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“Fabrice Hyber” Interdit aux enfants
à la Galerie Nathalie Obadia - Bourg-Tibourg, Paris

du 14 mars au 13 mai 2014



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, le 14 mars 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Fabrice Hyber devant un détail de la peinture Homéopathique n°30, 2012 © Courtesy de Fabrice Hyber et Galerie Nathalie Obadia, Paris-Bruxelles.
2/  Interdit aux enfants. © Courtesy de Fabrice Hyber et Galerie Nathalie Obadia, Paris-Bruxelles.
3/  Vue d'atelier Fabrice Hyber, 2013. © Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris-Bruxelles.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Passé la porte d’entrée de la rue Bourg-Tibourg, bariolée de deux silhouettes blanches, - un adulte tenant la main d’un enfant qui rappelle le célèbre pictogramme du code de la route -, on saisit vite que le titre de l’exposition, « Interdit aux enfants », est une provocation. On sait pertinemment qu’avec Fabrice Hyber l’on va se laisser entrainer dans un monde joueur, imprégné des fantasmes de l’enfance.

Dans l’entrée, des petits tableaux dessinés au fusain, coloriés et recouverts de résine époxy se succèdent le long d’une ligne souple sur deux rangées irrégulières, comme l’on pourrait montrer les peintures et dessins d’enfants dans les couloirs d’écoles. C’est un index nous dit-on. Il prend l’allure d’un gigantesque rébus. Peu de mots dans cette première partie, surtout des images. Elles sont reliées entre elles par le trait du fusain, et explosent au bout de cette ligne en des dizaines de POF (Prototype d’Objet en Fonctionnement) représentés à ce stade uniquement par des numéros le long d’un bouquet rhizomique.

On perçoit rapidement que Fabrice Hyber tente de nous raconter une histoire. Laquelle ? La sienne ? Des équations abracadabrantes traduisent peut-être un manque. On repère là, un arbre avec son ombre, comme un double en pointillé. Ici, une orange coupée en deux, un soleil tout simplement, un humain représenté dans son action digestive, deux bouches qui se dévorent ; bref, tous les ingrédients et matières premières qui permettront de fabriquer les POF. En face, quelques premières tentatives d’organiser le monde, des dessins sous formes de drapeaux.

Puis, au centre de la galerie Obadia, les voilà : les POF, presque tous réunis, regroupés comme dans une cour de récréation, très serrés sur une aire de jeu aux dalles caoutchoutées, leur numéro négligemment inscrit au sol à la craie blanche. Les connaisseurs se laissent prendre aux jeux des différences et des transformations. L’homme de Bessines aujourd’hui en lego apparait dans une certaine fragilité, comme pixellisé. Le bleu et le rose marquent ici et là les objets, comme soulignant une frontière dont l’homme vert nous avait jusque là protégé. Indécis ? C’est en tous les cas, le nom de la toile qui clôture presque l’exposition. Y figure une silhouette dédoublée au milieu d’un ensemble rhizomique vert presque tentaculaire.

Avant ça, toujours reliée par le trait du fusain, la Peinture Homéopathique de Fabrice Hyber, qui les compose à un rythme annuel. Ici, il nous présente peinture homéopathique n° 30. Un triptyque intitulé Inhumain-immortel. On se sent bizarrement presque sous terre, avec des jambes qui courent au dessus de nous. On connait l’autre versant de cette équation énoncée. En fait, on rejoint l’espace hybérien de la pensée en mouvement, du projet en construction, de l’ébauche du présent faite d’images et de dessins, de mots et de textes. On se laisse entrainer dans la profondeur de ses songes. Une fois encore, Fabrice Hyber a montré qu’il peut investir et régaler tant les espaces pharaoniques de quelques musées que l’intimité d’une galerie parisienne.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Pour sa première exposition à la Galerie Nathalie Obadia, Fabrice Hyber propose «Interdit aux enfants», une invitation à aborder non sans une certaine provocation l’univers de l’enfance, ici envisagée comme une attitude créatrice face au monde plutôt qu’un itinéraire balisé, écho d’un âge de la vie.

