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“Biennale de Belleville 3ème édition” La piste des Apaches
Quartier de Belleville & Est parisien, Paris

au 25 septembre au 26 octobre 2014



www.labiennaledebelleville.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 24 septembre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Dector & Dupuy, Lilas. Photo de repérage Belleville, juin 2014. Courtesy des artistes.
2/  Promenades Urbaines. Montreuil, formidable étalage de nourritures. © Emilie Bierry. Courtesy Promenades Urbaines.
3/  Laëtitia Badaut Haussmann, Documentation photographique de A Program #1, 2013. Avec Lola Peploe & Clément Allanic. Production : Crédac + MACVAL + Galerie Jean-Collet. Crédit photo : William Simon & Laëtitia Badaut Haussmann. Courtesy Laëtitia Badaut Haussmann.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Cet automne, Le Pavillon Carré de Baudouin nous invite à quitter murs et cimaises pour marcher à la rencontre d'artistes qui investissent l'espace urbain. Cette biennale sous le signe de la déambulation propose aux spectateurs de plonger en immersion totale dans la ville afin non plus de contempler une œuvre mais de participer en tant qu'acteur à sa construction.

L'intérieur du pavillon est déjà une invitation à la marche, il est le point de départ des multiples itinéraires que regroupe cet évènement. Un large carré noir au sol nous interpelle, territoire horizontal dense de traits de graphite. Cet espace immobile dévoile à y regarder de plus près les mille gestes de crayon qui l'ont noirci, autant de parcours nous invitant à nous mouvoir.

Au mur, une vidéo d'un noir et blanc cru, rappelant l'expressionnisme allemand des années 1920.
Downside Up de Fiona Tan montre en plan fixe une rue traversée par des passants. Seuls ou en couple, ces personnages se croisant en tous sens projettent leurs ombres noires sur le pavé. Mais l'angle de la prise de vue, le contre-jour confondant silhouettes et ombres nous font perdre nos repères. Ne permettant pas de distinguer le haut du bas, la droite de la gauche, le positif du négatif, il ne reste plus que la trajectoire, la détermination des ces citadins marchant droit vers leur but.

Au rez-de-chaussée, l'artothèque rompt avec les codes statiques de l'exposition. Les œuvres exposées, de dimensions réduites, sont destinées à être prêtées aux visiteurs, accrochées chez eux et éventuellement achetées. Ici c'est l'œuvre elle-même qui entre dans une relation intime avec le spectateur, qui se met en mouvement et part habiter la ville.

A l'étage, une projection dans un cinémascope spectaculaire nous fait suivre Jacques Clayssen et Patrick Laforet marchant à travers les territoires oubliés de nos banlieues. Leur randonnée suit des routes ordinaires, bifurque à travers les interstices de la ville tels que zones industrielles ou cimetières, tissant pas après pas un récit. Ce plan séquence nous replace dans le temps réel de notre existence. Le rythme de la marche se révèle à nous comme une évidence oubliée: c'est un repère temporel universel mettant soudainement à nu la virtualité de l'accélération de nos vies, de nos interactions numériques.

Il est temps de se mettre en route, direction le parc des Buttes Chaumont où Capucine Vever et Valentin Ferré ont créé Yet another hole I didn't know about / A la conquête de la Nouvelle Californie. Du parc jusqu'aux Lilas, en passant par le parc de la Butte du Chapeau Rouge, notre parcours se dessine dans la cartographie affichée sur l'écran d'un smartphone. Certaines zones traversées déclenchent sons et voix dans notre casque, mettant en relation la topographie de la ville se déroulant devant nos yeux et celle invisible sous nos pieds. Ainsi s'écrit une étrange correspondance entre les deux côtés de la surface, le plein et le vide. Les rues et les bâtiments deviennent comme virtuels au fur et à mesure que nous écoutons la description d'un réel insaisissable profondément enfoui sous terre.

Au fil de ces multiples itinéraires, la ville devient pour un mois la toile sur laquelle s'écrivent autant de rencontres.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
commissaire général : Patrice Joly
commissaires associés : Jean-Christophe Arcos, François Aubart et Benjamin Seror, Aude Launay, Marie Maertens
commissaires invités : Élisa Rigoulet et Antoine Donzeaud (Exo)




