composition, le dessin s'organise en plans successifs mais liés dans une profondeur de champ cinématographique. D'un détail de premier plan au dernier nuage du fond, tout est assemblé dans une forte cohérence, créant un univers vivant, dense et mouvant. Les sujets se découpent sur des fonds sombres et brumeux, sfumato où sont tapies des créatures. Les personnages centraux sont sculptés par la lumière comme ces sujets qui se distinguent d'un ténébreux fond d'aquarelle par les traits de gouache blanche du rayonnement qui en délimite les formes. La technique de gravure atteint un niveau inégalé : aucun élément n'est laissé au hasard, les ciels lumineux laissent percevoir d'infimes variations dans leur clarté, de légers dégradés ou bien un halo lumineux diffus. Les textures sont détaillées, finement sculptées. Les pelages d'animaux, la souplesse du cuir et son épaisseur, des feuilles se balançant au gré d'une bise, les vagues de l'océan ou les drapés suivent autant de trajectoires et forment la trame d'un récit.

Une série de toiles nous dévoile une facette méconnue de Gustave Doré, celle de paysagiste. Des panoramas de montagne en montrent la puissance et la majesté. Ce sont pas des contemplations paisibles et immobiles mais l'expression des flux indomptables de la nature : des sommets s'enflamment aux dernières lueurs du jour tandis que le ciel encore clair commence à se peupler d'étoiles, un orage s'avance dans une vallée et l'atmosphère devient électrique.

Gustave Doré nous laisse un très riche héritage. Son univers s'est établi durablement comme référence à notre imaginaire depuis la bande dessinée jusqu'aux effets spéciaux numériques du cinéma.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Paul Lang, directeur adjoint et conservateur en chef au musée des beaux-arts du Canada
Edouard Papet, conservateur en chef au musée d’Orsay
Commissaire scientifique :
Philippe Kaenel, professeur d’histoire de l’art à l’université de Lausanne
Cette exposition est réalisée par le musée d’Orsay et le musée des beaux-arts de Canada, Ottawa, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France.




Gustave Doré (1832-1883) fut sans doute l‘un des plus prodigieux artistes du XIXe siècle. À quinze ans à peine, il entame une carrière de caricaturiste puis d‘illustrateur professionnel – qui lui vaudra une célébrité internationale – avant d‘embrasser, à l'exemple des figures universelles de la Renaissance, tous les domaines de la création : dessin, peinture, aquarelle, gravure, sculpture.

L‘immense talent de Doré s‘investit aussi dans les différents genres, de la satire à l‘histoire, livrant tour à tour des tableaux gigantesques et des toiles plus intimes, des aquarelles flamboyantes, des lavis virtuoses, des plumes incisives, des gravures, des illustrations fantasques, ou encore des sculptures baroques, cocasses, monumentales, énigmatiques.

En tant qu‘illustrateur, Doré s‘est mesuré aux plus grands textes. Ses illustrations de la Bible, de Dante, Rabelais, La Fontaine, Perrault, Cervantès, Milton, Shakespeare, mais aussi de ses contemporains, comme Hugo, Balzac, Poe, Tennyson, font de lui un véritable passeur de la culture européenne. Son oeuvre multiforme occupe ainsi une place cruciale dans l‘imaginaire contemporain : Van Gogh, admiratif, s‘inspira de certaines de ses oeuvres, le cinéma (de Cecil B. DeMille à Terry Gilliam) fit son miel de ses images saisissantes, et il n‘est pas jusqu‘à la bande dessinée qui ne puisse lui réclamer ses actes de naissance.

Première rétrospective de l‘oeuvre de Doré depuis trente ans, l‘exposition du musée d‘Orsay lèvera le voile sur tous les aspects de son art.



Introduction

Gustave Doré, exact contemporain d‘Edouard Manet, a subi comme ce dernier le rejet de la critique de son temps. Mais alors que Manet est devenu le héros de la modernité, Doré est resté pour beaucoup le plus illustre des illustrateurs : certaines d‘illustrations pour la Bible ou l‘Enfer de Dante demeurent des images à jamais gravées dans la mémoire collective. Connaissant de son vivant puis après sa mort une diffusion sans équivalent en Europe et aux Etats-Unis, il fut l‘un des grands passeurs de la culture européenne, autant par l‘illustration des grands classiques (Dante, Rabelais, Cervantès, La Fontaine, Milton…) que celle de ses contemporains (Balzac, Gautier, Poe, Coleridge, Tennyson…).

Doré semble n‘avoir eu aucune limite créatrice : dessinateur, caricaturiste, illustrateur, aquarelliste, peintre, sculpteur… il constitue ainsi un artiste protéiforme qui investit les principaux genres et formats de son époque, de la satire à la religion, du croquis aux toiles monumentales. Il occupe non seulement une place centrale dans la culture visuelle du XIXe siècle, mais encore marque l‘imaginaire du XXe et du début du XXIe siècle, aussi bien pour la bande dessinée, dont il est considéré comme l‘un des pères fondateurs, que pour le domaine cinématographique. Comme nul autre artiste de son siècle, Doré, toutes techniques confondues, au filtre de son « oeil visionnaire », donne à voir, comme dans une perpétuelle quête de nouvelles frontières à repousser, le spectacle foisonnant et habité des mondes poétiques issu de son imaginaire.

Avant de devenir le plus illustre des illustrateurs, Doré débute dans le domaine de la caricature et de la presse périodique, comme nombre de jeunes artistes en quête de notoriété. Le célèbre éditeur parisien, Charles Philipon, est son premier mentor. Daumier ou Cham deviennent ses collègues. Après une période d‘essai, il est engagé par contrat en avril 1848.

Dans le domaine du livre, Doré acquiert une réputation grâce à l‘illustration des oeuvres de Rabelais (1854) et des Contes drolatiques de Balzac (1855). Au même moment, il déclare se donner pour but de « faire dans un format uniforme et devant faire collection, tous les chefs-d‘oeuvre de la littérature, soit épique, soit comique, soit tragique », dans des formats monumentaux. Dans les années 1860, Doré acquiert une notoriété internationale grâce à l‘illustration de la Sainte Bible et de l‘Enfer de Dante. Il devient par ailleurs l‘un des artistes les plus hispanophiles et les plus anglophiles de sa génération et connaît une fortune considérable au Royaume-Uni grâce à la « Doré Gallery » qu‘il cofonde à Londres en 1867-1868. La Grande-Bretagne et l‘Espagne, sous l‘angle littéraire ou pittoresque, vont durablement inspirer Doré, autant pour l‘illustration que pour la peinture.

Doré ne se limite pas à cette dernière et aborde tour à tour – parfois dans des dimensions exceptionnelles – l‘eau-forte et l‘aquarelle. Il expose régulièrement ses oeuvres à Paris au Salon et à Londres dans les locaux de la « Doré Gallery ». En plus de tableaux historiques, religieux ou scènes de genre, souvent inspirées de ses illustrations, Doré, passionné d'alpinisme, expose nombre de paysages vus lors de ses fréquents déplacements en Savoie, dans les Vosges, en Espagne, en Ecosse, et surtout en Suisse. Il devient ainsi en France l‘un des principaux représentants du paysage de montagne au XIXème siècle, livrant des visions spectaculaires et lyriques.