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“Van Gogh / Artaud” Le suicidé de la société
au Musée d'Orsay, Paris

du 11 mars au 6 juillet 2014



www.musee-orsay.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 10 mars 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Man Ray (1890-1976), Antonin Artaud, 1926. Épreuve gélatino-argentique contrecollé sur papier, 13,1 x 7,5 cm. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’Art Moderne / Centre de création industrielle. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jacques Faujour. © Man Ray Trust / ADAGP, Paris 2014.
2/  Antonin Artaud (1896-1948), Le théâtre de la cruauté, vers mars 1946. Mine graphite et craie de couleurs grasse sur papier, 62,5 x 47,5 cm. Paris, Centre Pompidou, Musée national d’Art Moderne / Centre de création industrielle, legs de Mme Paule Thévenin, 1994. © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jacques Faujour.
© ADAGP, Paris 2014.
3/  Vincent Van Gogh (1853-1890), Portrait de l’artiste, Saint-Rémy-de-Provence, septembre 1889. Huile sur toile, 65 x 54,2 cm. Paris, musée d’Orsay, don de Paul et Marguerite Gachet. © Musée d'Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

 


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Interview de Isabelle Cahn, commissaire de l'exposition, et Virginia Fienga, scénographe de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 10 mars 2014, durée 6'02". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Le Musée d’Orsay propose une nouvelle lecture de l’oeuvre de Van Gogh, un portrait introspectif, une plongée dans les profondeurs d'un homme dont la peinture révèle une perception singulière et douloureuse du monde. Antonin Artaud devient commissaire de l'exposition dont ses textes et dessins déroulent le fil conducteur, étude psychanalytique du peintre et accusation de la société qui n'a pas su l’accepter.

La peinture de Van Gogh révèle une sensibilité et une acuité rares, allant bien au-delà de l’impressionnisme. Les traits à la brosse s’allongent, partent en courbes et volutes, se croisent, sans l’intention de rendre le visible d’une texture mais bien d'en écrire la vibration, la froideur ou la chaleur. La matière souple et fluide peut se diluer à en perdre sa couleur ou bien s’épaissir lourdement jusqu'à devenir sculpturale, comme cet amas de blanc, soleil brûlant posé sur le ciel dans Le pont de Langlois à Arles.

C’est ici que se consomme la rupture entre Van Gogh et la société des artistes, dans une recherche et une remise en question permanentes de son expression. Sa peinture ne suit pas des “périodes” comme chez beaucoup de ses contemporains, toutes les expérimentations se mêlent. Il peut peindre la même année un crabe formé d’aplats denses et organiques comme un vibrant paysage tissé de mille délicats fils colorés.

Artaud poursuit son portrait à travers la lecture de la correspondance assidue entre le peintre et son frère Theo. Vincent s'y livre à une véritable psychanalyse, exprime l’obsédante énergie de peindre, de trouver le regard juste. L’écrivain le perçoit bien : ce que le peintre cherche à représenter n'est pas à l’extérieur de lui mais bien une image de qui il est. Des paysages nocturnes scintillants ou bien un bosquet de cyprès au feuillage sombre et modelé brisent les conventions parce que le paysage n’est pas l’objet mais le médiateur d'une réalité intérieure.

La mise en regard d’autoportraits des artistes place en images-miroir deux troubles. Si tous deux furent poussés à l’expression plastique par leurs médecins, les cheminements intérieurs que montrent leurs oeuvres s’opposent. A l’énergie de vie désespérée du peintre répond une vision torturée de l’écrivain : visages multiples et torsions macabres s’animent en mouvements d'une danse inquiétante.

En conclusion de ce parcours, une toile: Paysage sous un ciel mouvementé, pourrait être un ultime autoportrait de Van Gogh. Un champ parsemé de fleurs, aériennes et pointillées, semble bourdonnant d’insectes, mais se fige soudainement tandis que les branches des arbres subissent l’assaut du vent qui se lève. Le ciel se fait menaçant, se remplissant de nuages opaques et lourds, en larges aplats de brosse, annonçant l’orage. Deux styles que tout oppose forment pourtant ensemble un fascinante cohérence. La dualité irréconciliable de ce tableau est le drame d'un visionnaire, banni comme Prométhée l’a été.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Isabelle Cahn, conservateur en chef au musée d’Orsay



L’exposition Van Gogh/Artaud, Le suicidé de la société centrée sur l’analyse de l’œuvre de Van Gogh par Antonin Artaud, comprend une quarantaine de tableaux, un choix de dessins et de lettres de Van Gogh ainsi que des dessins d'Artaud et des photographies le représentant à l’époque de la rédaction de Van Gogh Le suicidé de la société.

Quelques jours avant l'ouverture de la rétrospective Vincent van Gogh organisée au musée de l'Orangerie à Paris, de janvier à mars 1947, le galeriste Pierre Loeb suggère à Artaud d'écrire un texte sur le peintre, pensant qu'un écrivain qui avait été interné pendant neuf ans dans un asile psychiatrique était le mieux placé pour comprendre l'oeuvre d'un artiste considéré comme fou. La publication dans la presse d’extraits d’un livre du Dr Beer, Du Démon de Van Gogh, sert de détonateur. Artaud, outré par l’analyse du psychiatre, commence sa rédaction sous le coup de la colère à la fin du mois de janvier 1947. Contestant la thèse soutenue par Beer, il s'insurge contre le jugement porté par la société moderne sur la santé mentale de Van Gogh. En voulant l’empêcher d'émettre « d'insupportables vérités », écrit-il, ceux que sa peinture dérangeait le poussèrent au suicide.

Pour étayer sa thèse, il s'appuie sur les tableaux de Van Gogh découverts à l'occasion de deux brèves visites et précise ses souvenirs en consultant deux livres abondamment illustrés et en écoutant la lecture par Paule Thévenin des lettres du peintre à son frère Theo.

Le titre de l’exposition est issu du titre de l’ouvrage d’Antonin Artaud, Van Gogh le suicidé de la société © Éditions Gallimard, 1974.