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“Dries Van Noten” Inspirations
au Musée des Arts Décoratifs, Paris

du 1er mars au 31 août 2014 (prolongée jusqu'au 2 novembre 2014)



www.lesartsdecoratifs.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 28 février 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Dries Van Noten, défilé Printemps/Eté 2009. © Patrice Stable.
2/  Dries Van Noten, défilé Printemps/Eté 2014. © Tommy Tom.
3/  Dries Van Noten, 2010.

 


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Interview de Pamela Golbin, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 28 février 2014, durée 2'43". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

“Ceci n’est pas une rétrospective” pourrait-être écrit à l'entrée de l'exposition que les Arts Décoratifs consacrent au styliste Dries Van Noten. La scénographie, labyrinthe noir et obscur dont la lumière qui nous guide est celle des vitrines, propose une plongée dans l’intime, dans l’écheveau des images et des sons qui nourrissent le créateur. Les oeuvres du designer se mêlent à celles de ses prédécesseurs et contemporains, à des toiles, photographies, disques, extraits ou affiches de films qui ont inspiré ses collections.

Difficile dans un premier temps de faire la part des choses entre le travail de Dries Van Noten et ses influences tant tout se mélange. Nous voilà plongés dans un univers punk, London Calling des Clash et des créations de Vivienne Westwood. Quelque part au milieu de cette ébullition, une première collection, créations d'étudiant, pose un premier jalon, premier questionnement de l’ordre établi. Puis se met en place une véritable oeuvre, construite collection après collection, organisée en thématiques. De l’Espagne à l'Inde, de David Bowie à Francis Bacon, de l’Angleterre victorienne aux films de Visconti se crée une mode d'une grande sensualité, qui porte un grand respect aux traditions tout en s'inscrivant dans une audacieuse avant-garde.

Car ce qui caractérise l’oeuvre de Van Noten est bien cette effronterie nourrie de l’énergie du rock. Il bouleverse les genres en dessinant des vêtements pour femmes tirés de modèles masculins, des étoffes jusqu’ici destinées à l’habillement féminin composent vestes et chemises pour hommes, osant d'une extravagance épicée dans les dessins et ornements. Il présente une collection au passage Brady à Paris, au milieu des restaurants pakistanais ou fait défiler ses mannequins sur la nappe d'une table de banquet, parmi les verres et la vaisselle.

Mais cette irrévérence est d’abord fondée sur le respect de l’histoire et des traditions. Les motifs sont choisis avec un grand soin et transmettent un riche héritage culturel. Vestes, manteaux et robes reprennent de classiques motifs floraux, des gravures du XIXéme siècle, des imprimés indiens ou des estampes japonaises. Le vêtement se donne pour fonction de faire sortir des oeuvres des musées pour les exposer dans la rue. Il y a aussi un grand amour et une reconnaissance des mille artisans qui brodent et parent ces pièces de perles et de coquillages, un hommage à l’inspirante beauté des modes vernaculaires, traditions et savoir-faire populaires qui se transmettent de génération en génération dans de modestes ateliers anonymes.

La mode créée par Dries Van Noten est d'une élégance classique qui se mettrait en mouvement, entrainée par de puissants riffs de guitare électrique, l’idée d'un luxe échappé des salons, indocile et libre.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire :
Pamela GOLBIN, conservateur général des collections contemporaines de mode et textiles aux Arts Décoratifs
Scénographie : Jean-Dominique SECONDI, ARTER




Du 1er mars 2014 au 31 août 2014, Les Arts Décoratifs consacrent une exposition au créateur de mode belge, Dries Van Noten . Cette première exposition à Paris est une invitation à un voyage intime et affectif de son univers . En présentant ses sources d’inspiration nombreuses et multiples, Dries Van Noten a choisi de nous révéler son processus si particulier de création. Ce projet totalement inédit, fait d’acumulations choisies et de superpositions pensées, confronte les collections de mode féminine et masculine de Dries van Noten aux collections de mode des Arts Décoratifs, ainsi qu’aux photos, vidéos, extraits de films, références musicales , oeuvres d’art françaises et internationales provenant de collections publiques et privées qui ont nourri sa création.

