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“Garry Winogrand” article 1458
au Jeu de Paume, Paris

du 14 octobre 2014 au 8 février 2015



www.jeudepaume.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 13 octobre 2014.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Garry Winogrand, New York, vers 1962. Tirage numérique posthume d’après un négatif original. The Garry Winogrand Archive, Center for Creative Photography, Université d’Arizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco.
2/  Garry Winogrand, New York World’s Fair [Exposition universelle de New York] 1964. Tirage gélatino-argentique. San Francisco Museum of Modern Art. Don de Dr. L. F. Peede, Jr.. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco. Photo: Don Ross.
3/  Garry Winogrand, Los Angeles, 1980-1983. Tirage gélatino-argentique. The Garry Winogrand Archive, Center for Creative Photography, Université d’Arizona. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco.

 


1458_Garry-Winogrand audio
Interview de Marta Gili, directrice du Jeu de Paume,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 octobre 2014, durée 10'43". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Le Jeu de Paume présente l'exposition la plus vaste à ce jour du travail de Garry Winogrand. S'inscrivant dans le mouvement de photographie de rue qui a connu un âge d'or dans les décennies de l'après guerre, le photographe s'en démarque singulièrement. La spontanéité de ses prises de vues révèle, cliché après cliché, une étude clinique de la société américaine et de ses transformations à partir des années 60.

Winogrand se détache rapidement de la technicité. Sa photographie est immédiate, instinctive, et s'inscrit par là dans la culture de masse, dans l'émergence d'appareils instantanés accessibles à tous. Il y a dans cette liberté quelque chose de l'ordre de la science-fiction, ces milliers d'images de scènes ordinaires annoncent le flux d'images surabondantes actuel, à notre millénaire où grâce à nos téléphones, nous sommes tous devenus des photographes. A la lecture de ces tirages en noir et blanc il nous est donné de saisir le mouvement de toute une société.

Car ici la photographie est un art de la dramatisation, l'instant où le déclencheur est pressé crée un évènement là ou il n'y en a pas. Ainsi des hommes s'apprêtant à traverser une rue de New York s'opposent à un flot d'automobiles dans une composition nette, coupant l'espace en deux parts égales. Le noir des pardessus, l'ombre d'un bâtiment d'un côté, l'étincelance des tôles et des chromes de l'autre, leur multitude en faisant un fleuve se déversant à travers la ville en font l'illustration d'une société de consommation tournant à plein régime. Winogrand dissèque cette société de consommation en pleine explosion jusqu'à révéler l'absurdité qui la ronge comme un cancer. Des groupes de passants uniformisés: costumes, cravates, robes, chaussures, chapeaux similaires, rassemblés dans un mouvement de masse restent des individus étrangers les uns aux autres. Il n'y a pas de revendication de classe non plus, riches et pauvres sont égaux dans la grande cité uniformisatrice, ils se montrent optimistes, confiants en un avenir radieux dans leur décor de carrefours et de vitrines, de salles d'attente d'aéroports au mobilier standardisé et monotone.

Un groupe de voyageurs fraichement descendus d'un autobus se dirige vers la sortie de la gare routière, indiquée par une unique grande flèche muette au milieu d'un large mur de brique. Winogrand expose une vision désespérée d'une humanité abdiquant face à la perte de sens. Avec l'ironie du désespoir, il nous montre un couple s'embrassant contre un arbre de Central Park tandis qu'une femme seule s'adosse à l'autre côté du tronc. Ils sont cette jeunesse audacieuse et colorée des années 60, leurs vêtements aux motifs bariolés censés représenter une réaction à la culture dominante sont devenus un uniforme puisqu'ils portent tous le même. Ils sont réduits à l'état de personnes interchangeables, témoignant de l'échec de toute tentative d'évasion du moule social.

Au fur et à mesure que les décennies défilent, les modes, les costumes et les cravates changent mais la société poursuit son cap, s'obstine sur une route non négociable, immuable. Gerry Winogrand poursuit inlassablement son œuvre documentaliste, exposant rouleau après rouleau sa pellicule, comme un lanceur d'alerte désabusé.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires : Leo Rubinfien, Erin O’Toole et Sarah Greenough
L’exposition a été conçue et organisée par le commissaire invité Leo Rubinfien, photographe et auteur, en collaboration avec Erin O’Toole, conservateur associé de la photographie au SFMOMA, et Sarah Greenough, conservatrice de la photographie à la National Gallery of Art.




