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“Sarkis” Les pôles des aimants
au Musée du Château des Ducs De Wurtemberg, Montbéliard (25200)

du 6 juin 2014 au 4 janvier 2015



www.montbeliard.fr

 

© Sylvain Silleran, présentation presse au Château des Ducs De Wurtemberg, Montbéliard , le 5 juin 2014.

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1/ 2/ 3/  Sarkis, Les pôles des aimants, 2014. Musée du château des ducs de Wurtemberg, Montbéliard. Crédits : Musées de Montbéliard.

 


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30 secondes de l'exposition,

par Sylvain Silleran, à Montbéliard, le 5 juin 2014, durée 30". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Le Musée du château des ducs de Wurtemberg de Montbéliard accueille la nouvelle exposition de Sarkis : les pôles des aimants. L'artiste y installe un Panthéon nouveau à partir de portraits de Montbéliardais anonymes. Des portraits issus de la collection des quelque 6000 plaques photographiques du musée sont tirés à échelle quasi réelle. Ces clichés de femmes et d'hommes sans nom, sans âge, se suivent parfois comme dans un album familial oublié. Au- dessus courent des fils électriques alimentant autant de néons bleus. Ce sont les signatures des hommes célèbres auxquels la nation a rendu hommage. Les noms de Zola, Hugo, Dumas ou Germaine Tillon ont été retracés, réécrits, devenant ainsi des électrocardiogrammes, des lignes de vie à la lente pulsation bleue, dont la lumière finit par colorer tout l'espace avant de refluer comme à regret et de laisser place à la luminosité naturelle.

L'ancien et le contemporain ne se comparent pas en fonction du prix qu'on leur accorde. La vertèbre de mammouth vieille de 160 000 ans, restaurée selon la technique traditionnelle japonaise du Kintsugi qui ouvre l'exposition, ne prétend pas à plus de valeur que la montre à quartz disposée à côté (et qui indique l'heure exacte). Seul compte le souffle de la vie, l'enchainement de cycles qui vont de l'un à l'autre. La lumière chez Sarkis est une respiration qui berce comme le flux d'une marée, effaçant tout sentiment de temporalité.

Le visiteur est guidé par les compositions de Jacopo Baboni Schilingi. Partant des mélodies de 9 boîtes à musique des collections de l'Hôtel Beurnier-Rossel, fabriquées par l'usine L'Epée de Sainte-Suzanne, le compositeur transforme les sonorités mécaniques en nappes synthétiques aériennes, mouvantes. Ici aussi, ont été sélectionnés des airs anonymes, ne reprenant pas de mélodie identifiable. Cette musique de science-fiction qui n'est pas sans rappeler l'ambiance de Blade Runner, se déplace d'un espace à l'autre comme un vent léger, nous invitant à la suivre, à avancer ou à revenir sur nos pas.

Nous sommes replongés dans un ventre maternel. Cent existences s'offrent à notre contemplation : enfants, mariés, vieillards, familles, travailleurs, tous égaux, tous ordinaires dans leur anonymat et pourtant singuliers. Le temps s'infléchit, nous voilà au moment de naître et devons choisir un chemin parmi ces destins affichés. Ces photographies sans légende abolissent le siècle qui nous sépare et finissent par refléter nos existences, si fragiles et pourtant solides d'une indestructible énergie. Disposés çà et là, vélo, monocycle et fauteuil roulant recouverts de plumes blanches sont les véhicules de ces défunts, anges libérant les âmes de leur tombeau et leur permettant de nous rejoindre.

La révolte de Sarkis contre le Panthéon est un geste profondément humaniste. En y faisant entrer ces femmes et ces hommes ordinaires, c'est nous qu'il choisit d'honorer. En nous replaçant au centre de l'humanité, il nous rappelle à notre beauté et nous confie la responsabilité de notre destin.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Aurélie Voltz, directrice des Musées de Montbéliard



Pour la première fois, le musée du château des ducs de Wurtemberg à Montbéliard invite un artiste d’envergure internationale à réaliser une exposition personnelle. Le caractère universel du travail de Sarkis, qui foule depuis plus de cinquante ans de multiples territoires, cultures et autant de mémoires, semblait à la mesure des collections des Musées de Montbéliard, riches de plus de six cents mille objets, venant de Franche-Comté tout autant que de contrées plus lointaines.

L’ouverture temporelle, géographique, pluridisciplinaire mais aussi philanthropique des musées – les collections provenant en majeure partie d’une société savante montbéliardaise active dès 1850 – formait un terrain favorable à la pensée de Sarkis, qui sait faire de chaque espace et de ses éléments une caisse de résonance.

Au musée du château résonnent le Panthéon et ses grands hommes au milieu de tous les montbéliardais qui ont foulé la ville et ses environs il y a cent ans. Car tous les hommes, de Voltaire à la femme posant modestement devant sa maison font l’histoire. Sarkis a donc puisé dans les richissimes collections des Musées de Montbéliard pour composer cette exposition, faire revivre le passé et jongler avec les âmes au présent. Plaques photographiques, boîtes à musique, mobilier et pièces plus que millénaires ont été sources d’inspiration pour cet artiste qui sait concentrer le monde au premier étage du château. « Le feu démarre par la friction des choses entre elles et alors le temps s’ouvre » nous dit Sarkis.

Cette exposition, dans la lignée d’une programmation qui entend depuis 2011 décloisonner les départements des musées, de la paléontologie à la peinture, de la botanique aux objets d’art et de l’archéologie à l’ornithologie, trouve ici son accomplissement dans le regard porté par un artiste contemporain, à la croisée de tous les chemins.

Aurélie Voltz





Sarkis, né en 1938 à Istanbul, vit et travaille à Paris depuis 1964. En 1967, il remporte le prix de peinture de la Biennale de Paris. En 1969, il est invité par le critique Harald Szeemann à participer à l’exposition Quand les attitudes deviennent formes, à la Kunsthalle de Berne. La transmission et l’enseignement sont également au coeur de ses préoccupations. De 1980 à 1990, il dirige le département Art de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg et de 1988 à 1995, il est directeur de séminaire à l’Institut des Hautes Études à Paris. Le travail de Sarkis, de renommée internationale, a notamment été exposé au cours de ces dix dernières années au musée d’art contemporain de Lyon en 2003, au San Francisco Art Institute en 2006, au musée du Louvre et au musée Bourdelle à Paris, au musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg et au Bode-Museum à Berlin en 2007, ainsi qu’au Centre Pompidou, qui lui a dédié une vaste exposition personnelle en 2010. Il est représenté par la Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles. Dans son oeuvre, Sarkis ne cesse de dialoguer avec l'histoire, les artistes, les cultures et les oeuvres. Il met en scène des installations en travaillant la lumière, les sons, l’image et les matériaux afin de confronter la mémoire, le temps, l’espace, l’expérience subjective, et faire parler les objets. L’archéologie, l’ethnologie, la philosophie, la musicologie, le cinéma, nourrissent les recherches plastiques de l’artiste qui redonne à des trésors endormis une esthétique nouvelle et un souffle de vie libérateur. Installations vidéos, sonores, aquarelles, sculptures, photographies, films, vitraux et néons font partie du registre plastique de l’artiste, dans une multiplicité d’approches.