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“Aurélien Froment” Montage des attractions
Le Plateau, Frac Île-de-France, Paris

du 2 octobre au 7 décembre 2014



www.fraciledefrance.com

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage, le 1er octobre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/ & 3/  Aurélien Froment, Tombeau idéal de Ferdinand Cheval (détail), 2014.
Tirage pigmentaire sur papier baryté. Courtoisie de l'artiste, Marcelle Alix, Paris et Motive Gallery, Bruxelles.
2/  Aurélien Froment, Fröbel fröbelé (detail), 2013 Tirage pigmentaire sur papier baryté. Courtoisie de l'artiste, Marcelle Alix, Paris et Motive Gallery, Bruxelles.

 


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Interview de Xavier Franceschi, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 1er octobre 2014, durée 7'42". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition : Xavier Franceschi



Le frac île-de-france présente au plateau Montage des attractions, première exposition personnelle d’Aurélien Froment dans une institution parisienne.

L’oeuvre d’Aurélien Froment peut se concevoir comme une forme de répertoire, qu’il compose librement depuis une dizaine d’années. Les auteurs à partir desquels il travaille — qu’ils soient « artisansvisionnaires », « metteurs en scène du réel », ou « philosophes-maquettistes » – sont souvent des personnages secondaires de l’histoire, devenus marginaux par défaut. Au travers de films, ensembles photographiques ou autres installations, Aurélien Froment emprunte au style documentaire pour revisiter des oeuvres ni complètement tangibles, ni complètement utopiques.

Au plateau, l’artiste installe un projet spécifique consistant à revisiter l’oeuvre de Friedrich Fröbel et Ferdinand Cheval. Jouant du déplacement contextuel et de la fragmentation, il nous propose un travail de reconstruction en mettant en scène leur oeuvre, notamment à partir de leur reproduction photographique.

Fröbel fröbelé (1836-1852 : Les jeux éducatifs du Kindergarten de Friedrich Fröbel) Tout en réduisant les jouets de son époque à des formes élémentaires, Fröbel avait pour projet de faire participer les enfants à la complexité du monde. L’exposition présente de manière inédite l’ensemble des jouets conçus par ce pionnier de l’éducation moderne.

Tombeau idéal de Ferdinand Cheval (Une exposition grandeur nature) Entre 1879 et 1912, Ferdinand Cheval réalise une oeuvre monumentale qui résiste encore à l’interprétation. L’exposition présente une sélection de figures et d’éléments architecturaux extraits de l’oeuvre énigmatique du célèbre facteur d’Hauterives.

Montage des attractions : ou comment, au-delà du divertissement — réel — suggéré, deux démarches que tout semblerait opposer se retrouvent soudainement juxtaposées, projetant le souvenir de l’une dans le déchiffrement de l’autre.





Fröbel fröbelé
1836-1852 : les jeux éducatifs du Kindergarten de Friedrich Fröbel


Depuis longtemps, nous voyions avec peine que la direction des sept premières années de la vie des enfants était généralement abandonnée au hasard, soumise à des règles arbitraires trop souvent contraires au développement normal de la nature enfantine. Néanmoins les premières notions, les premières habitudes physiques, intellectuelles et morales, reçues dans cette période de la vie, laissent des traces profondes en bien ou en mal. Quand on songe que les premiers faux plis qu’on fait prendre au naturel de l’homme-enfant peuvent être ineffaçables, et que l’incurie ou l’ignorance des personnes chargées des soins à donner à la plante humaine naissante, risquent de déterminer tout son avenir d’une manière funeste, on ne peut se dissimuler que l’éducation des premières années de l’homme, offre un grave problème qui mérite d’appeler la plus sérieuse attention des mères de famille, des instituteurs et des institutrices.

À mesure que notre expérience devenait plus longue dans la carrière de l’enseignement, nous sentions plus vivement le besoin d’une reforme dans l’éducation de la première enfance, lorsque, grâce aux lumières apportées de l’Allemagne en Belgique par madame la baronne de Marenholtz de Hanovre, nous parvînmes à la connaissance du système pédagogique de Fréderic Froebel. Celui-ci nous a fourni tous les éléments d’une méthode complète destinée à développer d’une manière harmonique les facultés de l’être humain dès le commencement de son existence. Nous avons considéré de prime abord les procédés éducateurs répandus par le zèle pieux et infatigable de la respectable amie et disciple de Froebel, comme des moyens de perfectionnement et de haute moralisation pour la jeune génération actuelle, comme une voie de salut pour l’avenir.

Sollicité par un grand nombre d’institutrices et de mères de famille, qui désiraient appliquer le système Froebel, nous entreprîmes de faire le Manuel pratique des jardins d’enfants. Malgré notre vif désir de contribuer, dans la mesure de nos forces, à la vulgarisation d’une méthode qui doit exercer une influence sur les générations futures, nous aurions reculé devant l’entreprise d’une oeuvre de cette importance, si nous n’avions été assuré d’avance du concours officieux de personnes dont les conseils et l’expérience devaient nous apporter une coopération aussi précieuse qu’indispensable.

