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“Paul Durand-Ruel” Le pari de l’impressionnisme
au Musée du Luxembourg, Paris

du 9 octobre 2014 au 8 février 2015



www.museeduluxembourg.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 7 octobre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Claude Monet, La Liseuse, 1872. Huile sur toile, 50 x 65 cm. Baltimore, The Walters Art Museum. © The Walters Art Museum, Baltimore.
2/  Paul Cézanne, Le Moulin de la Couleuvre à Pontoise, 1881. Berlin, Nationalgalerie, Staatliche Museen zu Berlin. © BPK, Berlin, dist. RMN-Grand Palais / Klaus Göken.
3/  Berthe Morisot, Femme à sa toilette, 1875-80. Huile sur toile, 60,3 x 80,4 cm. Chicago, The Art Institute of Chicago. © Chicago, The Art Institute of Chicago.

 

extrait du communiqué de presse :

 

commissaires :
Sylvie Patry, conservateur en chef au musée d’Orsay, Paris,
Anne Robbins, Christopher Riopelle, conservateurs à la National Gallery de Londres,
Jennifer A. Thompson, Joseph J. Rishel, conservateurs au Philadelphia Museum of Art.
Avec l’aide des Archives Durand-Ruel pour les recherches.




« J’arrive à mon grand crime, celui qui domine tous les autres. J’achète depuis longtemps et j’estime au plus haut degré les oeuvres de peintres très originaux et très savants dont plusieurs sont des hommes de génie et je prétends les imposer aux amateurs. J’estime que les oeuvres de Degas […], de Monet, […] de Pissarro et de Sisley sont dignes de figurer dans les plus belles collections .» Paul Durand-Ruel en 1885

Cette exposition est la première consacrée au grand marchand des impressionnistes, Paul Durand-Ruel (1831-1922), également considéré comme le père du marché de l’art moderne. Elle se propose, dans le sillage des récentes manifestations dédiées à des marchands influents, tels Theo Van Gogh, Ambroise Vollard ou Henri Kahnweiler, de mettre en lumière le rôle d’une figure éminente de l’impressionnisme dont les choix et les goûts radicaux ont été déterminants pour la reconnaissance des artistes et la constitution de notre panthéon de la peinture moderne.

La plupart des grandes collections impressionnistes publiques et privées se sont en effet constituées auprès de la galerie Durand-Ruel au tournant du XXe siècle. Encore aujourd’hui, nulle vente impressionniste qui n’ait lieu sans que des tableaux autrefois passés par la galerie n’y figurent. De sa découverte de l’impressionnisme au début des années 1870 jusqu’au succès du début du XXe siècle, Paul Durand-Ruel a acheté, vendu, exposé des milliers d’oeuvres de Manet, Monet, Renoir, Degas, Pissarro, Sisley, Morisot et Cassatt. Cette histoire ne s’est pas déroulée sans heurt et, s’il est maintenant salué comme un marchand visionnaire, Durand-Ruel a bel et bien fait le pari de l’impressionnisme. C’est ce chapitre de l’histoire de la galerie et du parcours d’un homme que l’exposition comme son catalogue entendent montrer et étudier grâce à de nouvelles recherches.

Reflétant le rayonnement international de la galerie au XIXe siècle, cette exposition évoque avec Paul Durand-Ruel une figure centrale de l’impressionnisme. Les collections des musées d’Orsay, de Londres et de Philadelphie comptent près de 200 oeuvres passées par sa galerie. L’exposition réunit plus de 80 tableaux et des documents, provenant de musées et de collections particulières du monde entier. Elle retrace, entre la fin des années 1860 et 1905, les moments-clés d’une autre histoire de l’impressionnisme, où la réception des oeuvres, leur diffusion, leur circulation sont considérées comme un élément de leur meilleure compréhension.

