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“Bruxelles, une capitale impressionniste” article 1388
au musée des impressionnismes, Giverny

du 11 juillet au 2 novembre 2014



www.mdig.fr

 

© Sylvain Silleran, vernissage presse, le 10 juillet 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jos Albert, Le Grand Intérieur ou Le Déjeuner, 1914. Huile sur toile, 201 x 149,5 cm. Propriété de la Communauté française, en dépôt au musée d’Ixelles, Bruxelles. © Bruxelles, musée d'Ixelles / Photo : Vincent Everarts.
2/  Émile Claus, La Levée des nasses, 1893. Huile sur toile, 130 x 200 cm. Bruxelles, musée d'Ixelles, acquis à l'ar)ste en 1894, C.C. 102. © Bruxelles, musée d'Ixelles / Photo : Mixed Media.
3/  Théo Van Rysselberghe, Portrait de Marguerite Van Mons, 1886. Huile sur toile, 89,5 x 70,5 cm. Gand, Museum voor Schone Kunsten, 1979-C. © Lukas - Art in Flanders VZW / Photo : Hugo Maertens.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Le musée des impressionnismes de Giverny rend hommage à la Belgique, un des premiers pays à accueillir la peinture impressionniste. Du paysagisme à la vision moderne d'une société industrielle et de ses questions sociales, cette exposition présente un large éventail de la peinture belge du XIXéme siècle, toujours en mouvement et éprise de liberté.

Le parcours s'ouvre sur l'Hôtel de ville de Bruxelles de James Ensor. A travers ce portrait d'une ville se profile la vision d'une société qui s'urbanise et des changements à venir. Sous un ciel lourd pointe une éclaircie, les façades en touches désaturées et grises de la fumée d'une industrie triomphante s'opposent à un coin de façade, peint d'une réclame aux couleurs tonitruantes baignée des premiers rayons du soleil. Le ciel saisi au milieu d'un changement de climat, l'affiche abstraite en rectangles rouge, bleu et jaune, annoncent le choc que constitue le mouvement impressionniste.

La peinture passe du portrait au portrait social. Alfred Stevens aborde les problématiques sociales en franchissant les barrières de classes. Dans un décor hivernal, lugubre de neige sale, une femme aisée tente de venir en aide à une famille arrêtée pour vagabondage dans Ce qu'on appelle le vagabondage. Le fond, un mur sombre comme un mur de prison, délimite un cadre sociétal, figé par une hiérarchie infranchissable. Les représentations de paysans et ouvriers côtoient celles de bourgeois en villégiature à la plage, réunissant ainsi toutes les facettes d'un pays en plein essor. Léon Frédéric ose un portrait allégorique de la classe ouvrière. Son imposant triptyque reprend les codes classiques du religieux, le christ portant la croix et la madone à l'enfant. Les enfants du premier plan portant une miche de pain, le jeune couple au centre puis les vieillards et la perspective fuyante sur le cortège accompagnant un cercueil composent le tableau de la vie, de la naissance à la mort.

Poussant l'audace toujours plus loin, les artistes expérimentent un néo-impressionnisme libéré de ses bases formelles. Les tableaux de Théo Van Rysselberghe montrent une palette printanière composée de violets et de verts, couleurs opposées qu'il réussit pourtant à marier en une paisible clarté d'après-midi printanier. Mais c'est dans la radicalité de certains choix que cette avant-garde s'impose: George Morren réalise en peignant Le Verger un tour de force admirable en captant avec une précision sensorielle le contre-jour. Les feuillages des arbres sont des masses noires dont seules le contour se dessine, auréolé par les rayons du soleil; leurs ombres courent vers le spectateur, contrastant avec vivacité de leur fraîcheur sur l'herbe chaude.

La peinture d'Emile Claus s'affranchit définitivement des règles en mêlant différentes techniques sur une même toile. Flous à la brosse tracent le mouvement de l'herbe et des fleurs ondoyant dans le vent tandis que les personnages précisément découpés voient leur traitement réaliste se dissoudre progressivement dans la profondeur de champ. Le refuge de la campagne lui permet de laisser exploser la couleur, de peindre comme si il trempait son pinceau dans la lumière même.

Jamais là où on les attend, les peintres belges nous offrent une surprenante bouffée d'air vivifiant, faisant souffler sur le musée le vent d'une irréductible liberté.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Marina Ferretti, directeur scientifique du musée des impressionnismes Giverny, commissaire général de l’exposition,
et Claire Leblanc, conservateur du musée d’Ixelles à Bruxelles, commissaire scientifique de l’exposition.




Pour son cinquième anniversaire, le musée des impressionnismes Giverny, fidèle à ses missions, explore les aspects méconnus de l'aventure impressionniste.

La Belgique, qui a conquis son indépendance en 1830, connaît rapidement une prospérité exceptionnelle. Forte d’une industrialisation précoce et d’un contexte libéral propice, elle s’affiche dès la fin du XIXe siècle comme une des toutes premières puissances industrielles mondiales. Cette effervescence économique engendre une urbanisation rapide et, sous l'impulsion du Roi Léopold II, Bruxelles connaît un développement comparable à celui du Paris haussmannien, accompagnée d’un bouillonnement culturel sans précédent. Bénéficiant d'une position géographique stratégique à la frontière de l'Europe du Nord et du Sud, la jeune capitale devient un carrefour des avant-gardes européennes et se distingue avec éclat par son effervescence culturelle.

Patrie de l'Art Nouveau et du symbolisme, elle est aussi — et c'est ce qui nous intéresse ici — parmi les premières à accueillir les chefs-d'œuvre impressionnistes et néo-impressionnistes aux Salons des XX et de la Libre Esthétique. Traditionnellement enclins à décrire le réel, sensibles au langage de la lumière et de la couleur, les peintres belges adoptent alors, comme les impressionnistes français, une thématique qui reflète l'univers contemporain, interprété selon une technique plus libre. L'exemple de James Ensor qui, très tôt, use d'une palette claire et d'une touche fractionnée avant d'accompagner le mouvement symboliste puis d'annoncer l'expressionnisme est emblématique de cette indépendance. Et c'est en toute liberté que des personnalités aussi contrastées que celles d'Alfred Stevens, d'Émile Claus ou de Théo Van Rysselberghe s'imposent sur la scène artistique internationale. En Belgique plus encore qu'en France, “l’impressionnisme” se décline au pluriel.

L'exposition compte une centaine d'oeuvres, essentiellement des peintures, mais aussi des affiches et des dessins, dont un tiers environ provient de la collection du musée d’Ixelles, au coeur de Bruxelles. Les autres prêts sont issus de la collection royale de Belgique, du musée Camille Lemonnier, du musée Charlier et du musée van Buuren, mais aussi des musées des Beaux-Arts de Liège, de Gand, d'Ostende, d'Anvers et de la fondation Triton. Les musées français, en particulier le musée d'Orsay, mais aussi les musées de Compiègne, de Douai et de Lille participent largement à ce projet. Sans oublier la fondation de l'Hermitage à Lausanne et de nombreuses collections particulières européennes.