Explorer, déambuler, flâner, la 3e édition de la biennale de Belleville, intitulée La piste des Apaches, qui aura lieu du 25 septembre au 26 octobre, s’annonce sous le signe de la marche, que celle-ci s’envisage comme la voie d’un néo-tourisme urbain ou comme le signe d’un rassemblement humain. Les nombreux projets des artistes investiront les rues sinueuses du quartier, faisant de ce territoire le véritable protagoniste de l’événement ; ils n’hésiteront pas non plus à franchir le périphérique pour faire vivre enfin ce Grand Paris tant attendu. Nouvelles liaisons pédestres à travers Belleville et la Petite Couronne, récits de visites souterraines géolocalisées sur smartphone, voyage de bars en bars pour écouter des textes d’artistes inédits, manifestations de fantômes : entre revisitation débridée du format de l’exposition, arpentage poétique du quartier, évocation narrative des oeuvres à la place du display classique, la biennale transcende les limites géographiques et formelles afin d’offrir une nouvelle vision de l’art contemporain, tout en mobilité et dépaysement.

Avec : Laëtitia Badaut Haussmann, Mariana Castillo Deball, Jacques Clayssen & Patrick Laforet, Claude Closky, Dector & Dupuy, Hamish Fulton, Jochen Dehn, Chris Evans, Adrien Guillet & Camille Tsvetoukhine, Louise Hervé et Chloé Maillet, Jean-Christophe Norman, Till Roeskens, Laurent Tixador, Capucine Vever en collaboration avec Valentin Ferré, Peter Wächtler...


DES MARCHES ET DES DÉAMBULATIONS

Connus pour leurs visites guidées performatives, Dector & Dupuy, à travers leur projet inédit Effleurer les Lilas, conduiront le public du pavillon Carré de Baudouin jusqu’à la Porte des Lilas pour ensuite les reconduire au pavillon Carré de Baudouin en suivant un itinéraire non linéaire. Ils reliront ainsi la ville poétiquement, explorant sa face cachée à partir de signes auxquels on ne prête plus attention et s’appuyant notamment sur ce qui fait une ville : pas seulement le bâti mais ses habitants.

Laurent Tixador est un artiste marcheur. Dans le cadre de la biennale de Belleville 3, il propose de relier Nantes et Paris, le terme de sa marche coïncidant avec le soir du vernissage de la biennale, soit le mercredi 24 septembre. Tout au long de son périple, qui durera une quinzaine de jours — et qui pourra être suivi via un blog qu’il alimentera régulièrement — l’artiste réalisera des objets qui seront ensuite présentés dans l’exposition au pavillon Carré de Baudouin.

Jacques Clayssen & Patrick Laforet ont quant à eux décidé d’ouvrir une liaison pédestre de quinze kilomètres entre la galerie Thaddaeus Ropac de Pantin et la galerie Gagosian du Bourget. Le trajet, de presque quatre heures, traverse des paysages contrastés dans les interstices de l’urbain et du péri-urbain, longe une autoroute dans son sarcophage de béton, emprunte une passerelle sur une gare de triage, pénètre dans un cimetière et longe des cités. Légendes urbaines et points de vue jalonnent ainsi ce Hors Circuits, révélant un environnement riche en découvertes. Les parcours seront réactivés en petits groupes qu’ils accompagneront de manière hebdomadaire.

Le duo d’artistes Adrien Guillet & Camille Tsvetoukhine imagine un projet polymorphe et in situ intitulé Hanter Belleville, composé de trois déambulations et de conférences. Revisitant le concept d’Hantologie du philosophe Jacques Derrida, ils invitent le public à revêtir un costume de fantôme. Véritables acteurs du projet, les spectateurs formeront alors des groupes qui partiront de différents points et traverseront la ville pour se rassembler ensuite au croisement de leurs chemins respectifs à l’auditorium du pavillon Carré de Baudouin, où débutera une conférence. À la fois réflexive, participative et très festive, cette proposition invite à former une communauté transitoire le temps d’une après-midi.

Capucine Vever s’intéresse quant à elle à une typologie de territoire bien particulière présente dans de nombreuses villes mais pourtant invisible : les carrières, qui constituent des espaces oubliés. C’est pourtant par là que tout a commencé, de là que la pierre a été extraite afin de construire les bâtiments : les carrières sont le socle de la ville. Ce projet, intitulé Yet another hole I didn’t know about / À la conquête de la Nouvelle Californie, conçu dans le cadre de sa résidence à la Maison des Arts de Malakoff et pensé conjointement pour le territoire de la ville de Malakoff et du quartier de Belleville, convie le public à marcher dans la ville afin d’explorer mentalement ces zones immergées. Ainsi, par un dispositif géolocalisé (un casque audio et un smartphone) les créations sonores, développées en collaboration avec Valentin Ferré et guidant le marcheur dans son voyage par procuration, se déclencheront automatiquement en fonction de sa position géographique, lorsqu’il surplombera une carrière. Ce projet est soutenu par la DRAC Île-de-France et reçoit la participation du DICRéAM.

