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“Mapplethorpe Rodin” article 1301
au Musée Rodin, Paris

du 8 avril au 21 septembre 2014



www.musee-rodin.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 7 avril 2014.

1301_Mapplethorpe1301_Mapplethorpe

Légendes de gauche à droite :
1/  Robert Mapplethorpe (1946-1989), Patti Smith, 1979, MAP 229 © 2014 Robert Mapplethorpe Foundation, Inc. All rights reserved — Auguste Rodin (1840-1917), Les Bourgeois de Calais : Jean de Fiennes, variante du personnage de la deuxième maquette, torse nu, vers 1885, plâtre, 72 x 50,5 x 45 cm, Paris, musée Rodin, S. 432. © Paris, musée Rodin, ph. C. Baraja.
2/  Robert Mapplethorpe, White Gauze, 1984. © 2014 Robert Mapplethorpe Foundation, Inc. All rights reserved — Auguste Rodin, Torse de l’Âge d’airain drapé, vers 1895, plâtre, 78 x 49,5 x 31 cm. © musée Rodin, ph. C. Baraja.

 


1301_Mapplethorpe audio
Interview de Hélène Pinet, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 7 avril 2014, durée 5'56". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires de l’exposition
Hélène Pinet, Responsable de la recherche et des collections de photographies du musée Rodin
Judith Benhamou-Huet, critique d’art, journaliste
Hélène Marraud, attachée de conservation, chargée des sculptures du musée Rodin


« Je vois les choses comme des sculptures, comme des formes qui occupent un espace ». Robert Mapplethorpe



Le temps d’une exposition, le musée Rodin confronte deux formes d’expression - Sculpture et Photographie - à travers l’oeuvre de deux artistes majeurs : Robert Mapplethorpe et Auguste Rodin. Bénéficiant de prêts exceptionnels de la Robert Mapplethorpe Foundation, cette exposition présente 50 sculptures de Rodin et un ensemble de 102 photographies dont l’audacieux dialogue révèle la permanence des thèmes et sujets chers à ces deux grands créateurs.

Tout semble opposer ces deux personnalités même si Mapplethorpe n’a eu de cesse de sculpter les corps à travers son objectif et que la photographie a accompagné Rodin tout au long de sa carrière. Robert Mapplethorpe est à la recherche de la forme parfaite, Rodin tente de saisir le mouvement dans la matière. Rien n’est spontané, tout est construit chez Mapplethorpe alors que Rodin conserve les traces de l’élaboration de l’oeuvre et cultive celles de l’accident. L’un fut attiré par les hommes, l’autre par les femmes et tous deux jusqu’à l’obsession. Cela n’a pas empêché Mapplethorpe de photographier des nus féminins et Rodin de modeler de nombreux corps masculins. Pourtant la confrontation entre ces deux artistes se transforme instantanément en un dialogue inattendu. Sept thèmes ont été retenus par les commissaires, servant de fil rouge aux rapprochements qui sont à la fois formels, thématiques et esthétiques. Mouvement et Tension, Noir et Blanc/Ombre et Lumière, Erotisme et Damnation sont quelques-unes de ces grandes problématiques traversant l’oeuvre des deux artistes.

Cette exposition est une invitation à questionner le dialogue établi par les commissaires et à faire sien les rapprochements. Cette vision « sculpture et photographie » est inédite au musée Rodin car jamais un tel face à face n’avait été réalisé, renouvelant le regard sur la photographie comme sur la sculpture.

La Réunion des musées nationaux organise parallèlement au Grand Palais une rétrospective Mapplethorpe, du 26 mars au 14 juillet 2014.


