contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Lewis Baltz” Common Objects
au Bal, Paris

du 23 mai au 24 août 2014



www.le-bal.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 22 mai 2014.

1351_Lewis-Baltz1351_Lewis-Baltz1351_Lewis-Baltz

Légendes de gauche à droite :
1/  Lewis Baltz, Candlestick Point, 1987-1989. Bruxelles, Fondation A Stichting. © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne.
2/  Lewis Baltz, Dana Point no. 1 1970, The Prototype Works. Bruxelles, Fondation A Stichting. © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne.
3/  Lewis Baltz, Model Home, Shadow Mountain, Nevada, 1977. Bruxelles, Fondation A Stichting. © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne.

 


1351_Lewis-Baltz audio
Interview de Diane Dufour, directrice du Bal et co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 mai 2014, durée 9'11". © FranceFineArt.

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt.

 

C’est la première exposition de Lewis Baltz à Paris depuis 1993. Né en 1945 à Newport Beach, l’artiste est le témoin en grandissant de changements radicaux dans le paysage qui l’entoure. Préoccupé par les relations qu’entretiennent les hommes avec leur environnement, il n’est pas intéressé par la photographie comme medium mais comme porteuse de quelque chose de politique. Il rend compte de la destruction environante à travers des paysages désolés, et en analysant le système d’une manière très clinique, révèle une certaine pauvreté du vivre ensemble.

L’Influence du cinéma des années 60
Le bal aborde son œuvre sous un angle original, soulignant l’influence du cinéma des années 60 sur son imaginaire visuel. C’est à partir de trois noms donnés par Lewis Baltz : Hitchcock, Antonioni et Godard, que Diane Dufour et Dominique Païni se sont livrés à une relecture baltzienne d’œuvres cinématographiques. Ils en ont extrait des morceaux choisis qui se sont présentés à eux comme des évidences. Les extraits défilent sur un écran placé au centre de la salle, entrant ainsi en résonance avec les photographies de Lewis Baltz, ce qui ouvre à une multitude de nouvelles approches de son travail. La forme étant intimement liée au fond, cela dépasse la seule proximité visuelle et les différents travaux s’enrichissent mutuellement révélant des préoccupations très similaires.

Hors- champs
On est marqué dans certaines de ses séries comme The Prototype works et The Tract houses par des images à la limite de l’abstraction. Des espaces clos, des murs de béton, des portes fermées, des fenêtres condamnées ou en tout cas ne laissant pas deviner l’intérieur. L’opacité est toujours présente dans des tirages très travaillés avec des jeux de lumière très subtils. Derrière ces façades, dérobé à notre vue, il y a quelque chose qu’on ne voit pas mais qui pourrait être la vérité, pourrait être important. Quelque chose qui existe au-delà de la perception. Dans le cinéma d’horreur comme celui d’Hitchcock, le cinéaste joue avec ce qui est caché, ce qui est hors champs pour construire une atmosphère angoissante, ici l’angoisse est palpable avec des lieux, qui comme dans la série Nevada semblent menacés par l’ombre. Crise du voir, du savoir, voyeurisme, paranoïa, société de surveillance, ces préoccupations, non étrangères aux trois cinéastes qui ont influencés Lewis Baltz, se révèlent encore dans un de ses projets plus récent Ronde de nuit. Ce qui semble être en jeu réellement c’est la capacité des surfaces à rendre compte du monde ainsi que notre désir et notre capacité à accéder à une vérité absolue.

Clémentine Randon-Tabas

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Dominique Païni, David Campany et Diane Dufour et en étroite collaboration avec l’artiste Lewis Baltz.




