contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Kati Horna” article 1358
au Jeu de Paume, Paris

du 3 juin au 21 septembre 2014



www.jeudepaume.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 2 juin 2014.

1358_Kati-Horna1358_Kati-Horna1358_Kati-Horna

Légendes de gauche à droite :
1/  Robert Capa (attribué à), Kati Horna dans le studio de József Pécsi, Budapest, 1933. Tirage gélatino-argentique, 10,5 x 7,5 cm. Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna. © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández.
2/  Kati Horna, Sans titre, Carnaval de Huejotzingo, Puebla, 1941. Tirage gélatino-argentique, 19,5 x 21,5 cm. Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna. © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández.
3/  Kati Horna, Sans titre, Vélez Rubio, province d’Almeria, Andalousie, guerre civile espagnole, 1937. Tirage gélatino-argentique, 25,5 x 20,5 cm. Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna. © 2005 Ana María Norah Horna y Fernández.

 


1358_Kati-Horna audio
Interview de Ángeles Alonso Espinosa, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 2 juin 2014, durée 8'11". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires :
Ángeles Alonso Espinosa, anthropologue et conservatrice au Museo Amparo, Puebla (Mexique),
et José Antonio Rodríguez, historien de l’image et commissaire indépendant.




Dans le cadre de la Semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes.


Le Jeu de Paume présente, en collaboration avec le Museo Amparo de Puebla (Mexique), la première exposition rétrospective de la photographe de Kati Horna (Szilasbalhási, Hongrie, 1912 - Mexico, 2000), retraçant plus de six décennies de production en Hongrie, en France, en Espagne et au Mexique. Photographe mexicaine d’adoption, Kati Horna fait partie de la génération de photographes hongrois (d’André Kertész à Robert Capa en passant par Eva Besnyö, László Moholy-Nagy, Nicolás Muller, Brassaï, Rogi André, Ergy Landau, Martin Munkácsi et bien d’autres) contraints de quitter leur pays en raison des conflits et de l’instabilité sociale des années 1930.

Cosmopolite et avant-gardiste, Kati Horna est surtout connue pour son album sur la guerre civile espagnole, réalisé à la demande du gouvernement républicain espagnol entre 1937 et 1939. Son travail se caractérise à la fois par sa proximité avec les principes de la photographie surréaliste, ainsi que par sa manière très personnelle d’aborder le photoreportage.

Cette grande rétrospective permet de donner une reconnaissance internationale à cette photographe protéiforme, d’un humanisme engagé, en mettant en lumière sa singulière créativité artistique et ses apports au photojournalisme. Elle propose un panorama complet de l’oeuvre de cette artiste qui fit ses premiers pas comme photographe en Hongrie, à l’âge de 21 ans, dans le contexte des mouvements avant-gardistes de l’Europe des années 1930 : le constructivisme russe, l’école du Bauhaus, le surréalisme, la Nouvelle Objectivité allemande. Sa vaste production, réalisée aussi bien en Europe qu’au Mexique, sa patrie d’adoption, est présentée à travers plus de 150 oeuvres – pour la plupart des tirages d’époque, dont la grande majorité est inédite ou méconnue.

C’est au Mexique que Kati Horna se constitue une nouvelle famille avec les artistes émigrés Remedios Varo, Benjamin Péret, Emerico « Chiki » Weisz, Edward James puis, plus tard, Leonora Carrington. En parallèle de ses photoreportages engagés, elle réalise des séries photographiques de contes visuels, des créations extraordinaires mettant en scène des masques ou des poupées – motifs qui lui sont chers depuis la fin des années 1930 –. Kati Horna devient également la grande portraitiste de l’avant-garde artistique et littéraire mexicaine ; ses reportages visionnaires dévoilent les artistes les plus importants au Mexique dans les années 1960, comme Alfonso Reyes, Germán Cueto, Remedios Varo, Pedro Friedeberg, Alejandro Jodorowsky, Mathias Goeritz et Leonora Carrington.