Par ailleurs, cette nouvelle édition de la biennale de Belleville élargira la ville de sorte qu’elle ne soit plus seulement un espace géographique mais aussi un terrain commun d’expériences fondé notamment sur des collaborations avec le tissu associatif local. Alors que Dédale conduira le public le long du tram T3 pour une visite nocturne, Promenades Urbaines proposera une déambulation vers Montreuil, qui se clôturera par un pique-nique. Belleville en Vue(s), quant à elle, programmera une soirée de projections en plein air dans le jardin du pavillon Carré de Baudouin. Enfin, Khiasma est invité à organiser une soirée inédite et hors les murs dans le cadre de son festival Relectures.


DES PROJETS PERFORMATIFS DANS L’ESPACE PUBLIC

Alliant performance et écriture, Jean-Christophe Norman propose de réécrire Ulysse de James Joyce, directement au sol et à la craie : Ulysses, a long way (Paris). L’artiste investira ainsi pendant plusieurs jours les rues de Belleville, transformant l’acte performatif en geste pictural suscitant l’attention des passants.

Dans le cadre du projet Les mots bleus, proposé par François Aubart et Benjamin Seror, des artistes sont invités à produire une nouvelle ou un court texte qui sera lu par une personne attablée dans un bar du quartier. Il s’agit moins de mettre en jeu la présence physique des artistes que de produire un contexte dans lequel puisse se développer une narration. Les lectures sont ainsi l’occasion pour le public de se réunir autour d’un lecteur. Ce projet répond d’abord à son contexte, celui d’un quartier où l’on se rend pour de nombreuses raisons mais surtout et assez souvent pour celle de boire un verre. Car si ces dernières années Belleville a vu apparaître des magasins bios, des galeries d’art ou des agences immobilières, signes d’une gentrification en marche, elle enregistre un lot conséquent de débits de boissons qui font la richesse de sa vie nocturne. Ces rencontres auront lieu un samedi au cours d’une après-midi et d’une soirée dans six bars, afin de favoriser une circulation du public d’un lieu à l’autre.

Inspirée d’une nouvelle de J.G. Ballard écrite dans les années cinquante, A Program#2, proposition de l’artiste Laëtitia Badaut Haussmann, consiste en une déambulation cinématographique où le paysage urbain est traité comme décor et dont la réalité matérielle semble avoir été transfigurée par la présence d’agents doubles, incarnés par deux personnages : Lola, la speakerine sans voix et le mec. Dans le cadre de cette nouvelle édition de la biennale, l’oeuvre devient une dérive urbaine entre le pavillon Carré de Baudouin et le bas Montreuil. Au cours d’une promenade, ponctuée d’apparitions d’acteurs, une bande sonore accompagne le public, attirant son attention sur un ensemble d’événements confrontant la fiction au réel. Une zone fictionnelle parallèle se dessine alors, habitée de présences muettes, de fragments de récits et de traces archéologiques urbaines « augmentées » qui font écho à la phrase célèbre de J. G. Ballard : «la fiction est partout ».


DES EXPOSITIONS

Cette année encore, le pavillon Carré de Baudouin demeure le point névralgique de la manifestation. Plutôt que de proposer une exposition « classique », le lieu accueillera un dispositif multiple, composé d’un comptoir où les visiteurs seront informés des diverses manifestations qui jalonnent la biennale (marches, performances, conférences, lectures, etc.), d’une artothèque (cf. descriptif plus bas), d’un coin librairie présentant de nombreux ouvrages en relation avec le thème (en partenariat avec la Librairie Volume), mais aussi d’une exposition à l’étage qui mêlera des productions d’artistes historiquement liés à la marche à d’autres plus récentes et directement reliées à la programmation des parcours et les prolongeant : à l’instar de Laurent Tixador qui déposera le jour du vernissage sur une grande table dédiée à cet usage les objets fabriqués durant sa marche de Nantes à Paris, les « randonneurs » seront invités à déposer les objets collectés lors des trajets, participant de ce fait à ce concept d’exposition in progress.

Une seconde exposition, intitulée Brooklyn à Belleville, sur une proposition de Marie Maertens, fera du spectateur l’acteur même de sa promenade. Non plus regardeur, s’il fallait paraphraser Marcel Duchamp, mais écouteur, ce dernier découvrira des oeuvres racontées par de jeunes plasticiens américains qui, à travers différents médiums, orientent leurs réflexions sur la question de la narration. À télécharger sur le site de la biennale, chaque histoire se révèlera une lecture — donc une certaine réinterprétation — d’une pièce choisie par l’auteur dans son propre travail, mais qui ne sera jamais donnée à voir. Les oeuvres prendront ainsi vie et se transformeront dans l’imaginaire de celui qui les écoutera, se mêlant aux déambulations dans Belleville ou croisant les autres travaux performatifs de la biennale. Les récits s’enchevêtreront également au hasard car, dans le fond, on ne connaît jamais la fin de l’histoire avant de l’avoir vécue.

