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“Wang Bing” Father and sons
à la Galerie Paris-Beijing, Paris

du 29 avril au 7 juin 2014



www.galerieparisbeijing.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage avec la présence de Wang Bing, le 29 avril 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Wang Bing, Father and sons, 2014
2/  Wang Bing, Man with No Name, 2013.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Father & Sons
Une vidéo projetée à même le mur souligne la crudité de son contenu. S'ouvre alors une fenêtre sur la pièce unique d'une masure où un père et ses deux fils partagent le seul lit, filmée en un long plan fixe. Pendant que le père travaille à l'usine voisine, ses enfants l'attendent assis sur le lit, jouant avec leur téléphone portable, de jeunes chiens dormant à leurs pieds. La vidéo montre la réalité de la misère telle qu'elle est, sans mise en scène, sans commentaire ni voix off. La bande son est celle d'une télévision hors champ diffusant un feuilleton sentimental, image d'une vie rêvée inaccessible. Cet écran qu'on ne voit pas est la non-image symbolique d'une Chine prospère et triomphante à laquelle cette famille n'a pas accès. Comme en temps réel, on saisit l'attente, l'ennui, l'immuabilité de la misère, le découragement face à une situation sans issue. Ce plan porte une dimension universelle : il fait écho aux images similaires des chambres des millions d'adolescents dialoguant sur Youtube par webcam interposée. Cette image fixe fait désormais partie de notre vocabulaire mondialisé, pourtant elle dérange et bouleverse. Wang Bing en posant sa caméra nous montre que ces deux adolescents sont semblables à ceux que nous voyons tous les jours ; seule la pauvreté les exclut et les singularise.

Les photographies exposées montrent l'extérieur de cette maison : un paysage aride, vide de toute trace de nature. Le photographe tente d'oblitérer la narration par une vision presque abstraite mais la juxtaposition d'images en crée une de fait, replaçant le spectateur dans son objectivité. Les exclus du développement contemplent du haut de leur colline nue les tours d'habitations flambant neuves qu'ils n'habiteront sans doute jamais, les usines grises qui sont leur seul moyen d'intégration. Ces jeunes gens traînent leur ennui comme d'autres ailleurs sur terre, mais pour ceux d'ici il s'agit bien d'une condamnation.


L'Homme sans nom
Wang Bing suit un homme ayant dépassé l'exclusion sociale pour être définitivement déchu de la société. Il erre dans un champ de maïs moissonné à la recherche d'épis oubliés, traverse des décors de ruines et trouve refuge dans une grotte. Cet homme muet transporte un impressionnant paquetage lui donnant l'aspect d'un soldat sur un champ de bataille. Il avance à travers la plaine avec une force impressionnante, manifestant la détermination martiale d'un guerrier. Vivant de choses trouvées, d'objets jetés, il tente de survivre dans un monde cassé, surexploité jusqu'à devenir stérile.

En montrant la misère extrême que produit le développement, Wang Bing parvient à aller au-delà du simple constat, il nous alerte sur les conséquences du modèle que nous avons choisi.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Galerie Paris-Beijing est fière de présenter, pour la première fois dans le monde, le travail photographique du cinéaste chinois Wang Bing.



Internationalement remarqué dès son premier film, lʼépopée ouvrière A lʼouest des rails (2004) et devenu célèbre avec la fiction historique Le Fossé (film surprise au festival de Venise en 2010), Wang Bing fait du cinéma de lʼextrême : durées des films invraisemblables (jusquʼà 9 heures !), sujets radicaux, esthétique rude des images qui approchent des réalités cruelles, mais avec honnêteté et douceur, jusqu'à lʼempathie.

Né en 1967 dans le Shaanxi, province dans le centre de la Chine, Wang Bing a dʼabord étudié la photographie à Shenyang avant de suivre des cours de cinéma à Pékin. Très récemment, il a renoué avec cette première passion : entre 2013 et 2014, Wang Bing a réalisé des séries de photographies, en revenant sur les lieux de deux longs métrages antérieurs, et lors du tournage de son tout dernier film, Père et fils.

La Galerie Paris-Beijing a eu le plaisir de soutenir lʼartiste dans ce projet et de coproduire ses nouveaux travaux, qui seront exposés en partie au Centre Pompidou, où une rétrospective de son travail cinématographique lui est consacrée du 14 avril au 26 mai prochain.

Dans la prolongation de lʼévènement et de lʼexposition au Centre Pompidou, la Galerie Paris-Beijing montre deux séries de photographies inédites : LʼHomme sans nom (2013) et Père et fils (2014).

Pour la première série, Wang Bing est revenu sur les pas du héros mutique quʼil avait suivi en 2006 dans la profondeur de la steppe chinoise, pour faire un documentaire de son quotidien en marge de la société. Pour la deuxième série, il a filmé et photographié la vie misérable de Cai, tailleur de pierres, et de ses deux fils dans la banlieue désolée dʼune ville perdue dans les montagnes du Yunnan. Le film inédit, Père et fils, sera aussi projeté à la galerie pendant toute la durée de lʼexposition.

Wang Bing nous montre un monde et une humanité en ruines, le revers de la médaille de la marche triomphale de la Chine vers la prospérité matérielle : « Il faut montrer les problèmes de la Chine contemporaine », dit-il, « lʼhypocrisie de ce système où la croissance économique cache un appauvrissement matériel et spirituel qui touche des millions de personnes ».



Série Father and sons, 2014
Cai a quitté la campagne pour aller travailler comme tailleur de pierres dans une usine de la ville de Fuming, dans la province du Yunnan. Ses deux enfants lʼont rejoint et ils habitent tous les trois dans une chambre de quatre mètres carrés, occupée par un seul lit et un fourneau. La nuit, le père part travailler et laisse le lit à ses fils. Au début de lʼannée 2014, Wang Bing filme et photographie pendant quelques jours ce quotidien désolant.

Série Man with No Name, 2013
Sept ans plus tard avoir tourné le documentaire LʼHomme sans nom (2006), Wang Bing revient photographier ce vagabond solitaire et mutique dans un paysage inhabité et aride du Hebei, au Nord de la Chine. Cet ermite mi-aliené occupe une grotte souterraine et marche tous les jours très loin, à la recherche de quoi se nourrir. Sa vie, comme le dit Wang Bing, « ressemble à celle dʼune pousse ».