Cette exposition prend place dans les salles du Musée du Luxembourg qui abritait au temps de Paul Durand-Ruel le musée des artistes vivants, où les impressionnistes ont été difficilement et lentement acceptés. Afin d’offrir une vision alternative de l’art de son époque, le marchand ouvrait son appartement à la visite. L’évocation de cet «appartement-musée» constitue le point de départ de l’exposition qui aborde au fil de cinq autres sections, le goût du marchand pour la « belle école de 1830 » (Delacroix, Rousseau, Corot, etc...), ses premiers achats aux impressionnistes et à Manet, à Londres et à Paris, les années de crise à travers l’exemple de l’exposition impressionniste de 1876, la promotion des artistes avec l’essor des expositions particulières autour du cas de Monet en 1883 et en 1892, pour se clore sur la diffusion de l’impressionnisme aux Etats-Unis et en Europe, avec un accent sur l’exposition historique des Grafton Galleries à Londres en 1905, encore à ce jour le plus important rassemblement de tableaux impressionnistes.



Extrait du catalogue – texte de Sylvie Patry

« Il ne suffit pas de faire des chefs-d’oeuvre. Il faut les montrer »

Paul Durand-Ruel et les expositions particulières des impressionnistes en 1883

Vous croyez que je ne montre pas assez vos tableaux. […] Je ne montre qu’eux ;
je ne m’occupe que de cela depuis quelques années ;
j’y ai mis tout mon coeur, tout mon temps, toute ma fortune et celle des miens.
Durand-Ruel à Monet


[…]
« Après M. Boudin, M. Monet, après M. Monet, M. Renoir. Voici trois repas successifs qui nous sont servis dans un bien court espace de temps, et il faut avoir une certaine vaillance d’estomac pour digérer sans efforts cette nourriture particulière à laquelle l’économie générale n’est pas faite.» À ces trois noms mentionnés par le Courrier de l’art en avril 1883 s’ajouteront ceux de Pissarro et de Sisley. Entre février et juin, du 1er au 25 de chaque mois , dans un nouveau local proche de la Madeleine, Durand-Ruel consacre en effet une exposition particulière à chacun de ces cinq peintres, qu’il a commencé à acheter dès le début des années 1870 mais n’a jamais montrés seuls. Alors que le nombre d’oeuvres par artiste dans les règlements du Salon comme au musée du Luxembourg ne dépasse pas un ou deux, l’exposition individuelle n’est alors ni la « nourriture » ordinaire du régime de l’art ni la consécration artistique que nous y reconnaissons aujourd’hui : « Un artiste fait une exposition de ses oeuvres une fois dans sa vie […] mais ce doit être tout et encore je crois qu’il vaut mieux la faire à sa mort », estime Gauguin. Aussi la série de 1883 apparaît-elle à bien des égards comme une première dans l’histoire des expositions, dans le parcours du marchand et dans celui de peintres à mi-carrière : « les uns prétendent que les impressionnistes font des concessions, les autres que c’est le public qui commence à s’habituer à leur peinture et commence à les comprendre. [...] L’Exposition de Claude Monet […] sera d’une grande importance dans le mouvement qui se manifeste en faveur de la nouvelle école », constate le Journal des arts. On ne peut mieux souligner le rôle généralement accordé depuis au marchand et à ces expositions dans la marche de l’impressionnisme vers la reconnaissance, même si celles-ci surviennent dans un contexte contrasté. Après avoir repris ses achats aux impressionnistes en 1881 et attiré de nouveaux collectionneurs , Durand-Ruel affronte à nouveau une grave crise. Il maintient néanmoins une activité intense, en matière d’expositions en particulier, montrant les peintres à Londres en 1882 et 1883, et pour la première fois aux États-Unis, en Allemagne et en Hollande en 1883. Durand-Ruel « se remue beaucoup », mais « peut-être un peu trop en marchand », résume Pissarro, pointant le rôle grandissant de ce dernier. L’expression même de Van Gogh, « impressionnistes du grand Boulevard », qui en 1888, pour désigner Monet, Renoir, Pissarro et Sisley, mentionne l’emplacement élégant de leur galerie, ne traduit-elle pas cette évolution et les enjeux liés aux « espaces de l’avant-garde », identifiés par Martha Ward ? Ainsi, les expositions de 1883 apparaissent souvent comme un jalon dans la « construction historique et commerciale du modernisme », fondée sur la mise en valeur de l’artiste servie par l’élaboration d’un discours biographique, telle que l’a analysée Robert Jensen en particulier.
[…]

Sylvie Patry