Enfin, un projet mené par Élisa Rigoulet et Antoine Donzeaud du programme curatorial Exo, abordera les questions de la localisation et du déplacement en interrogeant le degré de présence de l’exposition. Exo explore le « différé » comme processus étirable permettant de reformuler le principe d’exposition dans l’écart qui se joue avec ses moyens de production, ses choix de monstration, d’ancrage ou de délocalisation. Déclinant sa proposition en trois temps qui sont autant de variations dans la distance qui peut se glisser entre l’exposition, sa réalisation et son installation, Exo réfléchit à une possible transposition de l’exposition par des dispositifs successifs de délégation, de déplacement, ou de virtualisation.


L’ARTOTHÈQUE. Rez-de-chaussée du pavillon Carré de Baudouin

En contrepoint aux différents parcours programmés par la biennale, l’artothèque, sur une proposition de Jean-Christophe Arcos et une scénographie de David Ha, en partenariat avec L’Accorderie du Grand Belleville et avec la Mairie de Paris – Délégation à la Politique de la Ville et à l’Intégration, propose d’inverser le mouvement classique de la visite en faisant circuler l’oeuvre elle-même vers les publics. Ce dispositif de prêt d’oeuvres d’art contemporain sera ouvert à tous, individuels ou collectivités (écoles, associations, bibliothèques, entreprises, etc.). L’artothèque offrira la possibilité d’emporter et d’accrocher chez soi une oeuvre de valeur limitée : un dessin, une lithographie, une estampe, une photographie ou une peinture. Voisins curieux, néophytes ou amateurs, tout un chacun pourra établir une relation privilégiée à la création actuelle. Constituée pour l’occasion, la collection de l’artothèque de la biennale de Belleville 3 poursuit une orientation de territorialisation de la biennale en faisant circuler les oeuvres vers des publics habitant ou non le quartier. Elle invite donc à une certaine appropriation de l’art en réactivant l’esprit utopique ayant conduit à l’invention de ce type de structure.


UNE JOURNÉE DE COLLOQUE. Auditorium du pavillon Carré de Baudouin

Empruntant son titre au bréviaire d’Henry David Thoreau, De la marche réunira le temps d’une journée des penseurs et des praticiens de cette discipline qui est aussi, pour la plupart d’entre nous, une activité quotidienne à laquelle nous ne prêtons pas forcément attention puisqu’elle relève a priori d’un automatisme. Ce colloque est organisé par Aude Launay en partenariat avec l’École supérieure des beaux-arts de Nantes Métropole.


ET TOUJOURS…

Le journal de la Biennale


Comme lors des précédentes éditions, un journal sera édité. Faisant à la fois office de carte des lieux et d’agenda des événements ainsi que de recueil de textes d’intention des curateurs ou d’entretiens avec des artistes, il est le guide de visite indispensable, distribué dans tout Paris ainsi qu’à Marseille, Nantes et Nice.

Les expositions des galeries de Belleville
Les galeries de Belleville constituent des étapes de visite importantes à parcourir pendant l’événement. Certains de leurs artistes se retrouvent naturellement associés aux projets de la biennale.

La biennale de Belleville reprendra donc ses marques, entre Belleville et Montreuil, le Parc des Buttes Chaumont et le Cimetière du Père Lachaise, s’étendant cette année bien au-delà. Proximité, territorialité, mixité : la biennale a fondé son identité sur une exploration physique et imaginaire de cette ancienne commune au riche passé en essayant de transcender cet attachement au contexte. La première édition avait tenté de faire le parallèle entre sédimentation de la population et complexité de l’oeuvre, la seconde de faire résonner l’actualité politique avec l’aspect cyclique de la création artistique. Avec cette troisième édition, forte de son histoire, qui insistera encore plus sur la dimension exploratoire en se dédiant à la marche et à la déambulation urbaine, la biennale de Belleville s’inscrit résolument dans le paysage de l’art contemporain comme un événement parisien incontournable de la rentrée.

La biennale de Belleville a été fondée en 2010 par Patrice Joly, Emmanuelle Lequeux, Claire Moulène, Judicaël Lavrador, Aude Launay, Muriel Enjalran et Gilles Drouault.