Parcours de l’exposition

1.introduction Mapplethorpe / Rodin
Alors que tout semble opposer ces deux artistes qui vécurent à des époques et sur des continents différents, Robert Mapplethorpe (1946-1989) n’a eu de cesse de sculpter les corps à travers son objectif, et la photographie a accompagné Auguste Rodin (1840-1917) tout au long de sa carrière. Les deux hommes se sont consacrés entièrement à leur art, pénétrant de leur regard aigu la réalité qui les entourait. Mapplethorpe est à la recherche de la forme parfaite, Rodin tente de saisir le mouvement dans la matière. Tout est construit avec soin chez le premier, tandis que le second conserve les traces de l’élaboration de l’oeuvre et cultive celles de l’accident. L’un fut séduit par les hommes, l’autre par les femmes et tous deux jusqu’à l’obsession. Cela n’a pas empêché Mapplethorpe de photographier des nus féminins et Rodin de modeler de nombreux corps masculins. Mapplethorpe veut faire de la sculpture en photographie. Il va donc naturellement entreprendre des recherches comparables à celles de Rodin pour créer sa propre iconographie du corps. Un dialogue singulier et fructueux naît de la mise en regard des oeuvres des deux artistes.

2. noir et blanc / ombre et lumière
L’usage du noir et du blanc permet à Mapplethorpe d’exprimer la dualité qui l’habite, partagé entre la lumière et les ténèbres, le bien et le mal. Deux tons, deux notes à partir desquels le photographe élabore des rythmes presque musicaux : visage noir, masque blanc ; peau blanche, corps noir ; ligne noire sur corps blanc ; ligne blanche sur chair noire. Le dialogue s’instaure d’emblée entre les sculptures de Rodin et les photographies en noir et blanc de Mapplethorpe : la couleur des plâtres et des bronzes trouve écho dans les tirages à fort contraste et les différentes couleurs de peau des modèles de l’artiste américain. Pour Rodin, le noir n’a pas le caractère dramatique que lui confère Mapplethorpe, même s’il renferme une part de mystère. Il l’assimile à des « ombres silencieuses ». La lumière, pour le photographe comme pour le sculpteur est l’instrument primordial.

3. le goût du détail
Chez Mapplethorpe, le goût du détail reflète un désir de perfection. Le regard du photographe découpe et compose, transformant des détails en formes quasi abstraites. L’élément ainsi découpé est l’objet d’une mise en scène soignée et devient une forme purement plastique. Pour Rodin, le goût de la forme incomplète naît de la fascination pour l’Antique. Les fragments, auxquels selon Rodin rien ne manque, concentrent toute la puissance de la forme d’origine. A la fois signes et traces d’une figure antérieure, ils acquièrent une vie et une signification propres. « Il en est de même des statues sans bras de Rodin, écrivait Rilke ; il ne leur manque rien de nécessaire. On est devant elles comme devant un tout, achevé et qui n’admet aucun complément. » Cette citation pourrait aussi bien s’appliquer aux statues photographiques de Robert Mapplethorpe.

4. assemblages et compositions
Mapplethorpe opère parfois une fusion esthétique inattendue entre des objets disparates. Les éléments ainsi réunis dans une même composition atteignent un degré élevé de perfection esthétique et une harmonie sensible. Soucieux d’exploiter au maximum les possibilités plastiques contenues dans un sujet, et après avoir fragmenté, agrandi ou répété une même forme, Rodin crée librement des compositions nouvelles. Ce que le sculpteur désigne sous le terme d’ « âmes florales » sont des petits plâtres placés dans des coupes ou vases antiques de sa collection selon des combinaisons variées. C’est un travail d’atelier lui permettant de produire des oeuvres intimistes le reposant des contraintes des commandes officielles. Les réalisations du sculpteur gagnent un supplément de vie, d’âme et de présence, alors que les compositions particulièrement soignées et recherchées du photographe produisent des images quasi abstraites et silencieuses.