L’exposition est conçue autour de cinq périodes : ses débuts entre Budapest, Berlin et Paris de 1933 à 1937 ; l’Espagne et la guerre civile entre 1937 et 1939, Paris à nouveau en 1939 ; puis le Mexique. L’exposition accorde également une large place aux documents, notamment des revues auxquelles elle a collaboré lors de son errance entre la Hongrie, la France, l’Espagne et le Mexique. Les oeuvres proviennent de l’Archivo Privado de Fotografía y Gráfica Kati y José Horna, du Centre documentaire de la mémoire historique d’Espagne, Salamanque, du Museo Amparo, Puebla, mais aussi de collections privées.



Les débuts : Budapest, Berlin et Paris
“Après je suis retournée à Paris, et vous savez pourquoi je ne suis pas morte de faim à Paris ? Avant de partir, tout le monde se moquait de moi, voilà le photographe [en français dans le texte], j’étais la photographe des oeufs. J’avais eu l’idée d’être la première à faire des choses, pas avec des figurines, mais des petites histoires avec des oeufs, et c’est ce dessinateur magnifique qui s’est suicidé par la suite qui me faisait les visages… La première était l’histoire sentimentale d’une carotte et d’une pomme de terre, la carotte déclare son amour à la pomme de terre, il faisait toujours les visages et moi les cadres des scènes. Je prenais les photos avec mon grand appareil à négatifs 4 x 5, et à la fin elles finissent dans un Royal Express. J’en ai fait d’autres…” Kati Horna

Née en Hongrie dans une famille de banquiers d’origine juive, à une époque d’instabilité politique et sociale, Kati Horna restera profondément marquée par la violence, l’injustice et le danger. Cette situation va forger l’engagement idéologique de Kati Horna, sa recherche perpétuelle de liberté, sa manière particulière de dénoncer l’injustice ainsi que son regard toujours complice et humain à l’instar de Lee Miller et de ses images sur la Seconde Guerre mondiale. Comme pour son grand ami de jeunesse Robert Capa, dont elle restera proche tout au long de sa vie, la photographie devient son moyen d’expression fondamental.

À 19 ans, elle quitte Budapest pour s’installer pendant un an en Allemagne, où elle intègre le collectif Bertolt Brecht. Elle fréquente ses amis et compatriotes photographes Robert Capa et « Chiki » Weisz, ainsi que d’autres figures importantes de la photographie hongroise, comme László Moholy-Nagy – à l’époque professeur à l’école du Bauhaus – et Simon Guttman, fondateur de l’agence Dephot (Deutscher Photodienst). À son retour à Budapest, elle s’inscrit à l’atelier de József Pécsi – célèbre photographe hongrois (1889-1956) – pour quitter de nouveau son pays natal, en 1933, pour s’installer à Paris.

C’est également au cours de cette période de formation que se dessine son esthétique propre, que l’on retrouvera tout au long de sa vie, avec la production de collages et de photomontages inspirés par les mouvements avant gardistes des années 1930 (le Bauhaus, le surréalisme, la Nouvelle Objectivité allemande, le constructivisme russe).

Paris est une capitale cosmopolite, et le surréalisme est alors en pleine apogée. Ce mouvement imprègne le style de Kati Horna, autant par ses thèmes que par ses procédés, qu’il s’agisse du collage narratif, de la surimpression ou du photomontage. Sa pratique de la photographie est étroitement liée aux autres arts de l’image, comme technique d’illustration et support d’une poétique de l’objet. On voit apparaître son goût pour les récits et les mises en scène. À partir de 1933, elle collabore avec l’agence Lutetia-Press, pour laquelle elle réalise ses premiers photoreportages : Mercado de pulgas [Le Marché aux puces] (1933), qui ne sera publié qu’en 1986 dans la revue mexicaine Foto Zoom, et Cafés de París (1934).



