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“Prune Nourry” Terracotta Daughters
à la Galerie Magda Danysz, Paris

du 22 mars au 10 mai 2014



www.magda-gallery.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 22 mars 2014.

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1/ 2/ 3/  Prune Nourry, Terracotta Daughters. courtesy galerie Magda Danysz 2013. Photo Prune Nourry.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Faisant face à l'entrée de la galerie Magda Danysz, quatre statues nous accueillent. Quatre jeunes filles, droites et fières comme des guerrières, sont figées dans un salut. Impossible de ne pas s'arrêter, de ne pas revenir sur ses pas contempler ces visages de bronze et y chercher ce qui nous a immédiatement interpelé. Leur regard peut-être, l'une de ces enfants fixe droit devant elle, sa voisine semble regarder de côté, toutes portent une attention sérieuse, affirment une présence solidement ancrée dans le sol. La solennité de l'expression des visages leur donne cette gravité, cette intensité qui nous perce à la recherche de notre vérité.

Prune Nourry a sculpté les visages de huit jeunes orphelines. Avec l'aide d'artisans et de sculpteurs chinois, elle a réalisé huit sculptures de ces filles dans le style des 10 000 guerriers de l'armée d’argile de l'empereur Qin. Ce sont ces pièces originelles qui ont servi de modèle à son armée de 108 guerrières. A l'étage, l'accumulation de moules empilés témoigne de ce long travail de gestation. La matrice ayant enfanté cette troublante progéniture dialogue avec une série de photographies en pied, portraits soigneusement alignés, rangés, fichés de ces sœurs.

Travaillant sur les questions de genre, ici la sélection du sexe des futurs enfants par les parents chinois, l'artiste montre ces enfants qui n'ont pas vu le jour parce que filles. Ce sont les enfants de la Chine tout entière en quelque sorte, puisqu'orphelines. Elles en sont l'avenir. Leur foulard de pionnières que l'on devine rouge et leur armure de soldat leur prêtent une force martiale, elles forment une légion de futures femmes prêtes à prendre leur place dans la société. Leurs yeux nous interrogent et elles semblent attendre patiemment une réponse. Face à ces enfants, nous sommes placés face à nos responsabilités d'adultes: quelle société leur avons-nous construite ? Quel héritage avons-nous à leur léguer ?

Les soldats anonymes de Prune Nourry sont une vague avançant vers nous, prête à balayer notre vieux monde. Elle annonce le moment où nous laisserons la place à cette génération qui vient, elle signe notre prochaine obsolescence. Complétant la rondeur des traits des visages, de légers détails rappellent l'enfance : barrette dans les cheveux ornée de petits cœurs, couettes. Cette part d'innocence opère un renversement de valeurs par rapport à l'armée de l'empereur Qin. La force n'est plus dans la virilité mais s'incarne désormais dans le féminin, dans la fragilité de l'enfance. Il s'agit aujourd'hui de penser un avenir, un destin commun et non plus un face à face opposant des armées ennemies. Dans la naïveté de ces jeunes filles réside le vrai courage : la détermination à poser les questions essentielles.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

« Une armée de Xian contemporaine »


Après plus d’un an de production avec des artisans chinois et son exposition à Shanghai cet automne, la galerie Magda Danysz accueille à Paris de mars à mai 2014 la dernière création de Prune Nourry, les Terracotta Daughters. Célèbre pour sa participation à de nombreuses expositions et performances en Asie, aux Etats-Unis et en Europe, elle présente dans cette exposition un travail engagé avec Terracotta Daughters qui réunit 108 sculptures d’argile à l’effigie de jeunes chinoises.

Artiste pluridisciplinaire utilisant la sculpture, la photographie et la vidéo, Prune Nourry s’est intéressée pendant ses études à la sociologie, à l’éthique et à la bioéthique. Sa réflexion s’est ensuite centrée plus particulièrement sur l’Humain et la procréation. Son travail vise à porter l’attention sur des enjeux et des problèmes fondamentaux au coeur de nos sociétés, comme l’implication de la science dans la sélection de l’enfant et les conséquences des techniques de procréation qui mènent à une évolution artificielle de la population. Ainsi avec Spermbar elle crée un bar à Central Park dans lequel le visiteur consomme un cocktail dont les ingrédients sont liés au physique du donneur - des yeux marrons correspondent à l’arôme de la noisette par exemple.

Avec son précédent travail Holy Daughters, elle mettait en lumière les avortements sélectifs pratiqués sur des foetus féminins en Inde et soulevait ainsi la place de la femme dans la société indienne. Terracotta Daughters s’engage sur un chemin analogue. Prune Nourry a modelé 108 figures dérivées des caractéristiques physiques de 8 orphelines âgées de 10 à 13 ans qu’elle a rencontré pour recréer ensuite avec ces statues placées dans une fosse la célèbre armée de terre cuite de l’empereur Qin, à la manière d’une fouille archéologique.

Prune Nourry aborde à travers ce travail la question du déséquilibre entre les sexes en Chine et elle cherche à mettre en lumière la complexité tant historique qu’internationale de la préférence pour les garçons. En suivant une initiation aux techniques chinoises traditionnelles du moulage en terre cuite, dans la région de Xi’an dont la fameuse armée est originaire, elle met aussi et surtout en évidence la beauté et la richesse culturelle des arts anciens chinois dans une nouvelle performance où le patrimoine tient une importance cruciale. Elle fait ainsi part de sa sensibilité face à un problème majeur tout en montrant un grand respect pour les origines de cette civilisation.