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“Man Ray, Picabia et la revue Littérature” (1922-1924)
au Centre Pompidou, Paris

du 2 juillet au 8 septembre 2014



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 30 juin 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Francis Picabia, Sans titre, Projet de couverture de Littérature, 1922-1924. Mine graphite et encre sur papier, traces de grattage, 31,6x24,3 cm. Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris. Achat grâce au mécénat de Sanofi, 2014.
2/  Francis Picabia, Sans titre, Projet de couverture de Littérature, 1922-1924. Mine graphite et encre sur papier, 31,4x24,1 cm. Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris. Achat grâce au mécénat de Sanofi, 2014.
3/  Francis Picabia, Sans titre, Couverture de Littérature, nouvelle série, n°4, 1er septembre 1922 (1922). Mine graphite et encre sur papier, collé sur papier, trace de grattage, 27,7x22,4 cm. Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris. Achat grâce au mécénat de Sanofi, 2014.

 


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Interview de Christian Briend et Clément Chéroux, commissaires de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 30 juin 2014, durée 13'31". © FranceFineArt.

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Picabia le provocateur
L’exposition nous emmène au cœur de la revue Littérature. Les revues littéraires sont des lieux d’expérimentations et de recherche pour ceux qui y participent. Tout d’abord dédiée à la poésie la revue Littérature s’ouvre ensuite à d’autres champs. Terrain propice aux revendications et aux manifestes, les revues sont chéries des avant-gardes. Les artistes se cherchent au cours de cette période charnière entre Dada et surréalisme. Peu à peu s’affirme le langage surréaliste dont André Breton écrira le manifeste en 1924.

Pour la deuxième série de Littérature, André Breton fait appel à Picabia dont les dessins provocateurs ont de fortes connotations sexuelles. Celui-ci crée pour la revue un nouveau style graphique et contribue grandement à la publication, bien que les conflits ne manquent pas au cœur même de la revue.

En 2008 sont découverts les dessins originaux et des couvertures non publiées qui enrichissent nettement cette partie de l’œuvre de l’artiste. Celui-ci semble cependant toujours se placer plutôt du côté de la provocation et du franc-parler que du côté des expérimentations sur le sommeil et l’automatisme qu’affectionnent ses compagnons de route.


La photographie hors-texte
La revue ouvre la porte à la photographie. Plus particulièrement à toute production de Man Ray mais aussi à des photographies d’anonymes comme le Sans-titre (devanture de boucherie) ou bien des images d’Atget. Man Ray est un extraordinaire portraitiste et l’exposition nous présente un échantillon savoureux de cette partie de son travail. De nombreux tirages d’époques souvent évanescents comme le portrait d’André Breton réalisé en 1923 ne manqueront pas de fasciner le spectateur.

Mais ce ne sont pas seulement pour ses portraits que le travail de Man Ray est présenté. Sont publiées dans la revue ses rayographies et deux de ces photographies les plus marquantes, une variante d’Elevage de poussière et Violon d’Ingres.

A l’époque peu d’artistes modernistes s’adonnent à la photographie. Elle reste pour être considérée comme art attaché au pictorialisme. C’est à travers les photomontages et des expérimentations comme les schadographies que les artistes d’avant-garde s’y intéressent. Les photographies hors illustrations ou documents sont absents des publications. La revue Littérature est la première à présenter des photographies hors texte. C’est donc comme le précise Clément Chéroux dans le catalogue de l’exposition un moment important dans les relations entre la photographie moderniste et les avant-gardes.

Clémentine Randon-Tabas

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Christian Briend et Clément Chéroux, conservateurs au musée national d’art moderne



L’exposition “Man Ray, Picabia et la revue Littérature (1922-1924)”, présentée au Centre Pompidou du 2 juillet au 8 septembre 2014, invite le visiteur à découvrir la contribution de deux artistes majeurs du XXème siècle à une revue dont les derniers numéros correspondent à une période cruciale de l’histoire de l’art moderne, entre la fin du mouvement Dada et l’avènement du surréalisme.

Littérature dont le premier numéro sort en 1919, est à l’origine une revue surréaliste de “poèmes et de proses” dirigée par Louis Aragon, André Breton et Philippe Soupault. De 1922 à 1924, Breton devient le seul responsable de la revue et décide, pour marquer ce changement de cap, de replacer l’image de couverture créée initialement par Man Ray, par des dessins, toujours différents, de Picabia à qui il donne carte blanche. Pour ce faire, Picabia, qui publie également de nombreux textes dans la revue, conçoit des dessins dans un nouveau style graphique, adopté pour l’occasion, où la ligne et la fantaisie dominent.