L’exposition, conçue comme un parcours en trois temps – l’index, l’aire de jeu, l’écran – offre au visiteur la traversée ludique des différents modes d’expressions propres à Fabrice Hyber : le dessin, les POFS, la peinture homéopathique, dans la continuité des dernières propositions de l’artiste à la Biennale de Lyon, au Palais de Tokyo, au MAC VAL et à la Fondation Maeght en 2013.

L’entrée de la galerie fonctionne comme un index : des dessins y sont accrochés au mur, annonçant de façon rhizomique et fragmentaire les thèmes développés plus loin. Un répertoire de formes-logos retraçent une partie de l’univers de Fabrice Hyber. Evoquant le tableau d’affichage que l’on trouve à l’entrée des écoles où se côtoient sans logique une profusion de messages et de signes, l’accrochage renvoie également à cette activité enfantine et jubilatoire qui consiste à consigner graphiquement, sur le mode du coq à l’âne, tout ce qui peut traverser l’esprit. Il s’agit pour l’artiste de « raconter une histoire par tous les moyens sans valeur de support. »

Noyau central de l’exposition, l’aire de jeu donne accès à une cinquantaine de POFS adaptés aux enfants, variations et déclinaisons des célèbres « prototypes d’objets en fonctionnement » que Fabrice Hyber imagine depuis 1991 dans des versions spécifiquement produites pour l’exposition. Hommes de Bessines réalisés en légos, minis Ted Hyber, mini escaliers sans fin, ballons carrés couleur bleu et rose, doubles masques… Transgressifs, les POFS nous invitent à redéfinir nos comportements. Tels des objets « interdits » détournés de leurs fonctions et transformés en jouets, ils nécessitent l’invention de nouvelles règles d’utilisation. Ils font de nous des enfants.

Un mur construit au milieu de la galerie assure la transition vers un espace d’ordre contemplatif. Fabrice Hyber y présente l’une de ses dernières peintures homéopathiques.

Série d’oeuvres que Fabrice Hyber développe depuis 1986 à raison d’une par an en moyenne les « Peintures homéopathiques » cristallisent et mettent en perspective les questionnements de l’artiste sur une période donnée. Un réseau éclaté de dessins, de notes, de graphiques et d’objets s’y télescopent, l’ensemble se trouvant figé dans une résine époxy. Ainsi enrobé, ce récit devient plus facile à « digérer » pour le regardeur qui ne peut cependant l’appréhender que par petites doses, d’où le nom de peinture « homéopathique ».

Pendant de l’univers concret, matériel, des enfants, ce monde en deux dimensions fonctionne comme un écran, sur le mode du virtuel et dans un rapport à l’imaginaire du spectateur qui peut déplier les images accumulées sur l’oeuvre : croquis d’estomac, esquisses du « Prototype de Paradis » montré à la Biennale de Lyon, images de primates... s’y associent librement. S’interrogeant sur l’échelle des oeuvres, l’artiste y a fortement imprimé la marque de son corps, n’y peignant pas plus haut que son bras levé. Aux accents autobiographiques, ce tableau de grand format est également inspiré par la collaboration de Fabrice Hyber avec les chercheurs de l’Institut Pasteur pour lequel l’artiste a réalisé en 2012 une fresque monumentale intitulée « Sans gêne ».

Comme souvent chez Fabrice Hyber, l’exposition «Interdit aux enfants» propose aux visiteurs plusieurs niveaux de lecture. Avec ce titre paradoxal, l’artiste saisit l’occasion de « montrer aux parents qu’il est un grand enfant ». Il s’agit également pour l’artiste de donner à voir notre fascination pour les oeuvres d’art, auxquelles il est « interdit » le plus souvent de toucher et qui sont pourtant bien souvent autant de « jouets pour adultes ».