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“Kôichi Kurita” mille terres mille vies
à l’abbaye de Maubuisson, Saint-Ouen l’Aumône (95)

du 12 mars au 5 octobre 2014



www.valdoise.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage avec la présence de Kôichi Kurita, le 11 mars 2014.

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1/ 2/ 3/  © Kôichi Kurita (détails des installations)

 


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Interview de Isabelle Gabach, directrice du centre d'art de l’abbaye de Maubuisson,
par Anne-Frédérique Fer, à l’abbaye de Maubuisson, le 11 mars 2014, durée 8'37". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Isabelle Gabach Directrice de l’abbaye de Maubuisson



Le Conseil général du Val d’Oise entretient des rapports économiques, culturels et universitaires avec plusieurs pays d’Asie dont le Japon. À l’heure du projet départemental « Val d’Oise Océan » et de l’anniversaire des 25 ans de coopération du Val d’Oise avec Osaka et le Japon, l’abbaye de Maubuisson a choisi d’inviter l’artiste japonais Kôichi Kurita. Les oeuvres de cet artiste sont exposées au Musée d’art contemporain d’Hiroshima, à la Biennale de Kyôto, au Musée d’art contemporain de Tôkyô, à l’Abbaye de Noilarc, à la Biennale de Melle, au Domaine départemental de Chamarande...

Depuis les années 1990, Kôichi Kurita parcourt le Japon pour y collecter des échantillons de terre. La première poignée de terre fut celle de son jardin à Yamanashi (Japon) où il est né en 1962. Depuis, l’artiste est engagé dans une démarche unique et remarquable : faire de sa vie un voyage et constituer une Bibliothèque de terres. Il a déjà arpenté 3 218 des 3 233 villages et villes qui constituent l’archipel nippon pour y faire près de 35 000 prélèvements de terres. Cette démarche est au coeur de son travail et constitue son mode de vie et de pensée. Sa conscience au monde le conduit à laisser sa pensée s’accomplir dans cette matière naturelle, fragile, disparate – à l’image des hommes – et à mener une réflexion sur le temps et l’éphémère.

Aujourd’hui, il réalise de nombreuses résidences qui lui permettent d’aller à la découverte de différents types de sols aux chromatismes inattendus et variés. Depuis 2004, il a entrepris de mener cette démarche sur le territoire français. La Bibliothèque de terres de France (actuellement conservée à la Maison de la Culture du Japon à Paris) contient des terres des régions Centre, Poitou-Charentes et d’Ile-de-France. Cette bibliothèque s’est enrichie grâce à sa dernière résidence à l’abbaye de Maubuisson. À cette occasion, il a pu sillonner les régions septentrionales : Normandie, Picardie, Nord, Champagne-Ardenne...

Kôichi Kurita procède toujours sur le même mode opératoire : sur une carte, il détermine la zone géographique où il va réaliser ses collectes. Il sillonne ensuite les routes, accompagné de sa femme qui l’assiste depuis toujours. Ensemble, ils recherchent un champ, une parcelle où une poignée de terre, une seule, jamais deux, sera prélevée. Chaque fragment de terre est alors méthodiquement répertorié, inventorié, séché, épuré des résidus organiques, concassé, parfois tamisé. Matière première de ses oeuvres, la terre est multiple, bigarrée à l’image de notre monde, mais jamais échelonnée. De cette diversité naissent des assemblages de couleurs aux géométries variables.

Kôichi Kurita donne à voir la grande diversité et la richesse chromatique des terres qui n’est pas sans rappeler la variété des individus sur notre planète.

Kôichi Kurita est un voyageur, un explorateur, un obsessionnel, un sage, un coeur pur, qui nous ouvre les yeux, qui nous offre l’occasion de regarder autrement notre terre et les vies qui l’habitent et l’animent (cf. titre « mille terres mille vies »).

À l’abbaye de Maubuisson, dans l’ancien bâtiment conventuel, Kôichi Kurita a choisi de présenter quatre installations - qui dans leur présentation et leur mise en scène – rappellent les grands principes de vie japonais que sont la simplicité, la sérénité, l’harmonie et l’équilibre. Objet de contemplation, tant au sens esthétique que spirituel, l’oeuvre de Kôichi Kurita est une invitation toujours renouvelée à la méditation et à la perception de la beauté.

