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“La danse des formes” Textiles de Samiro Yunoki
au Musée Guimet, Paris

du 8 octobre 2014 au 12 janvier 2015



www.guimet.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 7 octobre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Samiro Yunoki, S’aligner 83, 1983. Soie teinte, 239 x 155 cm. Don Samiro Yunoki, 2013 – MA 12571.
© Paris, Réunion des musées nationaux - Grand Palais (musée Guimet, Paris)/ Thierry Ollivier.
2/  Samiro Yunoki, Mont Fuji 2011, 2011. Coton teint, 157 x 120 cm. Don Samiro Yunoki, 2013 – MA 12614.
© Paris, Réunion des musées nationaux - Grand Palais (musée Guimet, Paris)/ Thierry Ollivier.
3/  Samiro Yunoki, Tordre, 1995. Soie teinte, 273 x 127 cm. Don Samiro Yunoki, 2013 – MA 12577.
© Paris, Réunion des musées nationaux - Grand Palais (musée Guimet, Paris)/ Thierry Ollivier.

 


1451_La-danse audio
Interview de Aurélie Samuel, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 7 octobre 2014, durée 11'31". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Le musée national des arts asiatiques Guimet rompt avec sa tradition pour exposer le travail d'un artiste contemporain, Samiro Yunoki. La Danse des formes présente des pièces issues du don de 71 de ses œuvres à la collection du musée. Pratiquant la technique artisanale du Katazome, teinture en réserve par application au pochoir de pâte de riz, il ouvre le cadre de l'artisanat pour réaliser de véritables sculptures textiles en deux dimensions.

Sur un tissage blanc dont la teinte écru nous rappelle le patient travail de toutes les mains qui l'ont fabriqué, des vagues rouges, un rythme de larges points blancs et noirs organisent un motif régulier. Cet attribut familier du textile, cette répétition se voit barrée sur toute sa longueur d'un grand rectangle vert et d'une forme noire, stylisation presque animale comme l'ombre d'une sculpture ancestrale ou d'un totem. Ainsi se rencontrent tradition et modernité. La cadence lente d'un dessin qui se répète comme un savoir-faire se transmettant de génération en génération entre en collision avec une explosion joyeuse, créative, spontanée. L'œuvre de Samiro Yunoki est le fruit de cet impact: un geste codifié, répété jusqu'à sa parfaite maîtrise et des cultures lointaines et étrangères, immédiates et populaires.

Des motifs rectilignes sud américains, dans un simple et essentiel noir et blanc empruntent aux mayas autant qu'à l'art contemporain brésilien des années 60. Une série de larges traits courbes, arabesques courtes imbriqués comme les pièces d'un puzzle fait penser aux dessins de Keith Haring. Une autre pièce, constituée de spirales rouges et vertes fait vibrer de ses couleurs contrastées le support textile, aéré et satiné, comme tissé pour porter pareille ondulation. L'artiste pioche dans ses influences comme un enfant dans un vaste coffre à jouets. Cette joie enfantine et espiègle est communicative: on se prend à oublier le cadre muséal pour se perdre dans cet univers ludique qui s'offre à nous. Une autre œuvre intitulée 'calendrier' porte en son centre 12 rectangles blancs sur fond noir et est bordée de graduations comme un double décimètre. Tel un plateau de jeu de société, elle nous invite à jouer, à imaginer des règles et y déplacer des pions.

Empruntant aux arts folkloriques mexicains, des tissus se couvrent de personnages et d'oiseaux, bandes dessinées dont les séquences esquissent un récit de l'ordinaire, du quotidien. Un ensemble de marionnettes aux visages grotesques mi-hommes mi-animaux sont vêtus de mille couleurs. Des motifs indiens, africains, américains dont la délicatesse est assemblée, cousue en grosses coutures apparentes de fil épais, adjointe de boutons perdus retrouvés sont le public poétique et bariolé d'un spectacle imaginaire.

Ce public nous ressemble finalement. La danse des formes et des couleurs dans laquelle nous entrons est celle de notre diversité, de la richesse de nos rencontres et de notre émerveillement quand nous arrêtons de courir pour enfin regarder autour de nous.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Aurélie Samuel, responsable des collections Textiles du MNAAG



Cette exposition marque l’entrée dans les collections de 72 oeuvres, essentiellement textiles, données au musée national des arts asiatiques – Guimet par Samiro Yunoki, artiste japonais né en 1922 à Tokyo.

Issu d’une famille d’artistes, Samiro Yunoki s’oriente vers des études d’histoire, d’art et d’esthétique au sein de l’université de Tokyo et s’intéresse, après la Seconde Guerre mondiale, au travail du textile et des techniques artisanales, en suivant les enseignements de Keisuke Serizawa, grand artiste japonais (1895-1984) dont il fut l’élève.

La diversité des pièces de la donation reflète la variété de son oeuvre qui allie savoir ancestral et vision moderne, tant dans les techniques et matériaux employés que dans les motifs décoratifs eux-mêmes. éclatantes de modernité, ces oeuvres attestent d’une parfaite maîtrise de la technique japonaise de la teinture au pochoir, technique du katazome, littéralement « teinture à partir d’une forme ».

