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“L’état du ciel (partie 3)” Ed Atkins - Bastards
au Palais de Tokyo, Paris

du 6 juin au 7 septembre 2014



www.palaisdetokyo.com

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 5 juin 2014.

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1/ 2/ 3/  Ed Atkins, Ribbons 2014. Three channel 4:3 in 16:9 HD video with three 4.1 channel surround soundtracks. Courtesy the Artist, Cabinet, London and Galerie Isabella Bortolozzi, Berlin.

 


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Interview de Rebecca Lamarche-Vadel, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 5 juin 2014, durée 5'21". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Rebecca Lamarche-Vadel



Pour sa première exposition monographique en France, Ed Atkins présente Bastards (2014), installation monumentale déclinée en un triptyque vidéo. Délirant, possédé et monstrueux, le personnage au coeur de l’oeuvre est “sous influence”, contrôlé par d’autres forces – l’alcool, le consensus social, les moeurs, l’outil numérique et l’artiste lui-même… La parole du protagoniste, qui oscille entre lamentations, dénigrement et supplication, rythme la structure de la vidéo où ses errances et dérives psychiques trouvent leur écho dans le flux continu de l’image, du texte et de la bande-son. Une myriade d’outils et d’effets cinématographiques – flous, réfractions lumineuses, son immersif, vivacité et saturation des couleurs, montage intense – compose une œuvre viscérale et organique.

Au travers de vidéos, installations, textes et dessins, Ed Atkins (né en 1982, vit et travaille à Londres) développe une oeuvre extrêmement singulière qui se nourrit de certains paradoxes de l’existence. Comment parvenir à toucher et capturer l’essence des choses, l’intériorité et l’émotion des êtres – ces mouvements de l’impalpable –, au-delà de leur enveloppe matérielle ? Suivant des scénarii où se rencontrent signes, références et sources multiples, où l’image et le langage s’entremêlent, se compose une oeuvre dédiée à cette étude. Ed Atkins s’intéresse ainsi à cette matière qui nous échappe, à ces transformations qui s’opèrent au-delà du visible, aux métamorphoses de soi, qui se conduisent en dehors de notre contrôle. Dans la lignée de penseurs tels que Maurice Blanchot ou Catherine Malabou, les thèmes de la disparition, de l’immanence et de l’incarnation hantent l’oeuvre de l’artiste. Ils sont personnifiés par la figure omniprésente du cadavre, enveloppe d’une métamorphose invisible constituant autant un personnage dramatique qu’une allusion à notre finitude. Employant les outils et formes du présent, l’artiste étudie ce que nous sommes en mesure de percevoir, toucher et représenter. Au moyen de vidéos de très haute définition, d’images de synthèse et par l’omniprésence du son, Ed Atkins nous plonge dans des images numériques au plus proche du monde matériel, à un degré tel qu’elles en troublent notre rapport au monde et sa possible représentation. Une myriade d’outils et d’effets cinématographiques – flous, réfractions lumineuses, son immersif, vivacité et saturation des couleurs, montage intense – compose une oeuvre viscérale et organique, où chaque vidéo invente son propre écosystème. Pour sa première exposition monographique en France, Ed Atkins présente Ribbons (2014), installation monumentale déclinée en un triptyque vidéo de haute définition, dont la bande sonore envahit l’ensemble de l’espace d’exposition. La parole du protagoniste, qui oscille entre lamentations, dénigrement et supplication, rythme la structure de la vidéo où ses errances et dérives psychiques trouvent leur écho dans le flux continu de l’image, du texte et de la bande-son. Délirant, possédé et monstrueux, ce personnage est “sous influence”, contrôlé par d’autres forces – l’alcool, le consensus social, les moeurs, l’outil numérique et l’artiste lui-même. Au centre de cette oeuvre persistent les questions fondamentales de la représentation de soi, de la métamorphose interne de l’être, de l’expression du doute, que l’artiste évoque par l’emploi et la subversion des technologies numériques ; une forme magique et paradoxale qui se situe entre notre monde et un autre, entre matérialité des corps et substance invisible.





L’état du ciel témoigne de l’attention portée par des artistes, des poètes, des philosophes aux circonstances physiques, morales et politiques de notre monde. Cette saison qui permettra en un semestre de découvrir plus d’une dizaine de propositions ou d’expositions sur ce thème, répond à la sentence que formula André Breton à propos de Giorgio de Chirico : « L’artiste, cette sentinelle sur la route à perte de vue des qui-vive. » En effet, depuis Goya au moins, l’art moderne ou contemporain porte une attention active à l’état du réel. Craintes, alertes, propositions, révoltes, utopies : souvent les artistes, pour transformer le présent, dressent le paysage de nos inquiétudes et parfois avancent les solutions poétiques pour répondre aux circonstances. En se penchant sur le monde comme on se penche sur les images, l’aujourd’hui n’est plus un bloc de destin mais une surface en mutation qui, en l’exprimant, peut être modifiée.

Ces constats donnent naissance à de nouvelles formes d’expositions qu’une fois encore ce mot ne suffit plus à définir. Ainsi, la transposition du thème de la lamentation dans le langage du cinéma, inspirée de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg par Georges Didi-Huberman et Arno Gisinger, ou la présentation d’oeuvres des collections immatérielles du Centre national des arts plastiques, ou la réflexion sur la chute, du mur de Berlin aux Twin Towers, proposée par Gérard Wajcman et Marie de Brugerolle, ou encore l’immense installation Flamme éternelle de Thomas Hirschhorn consacrée aux relations entre art et philosophie, qui sera activée par la présence de près de 200 intellectuels et poètes qui viendront débattre de la façon dont ces relations peuvent modifier notre conscience.

Ajoutons la trentaine de fictions conçues par Hiroshi Sugimoto sur le thème de la disparition de l’humanité, ou l’exploration scrupuleuse par Angelika Markul des catastrophes de Tchernobyl et Fukushima, ou encore les hybridations virales corps-machines conçues par David Douard et les variations digitales d’Ed Atkins. Ce sont à chaque fois les symptômes d’un état général du monde qui articulent contemplation et action. L’état du ciel – titre inspiré du Promontoire du songe de Victor Hugo dans lequel celui-ci écrit : « L’état normal du ciel, c’est la nuit » – concerne bien le temps qu’il fait, un temps politique, un temps où voir est déjà une manière d’agir.