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“Les collectionneurs aux Rencontres” article 1397
à Arles, les Rencontres Photographie d’Arles

du 7 juillet au 21 septembre 2014



www.rencontres-arles.com

 

© Anne-Frédérique Fer, semaine d’ouverture des Rencontres, à Arles, le 9 juillet 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Exposition des téléphones Bell – Exposition universelle de New York, Opératrices 1-19, 1939. Par « Press Dept. 140 West St., New York City ». (Avec l’aimable autorisation de Blind Pirate, New York).
2/  Dieter Appelt, Der Fleck auf dem Spiegel, den der Atemhauch schafft (La Marque de respiration sur le mirroir), 1977. (Avec l'aimable autorisation de la Collection Walther et de la galerie Kicken Berlin).
3/  Boîte à bibelots faite main sertie des portraits des membres d’une famille africaine-américaine, emballage de papier à cigarettes tissé, et années 1970, américain.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Arles, le triomphe des collectionneurs : honneur aux usages vernaculaires de la photographie ou symptôme de la carence des pouvoirs publics ?

La forte présence des collectionneurs et de leurs joyaux dans cette 45e édition des Rencontres d’Arles pourrait bien être le non-dit de cette programmation conçue en forme d’adieu et de Parade par François Hébel, qui quitte la direction des Rencontres photographiques après 13 ans dans cette fonction.

Parcourant la vingtaine de sites d’exposition des Rencontres, on est surpris par la quantité de collections privées présentées cette année : Martin Parr et ses livres chinois en collaboration avec les artistes de la Wassinklundgren, Diale Kaplan et ses objets avec photographies incrustées, Safia Belmenouar et ses cartes postales coloniales, Claude Hudelot et ses panoramas chinois, W. Hunt et ses photographies de foules américaines, Fontcuberta et la collection de l’industriel Trépat, Arthur Walther présentant parmi les plus belles séries de l’histoire de la photographie, sans compter la présence de collectionneurs habitués des Rencontres transformés cette fois en commissaires, comme Erik Kessel et Christian Lacroix. Derrière un apparent hétéroclisme qui pourrait faire penser à une simple réunion fraternelle de quelques amis généreux, il est tentant d’observer des phénomènes et tendances de fonds qui traversent l’univers de la photographie, entre autre.

Certains pourront encore être agacés par l’accessibilité de la fonction de commissaire d’exposition. Artistes, amateurs d’art, couturiers, publicitaires, peuvent, le temps des Rencontres, devenir commissaires. Mais ne nous-y trompons pas. Hormis Erik Kessel et Christian Lacroix, il s’agit bien des collectionneurs eux-mêmes qui montrent leurs trésors. Et c’est surtout la force de leur obsession qui donne la cohérence aux objets présentés. Parfois peut-être éloigné du discours savant et de la certitude du chercheur de métier, le fil rouge du collectionneur porte l’empreinte du désir de possession qui dit aussi beaucoup de nos comportements, de notre époque et de la place de la photographie dans nos univers quotidiens.

La force séductrice de cette cohérence est époustouflante dans la présentation de la collection Walther qui, composée autour du principe de sérialité, offre à nos yeux une formidable plongée dans les grands classiques de la photographie sérielle. D’un seul regard, on peut saisir toutes les planches des Formes originelles de l’art (1928) de Karl Blossfeldt ou toute la galerie de portraits de The familly (1976), photographiée par Richard Avedon, à l’occasion des élections présidentielles américaines. La solennité des photographies de studio de Seydou Keïta voisine l’effort de typologie d’August Sander. La décomposition du mouvement des planches de Muybridge côtoie la répétition du geste de Song Dong qui martèle l’eau.