5. érotisme et damnation
Pour Mapplethorpe, comme pour Rodin, le vêtement ne cache pas le corps nu, il le met en valeur. Adossée à un mur à moitié ensoleillé, face à l’objectif du photographe, Lisa Lyon soulève son jupon, cachant son visage tout en dévoilant son sexe et ses longues jambes musclées. Rodin représente également souvent des femmes aux jupes retroussées jusqu’à la taille ou inversement, dont la blouse est roulée sur les hanches. Mapplethorpe n’en finit pas de photographier des sexes d’hommes au repos, en érection, surgissant du pantalon, en gros plan ou en retrait dans un coin de l’image. Mapplethorpe veut exposer au grand jour les désirs les plus obscurs, élevant des images de sexe au rang d’œuvres d’art. Ce thème omniprésent traduit une quête perpétuelle que l’on retrouve dans l’oeuvre de Rodin qui n’a de cesse de dessiner et modeler des sexes de femme. Aux couples homosexuels nus ou habillés de cuir, photographiés par Mapplethorpe, répondent les couples saphiques de Rodin, légers, gracieux, batifolant dans un enchevêtrement de corps complexe.

6. le drapé
Chez les deux artistes, le tissu est un outil de théâtralisation du sujet. En véritable metteur en scène, Mapplethorpe utilise le drapé comme une matière première de sa composition, déployant des effets recherchés. De son côté, Rodin modèle ses nus avant de les draper dans des tuniques trempées dans du plâtre afin que l’architecture du corps soit perceptible sous les vêtements. Il donne au drapé une consistance plastique qu’il dispose souvent de façon à produire un effet dramatique : il enveloppe le buste de L’Âge d’airain à la manière d’une vierge à la tête couverte, alors que la tunique tombant sur les bras de Jean de Fiennes accentue l’effet de désarroi du jeune homme face au destin tragique qui l’attend. Mapplethorpe a recours aussi bien au voile fin, à la gaze médicale qu’au tissu fluide et soyeux. Rodin se contentait le plus souvent du tissu qu’il avait à portée de mains, fin ou grossier, allant du rideau à la toile de jute la plus épaisse, qu’il pouvait fixer à l’aide d’ajouts de plâtre dans des mouvements aériens.

7. matière et abstraction
Sensible au grain de l’épiderme, à l’élasticité des muscles, à l’harmonie des formes, Mapplethorpe utilise les effets de lumière pour rendre la texture des corps. L’enveloppe doit être impeccable et il lui arrive de faire disparaître par des retouches un défaut de la peau du modèle qui vient troubler cette harmonie. Comme Rodin il joue des contrastes. Le corps lisse de Lisa Lyon allongée sur des rochers s’intègre dans les formes minérales comme s’il avait été directement taillé et poli dans la pierre granuleuse, évoquant les figures de Rodin émergeant du bloc de marbre mal dégrossi. Mapplethorpe pousse encore plus loin la référence à la sculpture quand il recouvre une partie du corps du modèle d’une fine couche de boue qui a craquelé en séchant. Mapplethorpe produit une photographie sensible en créant des effets de matière: les aspérités de la croûte d’un pain et le moelleux de sa mie ont une affinité avec les formes irrégulières des terres pétries et travaillées au couteau par Rodin.

8. mouvement et tension
Robert Mapplethorpe et Auguste Rodin scrutent les corps, leurs formes et leur évolution dans l’espace. Ils donnent à leur modèle une gestuelle singulière, entre mouvement et tension, qui devient leur vocabulaire pictural. Dans les photographies de Mapplethorpe, la tension permet de redessiner le corps. Les jambes s’étirent. Les muscles saillants modèlent la chair. Dans ses compositions, la tête et les bras peuvent rester plongés dans l’obscurité pour mettre en valeur la ligne du corps. Le mouvement est suspendu et l’homme devient sculpture. Dans les sculptures de Rodin, le mouvement est l’expression de la vie. Dans l’oeuvre L’Homme qui marche, le sculpteur a intégré, dans une même figure, les différentes étapes de la marche dans une attitude qui n’est pas réaliste. La sculpture montre, comme il le déclare lui-même, le « déroulement progressif du geste (…) car dans la réalité le temps ne s’arrête pas. »