Si les neuf couvertures de Littérature publiées par André Breton étaient bien connues des historiens de l’art, nul ne se doutait jusqu’en 2008 que les dessins originaux avaient été conservés, mais aussi que Picabia avait donné dix-sept compositions restées inédites. Cet ensemble exceptionnel, après avoir été déclaré Œuvre d’Intérêt Patrimonial Majeur par la Commission des trésors nationaux, placée auprès d’Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, vient d’entrer dans les collections du Centre Pompidou grâce au mécénat de Sanofi. L’exposition les présente au public pour la première fois depuis leur acquisition.

Man Ray, quant à lui, dévoile dans Littérature des images devenues depuis des icônes de la modernité photographique : le Violon d’Ingres ou l’élevage de poussière en collaboration avec Marcel Duchamp, ainsi que, beaucoup moins connu, Monsieur…etc, montré pour la première fois en Europe dans cette exposition. En effet, si pour les dadaïstes, la photographie n’avait joué qu’un rôle mineur, avec le surréalisme, il faudra désormais compter avec elle.

Pour faire dialoguer Man Ray et Picabia à l’occasion de cette exposition, mais aussi Max Ernst et Robert Desnos, également contributeurs de la revue, Christian Briend et Clément Chéroux, ses commissaires, ont donc fait appel à deux fonds majeurs du Centre Pompidou, dont celui de Man Ray, un ensemble de plus de dix mille négatifs, entré dans les collections par dation et donation en 1994.

Un catalogue publié sous la direction de Clément Chéroux et Christian Briend, co-commissaires de l’exposition, paraît aux Editions du Centre Pompidou, à cette occasion.



Introduction de l’exposition

En 1922, à partir de n°4 de la “nouvelle série” de Littérature, André Breton prend seul la direction de la revue qu’il avait créée avec Louis Aragon et Philippe Soupault en 1919. Pour illustrer un périodique jusqu'alors presque exclusivement littéraire, Breton donne carte blanche à Francis Picabia, l’une des figures essentielles du mouvement Dada, ainsi qu’au photographe américain Man Ray, installé à paris depuis 1921.

Picabia se voit confier la conception des couvertures des numéros 4 à 13 de Littérature (Man ray s’étant chargé des numéros 1 à 3), tout en y publiant régulièrement textes et poèmes. Saisissant l’occasion, l’artiste inaugure un nouveau style graphique, détournant le “retour à Ingres” qui fait alors fureur, pour des compositions tout à tour intrigantes, cocasses ou irrévérencieuses.

Quant à Man Ray, qui sera le portraitiste régulier du groupe Littérature, il publie pour la première fois dans la revue des images qui deviendront de véritables icônes de la modernité photographique. Réunissant photographies et dessins originaux, dont ceux de Max Ernst et Robert Desnos, autres contributeurs de la revue, l’exposition dévoile les couvertures originales de Picabia ainsi que dix-sept projets alternatifs pour Littérature. Restés dans la collection d’André Breton, réapparus seulement en 2008, ils viennent d’entrer dans la collection du Centre Pompidou grâce au mécénat de Sanofi.

Le corps de l’exposition s’articule autour des numéros de la revue, elle commence avec le Littérature, n°4 (1er septembre 1922), jusqu’au Littérature, n°13 (juin 1924).



Épilogue

Après la parution du “numéro démoralisant” de juin 1924, Littérature disparaît définitivement. Breton qui a déjà réuni ses principaux articles dans son recueil Les Pas perdu, rédige, instruit par l’expérience des Sommeils, ce qui deviendra Le Manifeste du Surréalisme. Pour la plupart, les membres du “groupe Littérature” vont participer à la Centrale surréaliste. Man Ray, qui restera un de leurs compagnons de route, en fait plusieurs portraits collectifs. En décembre, ceux-ci illustrent la couverture du premier numéro de La Révolution surréaliste, nouvelle revue du groupe, dirigée par Pierre Naville et Benjamin Péret. Contrairement à Max Ernst et Robert Desnos, dont les dessins avaient également été publiés dans Littérature, Picabia qui n’avait pas ménagé le groupe dans son roman à clefs, Caravansérail, s’en éloigne définitivement. A posteriori, ses dessins pour Littérature apparaissent en profond décalage avec l’esthétique désormais prônée par Breton, fondée notamment sur les ressources du rêve. Restés en partie fidèles à la fantaisie et à la désinvolture Dada, ces compositions drolatiques ne pouvaient apparaître, tout comme leur auteur, qu’irréductiblement intempestifs.

Correspondant à un moment de transition entre la fin du mouvement Dada, que Breton avait pourtant accueilli avec chaleur a ses débuts à Paris, et le début du Surréalisme, les derniers numéros Littérature n’auront donc pas été exempts du malentendus, inhérents sans doute à toute quête d’identité.