Au-delà de la collection Walther, ces expositions consacrent surtout divers aspects de la photographie vernaculaire. Le médium apparait ainsi dans toute la richesse de son caractère équivoque. Œuvre d’art, document d’information, instrument de propagande, outil de communication, objet de souvenir, la photographie est au carrefour des sciences, des arts, de l’industrie et du commerce, tout en pénétrant au cœur de l’intimité humaine. La collection Trépat, qui invita Man Ray, Moholy-Nagy, Walter Evans, et d’autres, a participé aux catalogue de l’entreprise de machines agricoles, fonds présentée par Fontcuberta, dit tant des liens précoces entre photographie et industrie que de l’attrait des riches collectionneurs pour le jeune médium.

La coprésence des panoramas représentant la bureaucratie chinoise et ceux rassemblant différents groupes sociaux aux Etats-Unis, respectivement présentés par Hudelot et par Hunt rappellent que la photographie est un instrument de cohésion qui est utilisé tant par les régimes totalitaires que par des sociétés libérales. Ici et là, l’horizontalité marque la force et la solidité du groupe face à l’individu.

Pourtant, la photographie, instrument de construction sociale, voire de contrainte et de manipulation, est aussi un outil d’individuation qui a trouvé sa place dans la sphère de l’intime et du lien affectif. C’est ce qui émane de l’étonnante collection de Diale Kaplan qui dit beaucoup de l’attachement aux personnes à travers les objets. Cette collection regroupe toute sorte de choses manufacturées ou fait-main (jeux de société, éventails, vêtements, éléments décoratifs, boites, meubles, etc.) contenant des photographies représentant des personnes, le plus souvent des proches, parfois aussi des stars et personnalités politiques adulées. La photographie est un outil pour une construction de soi, de la famille, du groupe, de la masse qui en fait un instrument de pouvoir redoutable.

Il est tentant de voir dans la surreprésentation des collectionneurs dans cette 45e édition des Rencontres Photographiques d’Arles, la marque croissante de la carence étatique en matière culturelle, l’effet du retrait de l’Etat de la sphère publique et de l’émergence criante dans la chose commune des fortunes privées, issues souvent du monde financier. Tout du moins, peut-on imaginer dans cette programmation, le pied de nez d’Hébel aux décisionnaires de l’Etat qui ne l’ont pas suivi dans le projet d’acquisition d’une partie des entrepôts ferroviaires, historiquement mis en valeur par les Rencontres. Abstraction faite des moyens financiers, on peut tout de même voir dans la diversité des objets présentés cet été à Arles à travers ces collections, un formidable hommage à la multitude des photographes anonymes ou non, amateurs ou professionnels, collectionneurs occasionnels ou obsessionnels, qui participent depuis son invention et partagent avec d’autres cette expérience universelle qu’est devenue la photographie.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

The Walther Collection
TYPOLOGIE, TAXINOMIE ET CLASSEMENT SÉRIEL
Depuis le début du xxe siècle, la photographie a eu entre autres fonctions de recenser le monde et ses habitants. Considérant la photographie comme une transcription fidèle du réel, photographes et institutions ont, avec la plus grande peine, catalogué un nombre incalculable d’images pour les archiver ou les regrouper dans des collections. L’exposition Lire une archive apporte un éclairage sur ces archives évolutives. Regroupant des oeuvres modernes et contemporaines de la collection Artur Walther – de Karl Blossfeldt et August Sander, artistes de la Nouvelle Objectivité, aux travaux plus récents de Bernd et Hilla Becher, Richard Avedon, J.D. Okhai Ojeikere, Nobuyoshi Araki et Ai Weiwei –, Typologie, taxinomie et classement sériel montre également que les performances conceptuelles, les portraits sériels et les oeuvres temporaires se sont multipliées dans le monde entier. Cette exposition propose une lecture politique et philosophique des oeuvres et établit un dialogue qui tient compte non seulement de l’ambivalence des images documentaires mais aussi de l’ancrage social de la photographie elle-même.
Artur Walther

www.walthercollection.com
Commissaire de l'exposition : Brian Wallis.
Exposition présentée à l'espace Van Gogh.