L’Espagne et la guerre civile
“La photographie avec ses diverses possibilités permet de montrer, libérer et développer sa propre sensibilité pour qu’elle se réalise en images graphiques.
Et au moment de déclencher, il fallait retenir l’image, laisser couler l’émotion, la découverte et la surprise visuelle, ce moment il fallait le retenir dans la tête, c’est ce que j’appelle développer la mémoire visuelle.”
Kati Horna

Entre 1937 et 1939, Kati Horna documente avec beaucoup de sensibilité la guerre civile espagnole. Le gouvernement républicain espagnol lui demande de réaliser un album sur la guerre civile. Ainsi, de 1937 à 1939, elle photographie les lieux où se déroulent les principaux événements marquants de cette guerre, dans la province d’Aragon, dans les grandes villes du pays (Valence, Madrid, Barcelone ou Lérida) ainsi que dans certains villages stratégiques de l’Espagne républicaine.

Il reste de cette période un fonds de plus de 270 négatifs – conservés aujourd’hui au Centre documentaire de la mémoire historique à Salamanque – qui témoignent de la réalité du conflit sur le front mais aussi et surtout de la vie quotidienne de la population civile à travers un regard en empathie avec l’environnement et les gens. Engagée dans la cause anarchiste, elle devient rédactrice de la revue Umbral – où elle rencontrera son futur mari, l’anarchiste andalou José Horna –, et participe à la revue culturelle de la Confédération nationale du travail, Libre-Studio. Elle collabore également avec les revues Tierra y Libertad, Tiempos Nuevos et Mujeres Libres, des publications présentées ici au public pour la première fois. Son oeuvre se distingue à cette époque par des photomontages à caractère symbolique et métaphorique.



Le Mexique
“Je suis en crise existentielle ; aujourd’hui tout le monde court, aujourd’hui tout le monde conduit. Mes images ? Elles furent le produit d’un amour créatif, lié à mes expériences et la réalisation. Je n’étais jamais pressée.
S.nob c’était mon bonheur. […] Je ne sais pas pourquoi je me suis autant amusée, mais avec la facilité que me donnait Salvador [Elizondo] et l’équipe, et Juan [García Ponce], une grande créativité est sortie de moi.”
Kati Horna

Kati Horna retourne à Paris en 1939. Son mari, l’artiste andalou José Horna, s’enrôle dans la division de l’Èbre qui couvre la retraite des civils espagnols vers la France. En octobre, dès son arrivée à Prats-de-Mollo, dans les Pyrénées françaises, il est enfermé dans un camp de réfugiés espagnols. Kati Horna parvient à le faire libérer. Ils partent pour Paris où les contrôles se poursuivent, les obligeant à fuir la France pour le Mexique. Le Mexique deviendra sa dernière patrie.

Des figures singulières du surréalisme (Leonora Carrington, Remedios Varo, Benjamin Péret et Edward James), du mouvement Panique (Alejandro Jodorowsky), de l’avant-garde artistique, littéraire et architecturale mexicaine (Mathias Goeritz, Germán Cueto, Pedro Friedeberg, Salvador Elizondo, Alfonso Reyes et Ricardo Legorreta) font partie de son existence quotidienne.

Kati Horna va alors s’ériger en chroniqueuse d’une époque et laisser à la postérité un matériel unique. Au Mexique, elle travaille en tant que reporter graphique pour des revues comme Todo (1939), Nosotros (1944-1946), Mujeres (1958-1968), Mexico this Month (entre 1958 et 1965), S.nob (1962), Diseño (1968-1970)… Au cours des vingt dernières années de sa vie, elle se consacre également à l’enseignement de la photographie au sein de l’Université ibéroaméricaine et de l’Académie de San Carlos-UNAM (Université nationale autonome de Mexico), où elle forme toute une génération de photographes contemporains.