Le Jeu de Paume présente la première rétrospective, depuis vingt-cinq ans, du grand photographe américain Garry Winogrand (1928-1984). Chroniqueur de l’Amérique de l’après-guerre, Winogrand est encore mal connu, tant il a laissé de travail à accomplir – au moment de sa mort prématurée – dans l’archivage, le développement et le tirage de ses photographies. Il est cependant sans conteste l’un des maîtres de la photographie de rue américaine, au même titre que Walker Evans, Robert Frank, Lee Friedlander ou William Klein.

Célèbre pour ses photographies de New York et de la vie aux États-Unis depuis les années 1950 jusqu’au début de la décennie 1980, Winogrand cherche à « découvrir à quoi ressemblent les choses une fois photographiées ». Organisée conjointement par le SFMOMA et la National Galler y of Art de Washington, l’exposition « Garry Winogrand » réunit les images les plus emblématiques de l’artiste et des tirages inédits puisés dans les archives, en grande partie inexplorées jusqu’ici, de la fin de sa vie afin d’offrir une vue d’ensemble rigoureuse de son parcours et, pour la première fois, d’embrasser la totalité de sa carrière.

Les photographies de l’exposition et celles du catalogue composent un portrait vivant de l’artiste, chroniqueur de l’Amérique de l’après-guerre à l’égal d’un Norman Mailer ou d’un Robert Rauschenberg qui, durant les décennies postérieures à la Seconde Guerre mondiale, témoignèrent inlassablement d’une Amérique ballottée entre optimisme et bouleversements.

Winogrand a beau être considéré, par beaucoup, comme l’un des plus grands photographes du XXe siècle, l’examen de son corpus pictural et de son influence sur la discipline demeure incomplet. Extrêmement prolifique, il a pourtant souvent différé la sélection et le tirage de ses images. À sa mort, survenue brutalement à l’âge de 56 ans, il a ainsi laissé derrière lui environ 6 500 bobines (soit quelque 250 000 images) qu’il n’a jamais vues ainsi que des planches-contacts des années antérieures, qui avaient été annotées mais jamais tirées. De sorte que près de la moitié des photographies de cette exposition n’ont jamais été montrées ni publiées à ce jour et que plus de cent n’avaient encore jamais été tirées.vv« Il n’existe en photographie aucun ensemble, de taille ou de qualité comparables, qui soit à ce point resté à l’état de friche », déclare Rubinfien qui, dans les années 1970, fut l’un des plus jeunes dans le cercle d’amis de l’artiste. « Cette exposition est un premier pas vers une analyse d’ensemble du travail inachevé de Winogrand. Elle est aussi l’occasion de s’éloigner d’une présentation thématique au profit d’une approche plus libre, fidèle à l’esprit qui était au coeur de sa démarche, ce qui permet de renouveler le regard porté sur son oeuvre, même de la part de ceux qui pensent le connaître. »




L’exposition est divisée en trois parties, chacune couvrant une grande variété de sujets chers à l’artiste.


« Descendu du Bronx » présente des photographies prises en majorité à New York, depuis ses débuts en 1950 jusqu’en 1971 ;

« C’est l’Amérique que j’étudie » rassemble des travaux réalisés à la même époque mais lors de voyages hors de New York ;

et « Une fin incertaine » porte sur la période de maturité depuis son départ de New York en 1971 jusqu’à sa mort en 1984 avec des images du Texas et de Californie du Sud, ainsi que de Chicago, de Washington, de Miami et d’ailleurs. Cette troisième section comporte également un petit nombre d’images prises lors de ses retours à Manhattan et dans lesquelles s’exprime une tristesse absente, jusque-là, de son travail.

Winogrand était connu pour être un grand bavard, doté d’une personnalité exubérante et impétueuse, et les commentaires dont il émaillait ses projections et ses conférences étaient souvent pleins de verve et de drôlerie. Des extraits d’une vidéo réalisée en 1977 permettront aux visiteurs de se faire une idée du Winogrand vivant.


Partenaire du Jeu de Paume, la RATP accompagne la rétrospective photographique « Garry Winogrand » par l’exposition « La RATP INVITE GARRY WINOGRAND », du 14 octobre 2014 au 8 février 2015. Dans 16 stations et gares de son réseau, la RATP offre ainsi un véritable complément au parcours proposé par le Jeu de Paume dans sa rétrospective, en présentant 26 photographies de Garry Winogrand, dont certaines inédites. Reproduites plusieurs fois sur les réseaux, ce sont ainsi près de 300 images que les voyageurs peuvent découvrir pendant leur trajet.
http://www.ratp.fr/fr/ratp/r_117192/la-ratp-invite-garry-winogrand-dans-le-metro/