Collection W.M. Hunt
FOULE
Les images de groupes semblent occuper une toute petite place dans l’histoire de la photographie. Même en ne s’intéressant qu’aux photos américaines d’avant 1950, on se retrouve avec un assortiment complètement fou. Bandes, clubs, remises de diplômes, parades, meetings, clans, fraternités, assemblées, cérémonies, chorales, foules… : on trouve de tout. Au-delà de l’intérêt documentaire de ces images, en faire quelque chose d’artistique est un défi esthétique redoutable. Qui sont ces personnes et pourquoi sont-elles ensemble ? Ces images sont des matrices visuelles d’informations énigmatiques, il existe d’innombrables manières de les déchiffrer. Pensez à ces images comme à des arpèges visuels. C’est du jazz. Ceci n’est pas une collection définitive de photographies, mais elles sont amusantes et bizarres, et résonnent en moi. Ces photographies m’ont trouvé, j’aime les posséder et les partager. C’est ça, le plaisir de collectionner.
W.M. Hunt

www.wmhunt.com
Commissaire de l’exposition : W.M. Hunt.
Exposition présentée au Palais de l'Archevêché.



Collection Claude Hudelot
LE PANORAMA, MIROIR DE LA BUREAUCRATIE CÉLESTE
En Chine, un genre semble préfigurer la photo panoramique : c’est le portrait des empereurs, des hauts dignitaires, seuls ou en couple, puis représentés avec leur descendance. Ces « accumulations » verticales sous forme d’arbres généalogiques sont les ancêtres des panoramas. La vogue des panoramas, qui prendra son essor au XXe siècle, constitue un rite parfaitement en phase avec l’idéologie confucianiste ou communiste. Le sommet du genre est indéniablement le panorama politique. À son arrivée au pouvoir, Mao Zedong devient le symbole absolu de la « bureaucratie céleste ». Tout ici fait sens : la position de chacun par rapport à l’épicentre qu’est toujours « le Président », les vêtements revêtus, le cadre. Mao Zedong, quant à lui, prend un malin plaisir à se singulariser au milieu de cette masse. Le panorama maoïste recèle des informations quasi inépuisables pour tout historien de la Chine contemporaine.
Claude Hudelot

www.france-chine50.com
Commissaire de l'exposition : Claude Hudelot.
Manifestation organisée dans le cadre de France-Chine 50
Exposition présentée au Bureau DesLices.



Collection Daile Kaplan
POP PHOTOGRAPHICA : IMAGES ET OBJETS
Ma collection d’objets parés d’images photographiques témoigne de l’identité mouvante de la photographie, un art qui pendant longtemps a embrassé cultures savante et populaire. Un large éventail d’articles du commerce et d’objets d’art du xxe siècle côtoie des objets faits main datant du xixe siècle, de manière à mettre en valeur l’expression photographique et, ce faisant, de montrer comment les sensibilités populaires ont nourri la praxis artistique (plutôt que l’inverse). Ce nouveau genre, que j’ai baptisé « pop photographica », regroupe tout le spectre des objets du quotidien, créations d’anonymes ou d’artistes renommés qui ont exploré les différents usages de la photographie. Alors que le discours critique s’intéresse principalement aux courants contemporains de la photographie, la question des rapports que celle-ci entretient avec d’autres disciplines artistiques mérite d’être posée. Pop Photographica : images et objets propose une définition de la photographie à la croisée des études culturelles et historiques, et un nouvel aperçu du rôle dynamique de l’image.
Daile Kaplan

www.popphotographica.com
Commissaire de l'exposition : Daile Kaplan.
Exposition présentée au Bureau DesLices.



Il y a aussi :

Bons baisers des colonies - Collections Safia Belmenouar et Marc Combier
au Bureau DesLices

Trésors de l'institut de France - commissariat Anne Lacoste
au musée départemental Arles antique

Martin Parr et Wasinklundgren - Les livres de photographies chinois
au Bureau DesLices

La collection Trepat, Un cas d'étude de la photographie d'avant-garde – commissariat Joan Fontcuberta
au musée départemental Arles antique