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“Bois sacré” Initiation dans les forêts guinéennes
au musée du quai Branly, Paris

du 4 mars au 18 mai 2014



www.quaibranly.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 3 mars 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Masque anthropomorphe, Masque de l'initiation du Poro. Bois dur, cuivre, poils (?). 45 x 16 x 15 cm, 841 g. Pays: Louma. Continent: Afrique. Ethnie: Toma (population). © musée du quai Branly, photo Claude Germain.
2/  Nyangbaï, Masque de l'initiation du Poro. Bois, étain, peau (singe ou civette). 91 x 48 x 16 cm, 1206 g. Pays: Guinée. Continent: Afrique. Ethnie: Toma (population). © musée du quai Branly, photo Claude Germain.
3/  Angbaï, Masque de l'initiation du Poro. Bois. 53 x 25 x 13,5 cm, 1431 g. Pays: Guinée forestière (région).Continent: Afrique. Ethnie: Toma (population). © musée du quai Branly, photo Claude Germain.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

La soixantaine de masques exposés venant de Guinée, de Côte d'Ivoire, de Sierra Leone ou du Liberia est une invitation à pénétrer dans les mystères du poro, un système d'initiation secrète datant du XVIème siècle. Mais le poro est bien plus que ça, il s'agit d'une véritable institution sociale, économique et militaire.

Les masques angbaï symbolisent le plus naturellement l'importance du secret. Lisses et plats, extrêmement stylisés, ils ne comportent pas de bouche ni d'yeux. Très peu de détails non plus, quelques tresses, cornes, la direction donnée à la coiffure à laquelle un simple motif géométrique donne son identité. Un front proéminent et un nez réussissent à créer les traits d'un visage. Ce sont des œuvres étonnantes par leur pouvoir d'évocation, l'ombre du front suffit à créer deux yeux noirs, un regard dense et profond, plongée dans l'abîme des mystères du monde. Tout designer sait la quantité de réflexion et de travail nécessaire pour arriver à épurer la forme jusqu'à son essence. Ces masques montrent l'aboutissement de siècles de recherche, de transmission, de questionnement sur le dessin, la forme et sa fonction.

Plus détaillés, les masques sandé étaient portés comme heaumes par des femmes. Les visages courts et triangulaires sont surmontés d'opulentes coiffures. Tresses alignées ou se croisant, parfois formant des arcs ou des cornes, la chevelure, au delà de sa majestueuse beauté, se pare des attributs de la puissance, formes animales ou véritables architectures.

Il s'agit de se connecter aux esprits, d'apprivoiser la terreur qu'ils inspirent pour en faire des alliés. Les poro sont annoncés par une parade sonore de masques effrayant le village. La zoomorphie crée le lien entre l'homme et l'animal, comme dans ce masque dandaï dont le visage humain se prolonge par une longue mâchoire de crocodile articulée. Des cornes sont utilisées dans la composition de certaines pièces quand elles ne sont pas sculptées dans le bois. Leur charge magique est renforcée par les amas organiques qui en recouvrent certains, produits des rituels, allant parfois jusqu'à en dissimuler les formes. Cornes et bois peuvent également être remplis de divers matériaux aux pouvoirs magiques : graines, griffes d'animaux ou petits sachets contenant des amulettes.

Car ces masques sont habités d'un grand pouvoir, ils ont des caractères propres, peuvent se cacher ou se montrer, parler ou bien avoir un comportement agressif. Le secret entourant ces attributs magiques et spirituels est ce qui confère le pouvoir à ceux qui le détiennent. Et c'est à travers la révélation de ces mystères que l'enfant devient adulte et apte à protéger sa communauté.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition :
Aurélien Gaborit, responsable de collections Afrique au musée du quai Branly.
Responsable scientifique du Pavillon des Sessions au musée du Louvre




L’exposition BOIS SACRÉ, Initiation dans les forêts guinéennes est la première exposition spécifique sur l’art des Toma et dévoile l’exceptionnel ensemble de masques Toma conservé dans les collections du musée du quai Branly.

Système initiatique de la majorité des populations établies dans les forêts guinéennes (Libéria, Guinée, Côte d’Ivoire), le Poro aurait été instauré dans le courant du 16e siècle par les Toma puis adopté par d’autres populations d’Afrique de l’Ouest. Les objets, et tout particulièrement les masques, y jouent un rôle essentiel et matérialisent le pouvoir détenu par quelques grands initiés.

Pour la première fois, l’exposition évoque l’origine du Poro, la cérémonie d’initiation, l’histoire de la collecte et le secret qui entoure ces objets et qui leur confère une force redoutée. BOIS SACRÉ, Initiation dans les forêts guinéennes rassemble un ensemble de masques, dont les plus connus sont les très rares masques Toma, ainsi que différents objets, statuettes et photographies contextuelles sur ces sociétés à mystères.



LE PORO : un système initiatique en Afrique de l’ouest
Dans de nombreuses cultures d’Afrique, l’initiation constitue un moment clé de la vie de chaque individu et de la communauté. En Afrique de l’Ouest, cet apprentissage est connu sous le nom de Poro.
Le système initiatique très ancien du Poro aurait été créé vers le 16e siècle par les Toma, établis entre la Guinée et le Libéria avant d’être assimilé, avec des variantes, par plusieurs populations d’Afrique de l’Ouest. La fréquence et les étapes de l’initiation, les masques et statues liées aux célébrations, les esprits et les récits sont si diversifiés qu’ils prouvent que le Poro a été adapté par chaque communauté. Ainsi le Poro des Sénoufo (Côte d’Ivoire et Mali) diffère de celui des Toma (Guinée, Libéria) qui lui-même n’est pas identique à celui des Bassa (Libéria).


Célébrer le Poro chez les Toma
Le Poro structure et contrôle la communauté, ce que viennent rappeler très régulièrement les différents masques et danseurs. Au sein de la confrérie du Poro, il existe une hiérarchie très stricte qui détient les masques et en organise les sorties.
Toute initiation comprend une période de réclusion dans un lieu tenu secret, au sein de la forêt. Les jeunes gens sont retirés du milieu familial et menés dans un espace sacré. Lors de cet isolement, ils acquièrent des connaissances qui leur permettront de devenir des adultes à part entière, et de revenir dans la communauté. Au cours des étapes de l’initiation, les masques se manifestent de manière plus ou moins visible. Certains initiés peuvent par la suite intégrer la hiérarchie du Poro qu’il faut comprendre comme une organisation politique, commerciale, militaire, omniprésente dans la vie des Toma.
L’ensemble de masques Toma conservé au musée du quai Branly constitue le noyau de l’exposition qui explicite leur rôle à chaque étape de l’initiation.

Le secret au coeur du Poro
Le Poro c’est, avant tout, former les personnes à savoir garder un secret, tisser des liens invisibles, même au regard de certains initiés, entre les différents membres du Poro, et au-delà, avec d’autres communautés. Les initiés tissent des liens très forts car ils sont créés dans les épreuves et partagés par l’ensemble des communautés.
Connaître un secret, c'est avoir le pouvoir. Le Poro se fonde sur le secret et sa conservation: les savoirs et les connaissances ne doivent pas être divulgués, l'identité des membres du Poro et leur niveau d'implication dans la société ne doivent pas être révélés.
Les Toma, dont on disait qu’ils punissaient de mort ceux qui ne se pliaient pas aux règles du Poro, furent longtemps redoutés. Ainsi le Poro a permis aux Toma de développer un réseau économique, militaire et judiciaire à une vaste échelle régionale, avant la colonisation.