Il pourait être utile de penser la photographie comme un espace profond et étroit entre le roman et le film.Lewis Baltz

Du 23 mai au 24 août 2014, LE BAL présente une exposition d’envergure consacrée au photographe américain Lewis Baltz. Conçue par Dominique Païni, David Campany et Diane Dufour et en étroite collaboration avec l’artiste, l’exposition reviendra sur ses séries les plus remarquables de The Prototype Works (1967-1976) à Ronde de nuit (1992-1995) et interrogera pour la première fois, sur proposition de Lewis Baltz, l’influence du cinéma notamment européen (Godard, Antonioni), sur la formation de son oeuvre. Première exposition en France depuis la rétrospective au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1993, l’exposition au BAL intervient après les rétrospectives qui ont récemment mis à l’honneur le travail de Lewis Baltz aux Etats-Unis (Art Institute of Chicago, 2010 et National Gallery of Art, Washington, 2011) et en Europe (Kestnergesellschaft, Hannovre 2012 et Albertina, Vienne, 2013).

Les séries The Prototype Works (1967-1976), Tract Houses (1969-1971), Nevada (1977), Continuous Fire Polar Circle (1986), Candlestick Point (1987-1989), Sites of Technology (1989-1991) ainsi que Ronde de nuit (1992-1995) seront exposées en regard des films (extraits) La 5ème colonne, Psychose d’Alfred Hitchcock, La Notte, L’Eclipse, Il Deserto Rosso, et Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni, ainsi que Les Carabiniers de Jean-Luc Godard.

L’exposition est organisée en collaboration avec la Fondation A Stichting, Bruxelles et le Fotomuseum Winterthur, avec le soutien de la Galerie Thomas Zander, Cologne, de la Gallery Luisotti, Santa Monica, de David Knaus et de la Artwork’s Retirement Society.

L’exposition est accompagnée d’un livre coédité par LE BAL et Steidl, qui a reçu le soutien de Neuflize Vie. Il a été conçu par l’artiste Pierre Hourquet.



L’exposition

« Depuis les débuts de sa carrière artistique, à la fin des années soixante, Lewis Baltz explore la relation difficile entre vision et savoir. À quoi ressemblent le monde et les images qu’il produit ? Ces apparences, qu’ont-elles à nous dire ? Ce qui importe vraiment, peut-on le représenter visuellement ? Et, dans notre monde moderne, quelle est la relation entre le beau, le laid et le vrai ?

Lewis Baltz n’a jamais appartenu à un mouvement particulier, même si sa place unique dans l’art et la photographie laisse apparaître de multiples affinités : ses interrogations des limites de la photographie en tant que document font sans nul doute écho à celles de nombreux artistes conceptuels de la première heure ; son intérêt pour le développement de l’architecture industrielle modulaire peut être envisagé à la lumière de la sculpture minimaliste ; son exploration des espaces marginaux ou relégués apparente son oeuvre au land art ; son penchant pour les formes américaines vernaculaires se retrouve dans le pop art ; son inquiétude devant un territoire et une architecture façonnés par les forces économiques dominantes rejoint l’évolution de la photographie documentaire, désormais attachée à fixer moins les événements eux-mêmes que leurs effets ou leurs traces ; enfin, la fusion de différents registres et genres de l’imagerie, caractéristique du travail récent de Baltz, offre de nombreux points communs avec l’intérêt des postmodernes pour le montage, le collage et l’appropriation.

Les publications sur et de Baltz comportent de nombreuses références à la littérature, la philosophie, la politique, l’économie, l’architecture et le cinéma. Chacun de ces domaines pourrait fournir un point de vue éclairant sur son oeuvre. Cependant, au sein de ces références, trois noms reviennent souvent : Alfred Hitchcock, Michelangelo Antonioni et Jean-Luc Godard. »
David Campany - Extrait du texte « Lewis Baltz, le cinéma et l’intuition du rien », publié dans Lewis Baltz – Common Objects (LE BAL / Steidl 2014).