Aujourd’hui, à travers cette exposition, l’abbaye de Maubuisson, ancien lieu emblématique de la rigueur cistercienne, trouve une nouvelle résonance dans la dimension épurée et rituelle du travail de Kôichi Kurita.



L’exposition par salle

Salle du parloir

Dans le dépouillement de la salle du parloir, l’élévation et le silence quasi cistercien, un cercle de coupelles contenant des terres séchées composées de 108 terres du Japon nous accueille. Cette installation lune_eau_terre_soleil qui est une évocation formelle et symbolique du Cosmos en tant que système bien ordonné est constituée de terres anciennement collectées par Kôichi Kurita. Elles sont mêlées à de l’eau dans des coupelles en verre transparent et sont disposées autour de la colonne centrale de la salle. Ces 108 terres (nombre sacré dans les religions orientales) constituent un arc-en-ciel minéral – allant du rouge au violet en passant par les oranges, les jaunes, et les bleus. Cette composition de terres craquelées, par l’effet de l’eau qui s’est évaporée, nous rappelle combien ces terres sont fragiles et disparates, à l’image de notre univers.

Salle du Chapitre
Lorsqu’on pénètre dans la salle du Chapitre, notre regard est attiré par un grand plateau qui semble flotter autour des deux colonnes centrales. Sur son pourtour, rayonnent 365 bouteilles en verre contenant des terres de la région Poitou-Charentes anciennement collectées par Kôichi Kurita. De ces terres, patiemment prélevées en un acte méticuleux et symbolique, « nettoyées », broyées, tamisées puis versées dans des bouteilles, Kôichi Kurita réinvente un calendrier fait de 365 éléments classés par couleur. Cette progression chromatique nous réapprend l’infinie diversité de la terre, que celle-ci est vivante et agissante, et que nous sommes faits de cette vie-là. Cette installation est un don aux futures générations pour lesquelles l’artiste a souhaité mettre sous capsule ces condensés de terre de notre terroir, qu’il aspire ainsi à conserver et à transmettre.

Salle des religieuses
Ici, comme dans les intérieurs japonais où le mobilier invite à vivre près du sol, un long et bas plateau enserre les trois colonnes de la salle des religieuses et présente 1000 carrés de terre brute sur du papier végétal. Cette oeuvre est pensée par l’artiste comme un hommage aux anciennes religieuses de l’abbaye qui se réunissaient quotidiennement dans cette salle. Au Japon, les offrandes sont présentées sur du papier japonais, similaire à celui utilisé par l’artiste dans son installation. Sur une surface de 67 m², Kôichi Kurita offre aux visiteurs et au souvenir des soeurs de Maubuisson toute la beauté qui entoure l’abbaye, puisque les terres ici présentées proviennent de récoltes réalisées dans un rayon de 300 km autour du domaine. Classées chronologiquement par date de collectes, elles sont une évocation du temps passé. La matière devient couleur et l’assemblage des couleurs une infinie contemplation abstraite. Ces carrés de couleur sont une évocation de notre univers, un résumé de la totalité de la nature qui appelle à la méditation.

Anciennes latrines
Dans les anciennes latrines, le parcours d’exposition se termine sur une note plus grave à dimension politique et sociale : une bouteille en verre contenant de la terre de Fukushima, récoltée avant la catastrophe, se dresse sur un socle. Muséifiée, mise sous cloche, telle un vestige d’une ère révolue, cette terre – jadis pure et vierge – nous renvoie à nos responsabilités d’êtres humains, à notre passage sur cette terre… Agir aujourd’hui, car demain plus rien ne sera comme avant. « Une oeuvre éminemment symbolique. Cette terre a été collectée avant le séisme, avant le tsunami, avant l’accident nucléaire de Fukushima. L’oeuvre s’intitule INNOCENCE. Le crime est humain. La terre est innocente. » Kôichi Kurita, 2011.