Nous devons payer ici un tribut tout spécial de remerciements à madame la baronne de Marenholtz, à mademoiselle Henriette Breymann de Watzum, ancienne élève de Froebel, à mademoiselle Chevallier, directrice d’un Jardin d’enfants a Orléans, ainsi qu’à M. et Madame Ruelens, qui ont bien voulu mettre leur talent à la disposition de notre oeuvre pour l’arrangement et la composition des chants.

Nous voudrions que notre Manuel pratique des jardins d’enfants ne fût pas trop indigne de la bienveillance, qu’un si grand nombre de personnes distinguées à divers titres, ont témoignée à notre entreprise. Le Manuel pratique des jardins d’enfants est appelé à devenir le livre de poche de toutes les personnes qui s’occupent d’enseignement, de tous ceux qui doivent élever des enfants.

C’est pourquoi nous avons tenu à ce que notre livre fût clair et compréhensible à tout le monde. Nous avons pensé qu’il s’agissait de faire ici moins oeuvre littéraire qu’un Guide pratique de l’éducation. Tel est l’esprit qui nous a constamment conduit dans ce modeste et utile travail. Si nous sommes parvenu à faciliter et à éclairer la tâche éducatrice des mères de famille ou des institutrices qui en tiennent la place, nous estimerons avoir reçu la plus douce comme la plus belle récompense que nous puissions espérer de notre labeur.

Bruxelles, 10 janvier 1859.

J.-F. Jacobs, Manuel pratique des jardins d’enfants de Frédéric Froebel, à l’usage des institutrices et des mères de famille ; composé sur les documents allemands, Claasen, Bruxelles et Hachette, Paris, 1859, annotations anonymes, sd.




Tombeau idéal de Ferdinand Cheval.
Une exposition grandeur nature


L’histoire que veut bien nous écrire l’auteur du Palais n’est pas un conte. Il ne s’agit pas d’un pays aussi inaccessible que le Royaume de Trébizonde ou que le Kamtchatka. D’ailleurs, on peut en avoir la preuve convaincante en allant à Hauterives. Vous vous trouverez en présence d’un Monument pittoresque, unique et le plus original du monde, ce travail colossal et d’un seul homme a coûté à son auteur : 34 ans d’un travail opiniâtre ; 9 mille journées ; 65 mille heures.

Lorsqu’on est en présence de cet immense travail, l’imagination en reste saisie et frappée et l’on se demande si l’on n’est pas transporté tout à coup, comme par enchantement, dans un autre hémisphère, où tout serait surhumain, phénoménal et éblouissant ; on ne peut s’imaginer qu’un seul homme fit tout cela sans le secours de personne. On peut très bien dire que le Dauphiné compte une huitième merveille.

Fils de paysan et fils de mes œuvres, je suis resté paysan avec le ferme désir de mettre en évidence le pouvoir de volonté énergique et d’un travail soutenu.

Aujourd’hui que le Monument est debout, je suis heureux d’entendre les cris d’étonnement des visiteurs, les éloges des enthousiastes et les critiques des connaisseurs ; c’est la récompense après le travail. Ma biographie ne révélant que des efforts obscurs auxquels mon obstination invincible a fini par donner une tournure, je vais me baser à décrire le Monument.

Quand j’eus réuni une certaine quantité de matériaux, je me mis à l’oeuvre. Les fondations creusées étonnèrent naturellement bien du monde car grandes sont les dimensions ; les voici : La façade Est mesure 26 mètres de longueur ; la façade Ouest également 26 mètres, celle du Nord 14 et celle du Sud 12. La hauteur varie suivant les endroits de 8 à 10 mètres. Chacune des façades n’est pas plane et unie comme on pourrait le croire, elle offre aux regards étonnés, dans mille petits palais variés, tout un monde bizarre, grotesque et original de plantes et d’animaux, de figures de toutes sortes. Entre les façades Est et Ouest se trouve une galerie de 20 mètres de long et 2 mètres de large et qui donne accès à chacune de ses extrémités à un labyrinthe aux sculptures hétéroclites ; dans cette hécatombe on trouve une foule de variétés que j’ai sculptées et façonnées moi-même rapppelant assez les temps anciens, tels que : cèdres, ours, éléphants, bergers des Landes, cascades ; dans l’autre on remarque sept figures d’antiquité, au-dessous, des autruches, des flamands, des oies, des aigles.

À 4 mètres du sol, parallèle à la Galerie, est une grande terrasse de 23 mètres de long sur 4 mètres de large où accèdent quatre escaliers tournants, d’où partent deux autres, l’un qui monte à la tour de Barbarie, l’autre près d’un petit génie qui éclaire le monde. De l’un de ces points culminants on a un beau point de vue, on découvre la riante et fertile vallée de la Galaure, là ce sont les prés verts, plus loin le cours sinueux et bruyant de la rivière, à gauche le charmant village d’Hauterives avec son église gothique, les restes d’un manoir féodal dont il est très fier ; on se demande si l’on est pas emporté sur l’aile d’un rêve fantastique, chimérique, dont les limites dépasseraient l’imagination, est-on dans l’Inde, en Orient, en Chine, en Suisse ; on ne sait, car les styles de tous les pays et de tous les temps sont confondus et mêlés.

Ferdinand Cheval, extraits du cahier n°4, février 1914