Initié par tradition familiale à la culture textile, Dries Van Noten étudie la création de mode à l’Académie Royale des Beaux-arts d’Anvers et obtient son diplôme en 1981. En 1986, il crée sa propre marque indépendante, soutenu par Christine Mathys et Patrick Vangheluwe. Sa première collection homme est présentée à Londres en 1986 avec Walter Van Beirendonck, Ann Demeulemeester, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs et Marina Yee : « les six d’Anvers » constituant un groupe informel de jeunes créateurs belges devenu synonyme d’avant-garde de la mode. Le vocabulaire esthétique de Dries Van Noten est identifiable immédiatement. Le couturier, en s’appuyant sur un brassage d’images d’hier et d’aujourd’hui et de cultures venues d’ailleurs ressuscite à travers ses collections, toujours une mémoire, un souvenir ou la trace d’un voyage intime. Dries Van Noten peut ainsi élaborer ses collections à partir de voyages fantasmés, de lieux exotiques qu’il fait surgir de son imaginaire et qui pourtant empruntent aux différentes traditions ethniques et folkloriques de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique ou du Mexique. Les images alors inventées apportent à ses textiles un raffinement extrême, tant dans le choix des motifs imprimés que dans les tissages et le choix des matières, telle la collection femme Printemps-Été 2010 ou celle du Printemps-Été 2014. Ses défilés peuvent tout autant témoigner d’une émotion ressentie devant une toile ou le travail d’un artiste. Les oeuvres de Francis Bacon, d’Elizabeth Peyton ont donné lieu à des inspirations directes. Toute la collection femme Automne-Hiver 2009 décline l’oeuvre du premier, tandis que la collection homme Printemps-Eté de la même année est construite autour d’un seul tableau d’Elizabeth Peyton : « Democrates are more beautiful » (2001). La référence peut être moins immédiate et davantage relever de l’intime et de l’évocation. Dries Van Noten peut ne retenir qu’une couleur, une gestuelle ou une atmosphère. La puissance et la force du rouge chez Mark Rothko, la lumière bleue si particulière de la grotte de Capri ou la fragilité qu’évoque le papillon peuvent être le point de départ d’une collection. Car les sources d’inspiration de Dries dépassent la hiérarchie des arts et la culture vernaculaire est pour lui tout aussi riche d’influences. Ses créations se nourrissent de ces contrastes et la dualité est aussi une autre constante du vocabulaire de Dries Van Noten. Souvent le créateur use des oppositions homme – femme pour repousser les limites de la garde-robe : des tissus connotés comme féminins telle que la dentelle par exemple habillent l’homme tandis que les coupes masculines sont déclinées dans les collections femmes. Le raffinement que le créateur de mode apporte à chacune de ses collections culmine dans la mise en scène de ses défilés, dont certains figurent parmi les plus marquants de ces dernières décennies. Le créateur ose des lieux improbables mais toujours en lien avec le thème de la collection, comme le passage Brady situé en plein coeur du quartier indien de Paris dans le Xème arrondissement, pour la collection homme Printemps-Eté 1994. Plus récemment, en 2008, la fontaine de Pol Bury dans la cour du Palais Royal servait de décor au défilé de la collection femme Printemps-Eté 2009, ou encore le 50ème défilé en septembre 2004 célébré autour d’un gigantesque banquet.

Pour cette exposition, Dries Van Noten a réuni des éléments qui reflètent ses sources d’inspiration, à l’image des « Chambres de merveilles » de la Renaissance qui rassemblaient des objets « mémorables », des souvenirs. Les pièces sont présentées dans une juxtaposition tout à fait étonnante qui semble imprévisible au premier regard mais qui reste fidèle à son processus de travail. Ces choix sont en réalité le fruit d’un savant montage conçu par le créateur qui a procédé par association d’idées en jouant et déjouant les affinités entre les pièces. La présentation décline toute une série de thèmes qui caractérisent la production de Dries Van Noten depuis le début des années 1980. Dans cet assemblage, aux allures initiatiques, se rencontrent les références historiques et artistiques, ethniques et cinématographiques, musicales ou géographiques, réunissant la création de tous les Arts. En décelant des influences, des analogies et des contradictions, la mode, les arts décoratifs et les beaux-arts ont été réunis pour construire le vocabulaire intime et la démarche distinctive du créateur anversois.

Afin d’évoquer des thématiques intimes telles que la Jeunesse, l’Archétype, L’Ambiguïté, la Passion, ou encore pour créer une promenade à travers les thèmes qui composent sa signature, des pièces anonymes du XIXe siècle ou de couturiers emblématiques comme Elsa Schiaparelli, Christian Dior ou de créateurs des années 1980 ont été sélectionnées. Grâce à des prêts exceptionnels, des oeuvres d’artistes majeurs tels que Bronzino, Kees Van Dongen, Yves Klein, Victor Vasarely, Francis Bacon, Elizabeth Peyton, Damien Hirst, sont présentées dans chaque section de l’exposition. Certains films comme Orange mécanique de Stanley Kubrick et La leçon de piano de Jane Campion sont évoqués. Cette exposition est aussi le fruit d’une véritable collaboration avec le musée qui a conduit Dries Van Noten à s’inspirer de certains motifs textiles du XIXe siècle reproduits pour les collections de prêt-à-porter masculine et féminine - printemps/été 2014, qu’il a respectivement dévoilées à Paris, en juin et en septembre 2013.