L’artiste se distingue également par l’emploi de couleurs vives, en parfaite harmonie avec la texture du tissu ainsi que par des motifs imaginaires abstraits mais si évocateurs qu’ils en deviennent presque figuratifs. Une extrême clarté des formes et un remarquable sens du mouvement donnent un caractère singulier à l’oeuvre de Samiro Yunoki qui, outre les textiles, s’exprime sur des supports très diversifiés tels que peinture sur verre, collages, sculptures ou livres illustrés pour enfants.

En marge d’oeuvres imprégnées par le Japon traditionnel, une grande partie de son travail est très ouvertement influencée par l’Occident et notamment Matisse. Yunoki ne considère pas ses textiles comme de simples décors en aplats mais comme des objets d’art tridimensionnels et dynamiques qui se déploient dans l’espace.




Présentation de l’exposition par Sophie Makariou, Présidente du MNAAG

Samiro Yunoki est le maître de la forme colorée et dynamique. Né en 1922 dans un milieu d’artistes, il est rapidement en contact avec une philosophie et un mouvement nouveaux au Japon, ceux du mouvement Mingei. Un de ses plus brillants représentants, Serizawa, l’amène à se former auprès de maîtres-teinturiers. Il apprend donc à leurs côtés l’impression par réserve faite au pochoir ou katazome, jouant de la répétition d’un même motif sur l’étoffe. Cette technique, la préférée de Samiro Yunoki, permet la reproduction, en plusieurs exemplaires, des pièces créées. Le processus demeurait cependant artisanal – par opposition à la standardisation industrielle – et deux oeuvres n’étaient jamais absolument identiques. Cette « facilité » portait en elle cependant la critique qu’en fit Samiro Yunoki ; n’allait-il pas affadir la dignité de la création de l’humble mais digne artisan qu’il était en une médiocre répétitivité ? Ce constat autour de la difficulté de plus en plus grande à se procurer textiles et teintures de qualité l’amena à diversifier les voies de sa création et suscita peintures sur verre, impression sur papier, sculptures et marionnettes.

La sensibilité de Yunoki s’alimenta de sources d’inspiration diverses : ce furent tour à tour la découverte du « good design » scandinave, dans les années 1960, mais aussi les premiers voyages à l’étranger et la découverte de la céramique mexicaine et de l’art de l’Inde, notamment de ses textiles, les papiers découpés de Matisse, etc. Toutes choses qui achevèrent de donner à l’art-geste de Yunoki une saveur et une force bien particulières.

Samiro Yunoki a toujours porté l’idée que la distinction entre art et artisanat n’a pas de sens, seuls prévalant par essence le savoir faire, la qualité des matières et la vitalité qui sous-tend toute création. À plus de 90 ans, Samiro Yuniko est joyeux et rieur, au cœur de sa belle demeure regorgeant de petits objets, telle un coffre à jouets qui l’inspire.

Le musée national des arts asiatiques – Guimet est tout particulièrement heureux de célébrer l’enrichissement majeur des collections nationales d’arts asiatiques que constitue le don de 71 oeuvres par l’artiste, ensemble qui rejoint une pièce offerte, en prélude, en 2009.

Sophie Makariou, Présidente du MNAAG




Samiro Yunoki


Samiro Yunoki est né le 17 octobre 1922 à Tokyo dans le quartier de Tabata, très fréquenté par les artistes et les écrivains. Issu d’une famille d’artistes, il s’oriente naturellement vers des études d’histoire, d’art et d’esthétique au sein de l’université de Tokyo, malheureusement interrompues par la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est qu’après la guerre, en 1946, que Samiro Yunoki, démobilisé, rejoint le musée Ohara à Kurashiki dans la préfecture d’Okayama, lieu de naissance de son père et important centre de l’école Mingei (abréviation de minshuteki kogeï, signifiant « artisanat » ou « art populaire »). C’est à ce moment qu’il commence à s’intéresser au travail sur textiles de Keisuke Serizawa (1895-1984) ainsi qu’au Kogei no michi (« techniques artisanales ») de Sôetsu Yanagi (1889-1961).

Serizawa, avec ses amis potiers Hamada et Xawaï ainsi que le graveur Munakata, fait partie des membres fondateurs du mouvement pour le renouveau de l’art populaire, animé par le pionnier Yanagi. En 1947, Yunoki devient l’élève de Serizawa et se spécialise alors dans l’art textile et plus particulièrement la teinture. C’est Serizawa qui lui apprend à appliquer les pochoirs et la pâte de riz afin de réaliser des teintures en réserve (katazome).

Le katazome
Le katazome, littéralement « teinture à partir d’une forme » (de kata, « forme », et zome, « teinture »), désigne plus largement la technique de teinture par réserve au pochoir. L’origine du katazome remonte à l’époque de Nara (710-794) mais c’est à la fin de l’époque Heian (794-1185), que le système de planches utilisé jusqu’alors fut remplacé par du papier. Le pochoir (katagami) est fabriqué à partir de papier d’écorce de mûrier (kozo) traité avec du jus de plaqueminier (kaki). Le tissu à teindre est étendu sur de longues planches ; de la colle de riz (résistante à la teinture) y est étalée avec une spatule en bois à travers le pochoir. Une fois la pâte obtenue séchée, on procède à la teinture, le plus souvent à l’aide d’un pinceau.