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“Laure Prouvost” this is the visit
à la Galerie Nathalie Obadia - Cloître Saint-Merri, Paris

du 18 septembre au 31 octobre 2014



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 18 septembre 2014.

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Laure Prouvost, Tapestry Project Work in progress, 1,94x5,80 m, 2014. Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Grandad a disparu dans le tunnel qu’il a construit pour rejoindre l’Afrique. Inquiète et désespérée, Grandma fait des tapisseries et sert du thé tout en projetant de construire un centre en l’honneur de Grandad. C’est la trame narrative qu’a inventée Laure Prouvost pour nous faire pénétrer dans son espace mental ; un espace habité par le fantôme de Kurt Schwitters, l’artiste dadaïste, dont elle assume l’héritage en le présentant comme l’ami de Grandad, lui-même artiste conceptuel.

Ici, une estrade chemine dans la galerie Odabia pour guider le visiteur. Là, un escalier en colimaçon mène juste en haut du mur où est projetée une vidéo. Par ici et par là, on peut glisser sa tête ou ses bras pour devenir Grandad. Des panneaux informatifs miment l’organisation muséale et proposent même des objets dérivés. Dans les coins, aux intersections, on trouve des panneaux peints (Signs) avec des phrases suscitant la transformation mentale de l’espace ou la perception des mots.

D’abord, on fait le tour de la maquette du centre consacré à Grandad : bâtiment hybride fait de grillage, miroirs brisés, écrans, terre, coton, paille, bois, animal empaillé, bout de langue, seins, toboggan, théière, etc. Cela pourrait être une maison, un bateau, un vaisseau spatial, ou l’Opéra de Sidney, une cage, un tunnel ou une ossature corporelle avec une langue et même un tuyau urinant du thé au bout de la chaine. Les interprétations sont infinies.

Plus loin, on découvre la tapisserie retraçant le temps depuis la disparition de Grandad (Since he is gone, weaved by Grand Ma), sorte de gigantesque collage psycho-spatio-temporel. Ici, le transfert sur tapisserie rend déjà obsolète et passéiste notre modernité contemporaine représentée.

Projetée en l’air au mur, sur un coin de la tapisserie ou une salle obscure (Burrow me), des vidéos faites de cut-up, assemblées sur un rythme rapide et parsemées d’images subliminales, se déroulent selon un montage rappelant le processus complexe de la fabrication de nos images internes, conscientes et inconscientes.

Laure Prouvost joue avec les formes, les usages, les matières et les concepts. Elle les mixe pour présenter une narration rocambolesque et loufoque destinée à être saisie par notre propre imaginaire. La dérision, l’ambigüité, l’appropriation, l’approximation, l’association, l’imperfection semblent être les formes centrales de son travail ; les mots et les images en seraient la matière. Dans cette gigantesque installation, Laure Prouvost s’amuse et se moque de nos obsessions et nos usages à créer des choses dans l’attente d’un(e) autre qui n’est pas (plus) là.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Lauréate du prestigieux Turner Prize 2013 décerné pour la première fois de son histoire à un français, Laure Prouvost, établie à Londres, présentera un ensemble d’oeuvre inédites, dans la lignée de l’oeuvre primée Wantee (2013) qui racontait l’histoire de son grand-père fictionnel – ami de Kurt Schwitters, qui aurait mystérieusement disparu en creusant un tunnel conceptuel vers l’Afrique, et de sa vidéo Grandma’s dream (2013) où Laure Prouvost nous plongeait dans l’imaginaire de sa grand-mère, elle-aussi factice.

Dans le prolongement de ces deux oeuvres majeures, l’artiste investit la galerie pour nous inviter dans le Visitor Center, élaboré par sa grand-mère et les petits-enfants en l’honneur du mari et grand-père à ce jour toujours porté disparu. Le cheminement du visiteur est accompagné par une estrade qui le porte tout au long de son parcours vers les installations, tapisseries, peintures, vidéos et sculptures, que Laure Prouvost plonge dans une expérience immersive de son et de lumière. Deux tapisseries, réalisées à partir de collages de l’artiste sont animées d’un dispositif filmé, un escalier hélicoidal propose au visiteur de prendre de la hauteur pour l’amener vers une vidéo, des panneaux jalonnent le parcours et agrémentent d’étapes son cheminement, des peintures SIGNS déconstruisent l’espace d’exposition en proposant un agencement idéal alternatif, tandis que la vidéo Burrow Me l’invite sur les traces d’une échappée rocambolesque.

Complice par sa venue dans ce musée fabriqué, le spectateur rend donc hommage au grand-père disparu: l’artiste interroge le visiteur sur les frontières imprécises qui séparent le réel de la fiction pour mieux lui donner une présence centrale dans la réception de ses installations.

En proposant un travail particulièrement novateur, singulier et organique, Laure Prouvost développe dans son oeuvre une trame narrative cohérente et pénétrante, dont le fantasque et l’humour ne sont pas les seules ressources.

Archiviste d’images, d’objets, de mots, d’artisanats, de fictions et de documents, elle rançonne le flux quotidien d’images et de textes qui nous assaille pour isoler les prodigieuses associations et combinaisons qui serviront en particulier ses histoires et la chronique de son oeuvre en général. Au travers d’une approche approximative et peu scrupuleuse des principes de la traduction, une facilité déconcertante à traiter les notions d’apparence, d’hypothèse et d’ambiguité dans les mythologies montées de toutes pièces qu’elle nous donne à voir et l’idée indicative qu’un drame, une défaillance ou un échec est toujours possible – sait-on si le grand-père reviendra jamais? Laure Prouvost construit méthodiquement une oeuvre consistante et nécessaire.

Et si elle se joue des effets de ces incidences et accidents, la perspective bien réelle d’un monde idéal se laisse entrevoir dans la générosité qu’elle apporte a son travail, comme au travers de fantaisies et de gaietés jamais affectées.