«Le cinéaste qui paraît avoir constitué une véritable référence pour Lewis Baltz est Antonioni. Les premiers plans-séquences du Désert rouge, qui décrivent l’errance de Giuliana (Monica Vitti) et de son fils dans le paysage dévasté par l’industrie pétrochimique, des environs de Ravenne peuvent être rapprochés d’une série telle que Continuous Fire Polar Circle. Fumées émanant de la combustion lente des matières chimiques, goudron en expansion, huile dispersée, détritus de tous ordres, eaux envahies de cambouis sont communs aux regards du photographe américain et du cinéaste italien. Une même posture partagée entre la détresse écologique et la fascination plasticienne, autrement dit un certain pictorialisme spécifique de la fin du XXe siècle, ce siècle au bord du désastre généralisé. L’autre versant de la vision antonionienne est celui, architectural, qui prit comme décor le Milan des années soixante et l’EUR mussolinien. L’égarement de la Lidia (Jeanne Moreau) de La Notte (1961), l’alternance optique à laquelle elle se soumet entre la transparence des vitrines et l’opacité des façades de béton, entre l’élan vertical des immeubles de la reconstruction italienne et l’horizontalité poussiéreuse des terrains vagues hérités de la misère des borgate, pourraient avoir marqué fortement l’imaginaire visuel de Lewis Baltz. La photographie no 6 de la série The Tract Houses en serait la preuve, à la mesure de ce pan de mur qui obstrue l’espace tout autant qu’il lui imprime une ligne de fuite.

Dans un tout autre registre, la séquence finale de Zabriskie Point, explosion accompagnée de la langueur mélodique et planante des Pink Floyd, a fondé une part de l’imagerie de référence pour la génération de Lewis Baltz. La série Near Reno présente des images comparables d’objets de la consommation moderne figés dans un état de ruine définitif : pièces de mécanique automobile, récepteurs de télévision, caisses de matériel électroménager, canalisations, tube fluorescent écrasé… […]

Lewis Baltz s’est peu attardé sur des images déjà faites, images dans l’image. Néanmoins, dans certaines de ses photographies, il prélève des images abandonnées comme autant de ruines, semblables ainsi à d’autres matériaux industriels non identifiés. Ces images du passé témoignent du désastre qui précipite la réalité du monde en même temps que ses reproductions. Comment résister alors à la tentation de rapprocher cette cueillette iconographique pathétique de la fameuse séquence du film de Jean-Luc Godard, où Les Carabiniers, de retour de la guerre, égrènent en guise de conquête des cartes postales dérisoires ? »
Dominique Païni - Extraits du texte « Le cinéma comme inconscient optique », publié dans Lewis Baltz – Common Objects (LE BAL / Steidl 2014).



Biographie
Né en 1945 à Newport en Californie, Lewis Baltz étudie au San Francisco Art Institute. A 26 ans, la galerie Leo Castelli à New York lui consacre sa première exposition personnelle avec la série The Tract Houses, 1969-1971 et The Prototypes Works 1967-1976. En 1975, Lewis Baltz participe à l’exposition « New Topographics: Photographs of a Man-altered Landscape » conçue par William Jenkins à la George Eastman House de Rochester. Sont ainsi présentées les photographies de la série The New Industrial Parks near Irvine, 1974. Cette exposition inaugure une nouvelle conception de la photographie de paysage, dont l’influence reste encore prégnante dans la création visuelle contemporaine.

Dans les années 1980, Lewis Baltz produit d’autres séries toutes aussi emblématiques, Continuous Fire Polar Circle, 1986 et surtout Candlestick Point, 1987-1989 qui marque son passage à la couleur.

En 1992, le Centre Pompidou expose Ronde de nuit, une installation de 12 mètres de long qui interroge l’apparition de notre société de surveillance. Un an plus tard, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris lui consacre une rétrospective.

Lewis Baltz est un des premiers artistes à utiliser la photographie comme forme de l’art conceptuel. Son travail a été exposé dans nombres d’institutions internationales et a été distingué par de nombreux de prix et bourses d’étude dont celle du National Endowment for the Arts (1973, 1977) et de la Fondation John-Simon Guggenheim (1977).

Depuis 2004, Lewis Baltz est professeur émérite à l’Instituto Universitario di Architettura de Venise. Sa collaboration avec Gerhard Steidl a donné naissance à la publication de l’ensemble de son oeuvre. Lewis Baltz a légué l’ensemble de ses archives au Getty Research Institute de Los Angeles en 2013.