contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“L’état du ciel (partie 3)” All that falls - Attention à la chute
au Palais de Tokyo, Paris

du 6 juin au 7 septembre 2014



www.palaisdetokyo.com

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 5 juin 2014.

1365_All-that-falls1365_All-that-falls1365_All-that-falls

Légendes de gauche à droite :
1/  Dominique Ghesquière, terre de profondeur, 2013. Terre cuite, dimensions variables. © Aurélien Mole ; courtesy :Galerie Chez Valentin. mention obligatoire : « En 2012, ce projet a été sélectionné par la commission mécénat de la Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques qui lui a apporté son soutien».
2/  Jimmy Robert, Untitled (Ompdrailles), 2013, courtesy the artist and galery Diana Stigter, tirage jet d’encre sur papier archivé, 97cmx144cm ; cylindre en noyer de 150cm sur 5cm de diamètre.
3/  Michael C. McMillen, The Entropic Taxi; Final Destination installation. Film stills, 2014.

 


1365_All-that-falls audio
Interview de Katell Jaffrès, commissaire de l'exposition pour le Palais de Tokyo,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 5 juin 2014, durée 5'13". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires : Marie De Brugerolle & Gérard Wajcman. Sur une proposition de Gérard Wajcman
Commissaire au Palais de Tokyo : Katell Jaffrès




Avec : Ronald Amstutz, Vasco Araújo, Julien Bismuth, Jean-Pascal Flavien, Dominique Ghesquière, Lola Gonzàlez, Camille Henrot, Willy Kautz, Agnieszka Kurant, Julie Legrand, Urs Lüthi, Michael C. McMillen, Steve McQueen, Philip Metz, Deimantas Narkevicius, Tony Oursler, Daniel Pommereulle, Benoit Pype, Delphine Reist, Lili Reynaud Dewar, Jimmy Robert, Miri Segal, Pablo Vargas Lugo. Et avec la participation de : Felix Baumgartner

«Du Mur de Berlin aux Twin Towers, le XXIe siècle est né dans les chutes. Traumatiques ou libératoires, réelles ou métaphoriques, entre crises, krachs, crashs, tsunamis, déboulonnages de régimes et sauts à l’élastique, par les temps qui courent, ça tend à tomber. Mais tout ce qui tombe ne tombe pas toujours mal. Au premier rang de ce qui nous tombe dessus, il y a les objets. Si jadis « les grenouilles tombèrent et recouvrirent l’Égypte », la pluie d’objets qui s’abat sur le monde serait notre plaie moderne. Enjoy ! Tel est le mot d’ordre des temps nouveaux. Pas si joyeux que ça. Les objets supposés satisfaire nos désirs nous ont finalement asservis. Du médicament au téléphone portable, tout prend un tour addictif. Et en tombant au rang de marchandises, les objets ont perdu en dignité. Reste que la chute n’est pas que déprimante ou désastreuse. Au milieu des tragédies, des éclairs de vérité peuvent aussi nous tomber dessus : quand tombent les illusions. Avec le Mur de Berlin ou les tours du World Trade Center, ce sont les idéologies et les croyances funestes d’un siècle qu’on a vues tomber en poussière, toutes les illusions de l’avenir. Il y a des chutes qui, comme les rideaux, dévoilent et nous ouvrent les yeux. Ça tombe aussi dans l’art. Depuis un moment, le sublime a du plomb dans l’aile. Il semble avoir dégringolé du Parnasse au bazar pour finir par terre. La dure loi de la gravitation qui régit le monde est entrée au musée. L’art nous donne à voir que ça tombe et que l’axe du monde a basculé. Jadis on allait au musée pour se consoler dans les hauteurs de l’art des duretés de la vie ; à présent l’art tend vers le sol, le regard se baisse, mais sans s’abaisser. Prenant de la gravité, c’est le système des valeurs qui se renverse. On passe du symbole à la chose, de l’esprit à la matière, de l’âme au corps, du tout au fragment, du trésor au déchet, du monument au tas, du fantasme au réel. Les oeuvres des grands artistes aujourd’hui ne sont pas sublimes, elles sont symptômes, révélateurs d’une civilisation où ça tombe. Elles rendraient intranquille. C’est leur grandeur. L’art tend à ouvrir des brèches dans le réel, discrètes mais efficaces. Nous voici au temps d’un art qui fait acte. Il faudrait penser un sublime pour les temps où ça pleut. C’est la puissance de l’art aujourd’hui de faire épiphanie du réel. L’importance n’est pas qu’esthétique ou de vérité, elle est aussi politique. En ouvrant sur le malaise dans la civilisation, l’art organise une résistance. Et il y convie chacun, amenant les regardeurs que nous sommes à nous interroger sur notre assise dans un monde qui tangue et se dérobe. Façon de nous aider à ne pas trop nous casser la gueule. Et finalement, l’art vient soigner la pesanteur comme on soigne sa droite : en une chute joyeuse.» Marie de Brugerolle & Gérard Wajcman





L’état du ciel témoigne de l’attention portée par des artistes, des poètes, des philosophes aux circonstances physiques, morales et politiques de notre monde. Cette saison qui permettra en un semestre de découvrir plus d’une dizaine de propositions ou d’expositions sur ce thème, répond à la sentence que formula André Breton à propos de Giorgio de Chirico : « L’artiste, cette sentinelle sur la route à perte de vue des qui-vive. » En effet, depuis Goya au moins, l’art moderne ou contemporain porte une attention active à l’état du réel. Craintes, alertes, propositions, révoltes, utopies : souvent les artistes, pour transformer le présent, dressent le paysage de nos inquiétudes et parfois avancent les solutions poétiques pour répondre aux circonstances. En se penchant sur le monde comme on se penche sur les images, l’aujourd’hui n’est plus un bloc de destin mais une surface en mutation qui, en l’exprimant, peut être modifiée.

Ces constats donnent naissance à de nouvelles formes d’expositions qu’une fois encore ce mot ne suffit plus à définir. Ainsi, la transposition du thème de la lamentation dans le langage du cinéma, inspirée de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg par Georges Didi-Huberman et Arno Gisinger, ou la présentation d’oeuvres des collections immatérielles du Centre national des arts plastiques, ou la réflexion sur la chute, du mur de Berlin aux Twin Towers, proposée par Gérard Wajcman et Marie de Brugerolle, ou encore l’immense installation Flamme éternelle de Thomas Hirschhorn consacrée aux relations entre art et philosophie, qui sera activée par la présence de près de 200 intellectuels et poètes qui viendront débattre de la façon dont ces relations peuvent modifier notre conscience.

Ajoutons la trentaine de fictions conçues par Hiroshi Sugimoto sur le thème de la disparition de l’humanité, ou l’exploration scrupuleuse par Angelika Markul des catastrophes de Tchernobyl et Fukushima, ou encore les hybridations virales corps-machines conçues par David Douard et les variations digitales d’Ed Atkins. Ce sont à chaque fois les symptômes d’un état général du monde qui articulent contemplation et action. L’état du ciel – titre inspiré du Promontoire du songe de Victor Hugo dans lequel celui-ci écrit : « L’état normal du ciel, c’est la nuit » – concerne bien le temps qu’il fait, un temps politique, un temps où voir est déjà une manière d’agir.